Une campagne pour le port du voile islamique (hijab) a été récemment menée dans une résidence universitaire de Bab Ezzouar (Alger), déclenchant une vive polémique sur les réseaux sociaux.
Au total, 150 étudiantes ont été « convaincues » de porter cet accoutrement considéré comme « conforme à la charia islamique ». Elles l’ont porté au cours d’une cérémonie solennelle organisée à la résidence universitaire El Djorf, dont les images sont devenues virales sur les réseaux sociaux.
Une autre opération similaire a eu lieu lundi à l’université de Khenchela où selon El Bilad, 100 étudiantes ont été “convaincues” de porter le hijab.
Ces campagnes suscitent des réactions mitigées sur les réseaux sociaux. Les avis sont partagés, entre ceux qui y voient une promotion de la vertu et de l’attachement aux préceptes de la religion, et ceux qui estiment que ce genre de pratiques n’a pas sa place dans un lieu de savoir, comme l’université.
Certains redoutent même le retour du prosélytisme des années 1990, particulièrement actif dans les milieux estudiantins.
Comme si le temps s’était figé, cette campagne menée en 2023 est à l’initiative de la même organisation estudiantine qui œuvrait il y une trentaine d’années à l’islamisation des campus, l’Union générale estudiantine libre (UGEL).
Comme son nom ne l’indique pas, cette organisation est connue pour ses liens avec un parti politique de la même obédience, le Mouvement de la société pour la paix (MSP).
« L’UGEL ! Nous allons payer très cher notre silence devant cette hystérie collective au sein de l’université algérienne », a écrit sur les réseaux sociaux l’activiste politique Abdelkrim Zeghileche qui qualifie l’organisation estudiantine à l’origine de l’initiative d’« union générale iranienne des étudiants ».
C’est peut-être un rappel de sa part de ce qui se passe en Iran où les femmes se battent pour arracher la liberté de porter ou non le voile.
« Pour ceux qui disent que cela relève de la liberté individuelle, on verra si la société acceptera de les voir abandonner le hidjab », a écrit sur Facebook Hajer Hamadi qui parle de lavage des cerveaux par l’ignorance sacrée.
Ce genre de pratiques était en vogue dans les années 1980 et 1990 et beaucoup rappellent qu’elles ont abouti à la montée de l’islamisme radical puis du terrorisme contre lequel les femmes algériennes se sont courageusement battues.
Ces jours-ci, comme une sonnette d’alarme, l’histoire émouvante de Amel Zouani est largement rappelée par les internautes. La jeune fille, étudiante en droit de 23 ans, a été égorgée en janvier 1997 dans un faux barrage dressé par un groupe terroriste sur la route de Sidi Moussa (Alger). Son tort était de ne pas porter le hijab.
L’islamologue Saïd Djabelkhir, récemment innocenté par la justice de l’accusation d’offense aux préceptes de l’islam, a partagé une citation de la sociologue Razika Adjani dans laquelle elle estime que le port du voile par les femmes constitue pour les islamistes un indice important de la réussite de leur mouvement.
Ce n’est toutefois pas la première fois qu’une telle initiative a lieu dans une université algérienne ces dernières années. En 2021, des cérémonies similaires ont été organisées à l’université de Ain Defla où les étudiantes qui ont accepté de porter le voile ont été auréolées de la « couronne de la pureté ».
Au-delà du danger de radicalisation que portent ces initiatives, beaucoup estiment que le rôle d’une organisation estudiantine n’est pas de faire du prosélytisme, mais de défendre les intérêts des étudiants et de contribuer à l’amélioration des conditions et de la qualité de l’enseignement. D’autant plus que, soulignent-ils, les universités algériennes demeurent absentes des classements mondiaux.