La venue en Algérie de l’acteur français Gérard Depardieu pour le tournage d’un film sur Ahmed Bey, dernier Bey de Constantine, provoque une vive polémique sur les réseaux sociaux.
Cela va dans tous les sens. L’interprétation de Gérard Depardieu du rôle d’Hussein Dey dans le film que réalise l’Iranien Jamal Shoorjeh est fortement critiquée.
« Depardieu à Alger. Il n’y a pas un Algérien pour jouer Dey Hussein ? Scandale artistique », écrit Tawfik Belfadel sur son compte Facebook.
Samira Hadj Djilani, productrice, a parlé, sur sa page, de « monstre sacré du cinéma international » qui interprétera le rôle d’Hussein Dey (le film est en tournage à Alger).
Les publications de photos et de vidéos faites par Samira Hadj Djilani sont commentées avec des avis très partagés. « Bravo chère Samira, je ne peux pas cacher mon avis sur ton bon choix d’acteur. Il faut viser loin (…) C’est dommage que les gens interprètent mal ce choix », regrette Safia Khettab.
« N’avez-vous pas dit qu’il fallait encourager la production locale, le comédien local ? », s’interroge Hocine Cherroud. Le comédien Rachid Bengoudifa se plaint d’avoir été supprimé du casting après avoir été contacté par les producteurs du film Ahmed Bey.
« Je n’ai pas compris qui a choisi les acteurs », s’étonne-t-il disant n’être pas contre l’engagement d’un comédien étranger. « Vous avez tourné le dos aux acteurs algériens. Beaucoup d’entre eux ont fait leur preuve dans des films en Europe. Quelles sont vos motivations pour un tel choix ? », s’interroge, de son côté, Waheb Benarab
« Les Algériens découvrent que Hussein Dey n’était pas… algérien »
« Gérard Depardieu, le respectable Dey », se moque, pour sa part, l’écrivain et universitaire Said Boutadjine. « Pourquoi, le Dey était respectable ? », se demande la journaliste Amel Birouk.
« Depardieu incarnera le rôle de Dey Hussein dans un film sur Ahmed Bey, les deux derniers représentants de l’ancien Empire colonial turc, dont on veut faire des héros nationaux », dénonce Nourdine Chemala.
« Les responsables de la culture en Algérie n’ont pas trouvé mieux que d’offrir le rôle de « Dey Hussein » à l’acteur français controversé Gérard Depardieu qui est au cœur de beaucoup de scandales en France », écrit l’administrateur de la page « Algérie aujourd’hui ».
Parmi « les scandales » évoqués, l’affaire de l’agression sexuelle, portée devant un tribunal à Paris, par une comédienne française contre Depardieu.
Khalil Soualem s’est dit indigné que le rôle de Hussein Dey soit confié à « un criminel accusé de viol » en France. Pour lui, Hussein Dey, qui a pourtant livré les clefs d’Alger aux Français en 1830, est « un symbole » de la « Révolution ».
« Soudainement, et grâce à la polémique qui tourne autour de l’acteur français Gérard Depardieu, les Algériens découvrent pour la première fois que Hussein Dey n’était pas… algérien ! », se moque Bilel Chebcheb.
Un autre internaute fait un parallèle entre Depardieu et le chanteur marocain Saâd Lemjerad, poursuivi en France pour une affaire de viol aussi.
Sur Facebook, on évoque également le vignoble, le domaine Saint-Augustin, de Depardieu à Tlemcen. Un domaine de 150 hectares. « Depardieu s’est converti à l’islam (dans les années 1970) mais a vite changé d’avis parce qu’il ne pouvait pas rompre avec le vin et avait peur de la circoncision ! », s’amuse un facebooker.
Hussein Dey devait être campé par Hassan Kechache
La comédienne Rym Ghezali soutient le choix porté sur Gérard Depardieu. « Le cinéma algérien brillera à l’international. Excellente initiative. Et merci au grand acteur Depardieu de donner un souffle et un espoir à notre art mais aussi d’appuyer un point très sensible de l’Histoire de l’Algérie. Très courageux de sa part », écrit-elle.
« L’argent du peuple algérien est offert à un ami d’Israël… Il s’agit d’un lobby dangereux en Algérie. Depardieu est un grand partisan d’Israël. Je pense qu’il appartient aux députés et aux ministère des Moudjahidine de bouger pour arrêter cette dérive », conseille le journaliste Mohamed Allal.
Offusqué, Abdelali Mezghiche, journaliste à l’ENTV, qualifie d’inacceptable de confier le rôle de Hussein Dey à un comédien « qui soutient l’entité sioniste ». « Les hommes libres de ce pays ne vont pas se taire », menace-t-il.
La productrice Samira Hadj Djilani a déclaré, à Echourouk, que le rôle d’Hussein Dey devait être campé par le comédien Hassan Kechache. « Mais, il a refusé l’offre financière qui lui a été faite. J’assume le choix de Gérard Depardieu parce que je veux que le cinéma algérien soit porté à l’international. Je n’ai pas besoin de leçon de patriotisme. Je fais partie d’une famille qui a donné 15 martyrs pour ce pays », a-t-elle dit.
Selon elle, 80% des techniciens du film « Ahmed Bey » sont algériens. À TSA, Samira Hadj Djilani a confié ce lundi que la présence de Gérard Depardieu a apporté beaucoup de visibilité au tournage du film sur Ahmed Bey. Le choix du comédien français a été fait depuis six mois, selon elle. « Je suis en train de travailler et j’assume mes choix. Je n’ai de compte à rendre à personne sauf à ceux avec qui j’ai signé le contrat, c’est-à-dire le ministère de la Culture », a-t-elle soutenu.
« Depardieu est un ami de l’Algérie »
Interrogé par les journalistes, en marge de l’ouverture de l’année parlementaire, ce lundi 3 septembre, le ministre de la Culture, Azzeddine Mihoubi, a précisé qu’actuellement, on cherche toujours à donner une audience internationale à un film « en choisissant un réalisateur, un scénariste ou un comédien connu ».
« Il faut toujours veiller à réunir les conditions de la réussite. Anthony Quinn a bien interprété le rôle de Hamza, l’oncle du Prophète Mohamed, dans le film Al Rissala (de Moustapha Akkad, sorti en 1977). Est-ce que cela a été contesté ? La productrice du film (sur Ahmed Bey) a choisi un réalisateur, un scénariste et le comédien Depardieu pour donner une ampleur internationale au long-métrage. Depardieu est un ami de l’Algérie, connaît l’Algérie et a une excellente relation avec le cinéma et les cinéastes algériens. Il a eu des positions importantes par rapport à l’Algérie. Sa relation avec l’Algérie dépasse le fait d’avoir la nationalité algérienne », a estimé le ministre de la Culture.