En pleine polémique sur la publication de caricatures du Prophète de l’Islam en France et les réactions violentes qui s’en sont suivies, le parlement suisse était appelé à se prononcer sur une proposition d’abolir le délit de blasphème. Par 115 voix contre 48, le Conseil national (chambre basse) a rejeté la motion. Le blasphème demeurera donc un délit aux yeux de la loi helvétique.
Pour le Conseil fédéral (présidence collégiale), la protection de la liberté d’expression est une expression de la liberté de conscience et de croyance, qui est explicitement garantie par la Constitution fédérale.
« La liberté d’expression ne s’applique pas sans limite », a estimé la conseillère fédérale (membre de la présidence fédérale) Karin Keller-Sutter. L’article 261 du Code pénal ne protège pas seulement le « vivre ensemble » pacifique de toutes les religions, mais aussi le droit au respect des convictions religieuses. Il garantit aux minorités religieuses une protection pénale contre les persécutions.
L’auteur de la motion, Beat Flach, estime que la norme pénale antiraciste et la protection contre l’atteinte à l’honneur et contre l’injure sont suffisantes et juge « anachronique qu’un Etat laïque et libéral érige le blasphème en une infraction spécifique ».
« Il ne faut pas punir les gens parce qu’ils se moquent d’une foi. Il faut donner un signal clair et fort en faveur de la liberté d’expression », a-t-il plaidé, déplorant le fait que les convictions religieuses ne peuvent pas être critiquées dans la même mesure que d’autres opinions philosophiques. Des arguments qui n’ont pas convaincu le Parlement et l’organe exécutif suisses.
Alors que le président français Emmanuel Macron a refusé de « renoncer » aux caricatures au nom de la liberté d’expression, un autre pays occidental a estimé que la liberté d’expression a ses limites.
Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, a montré vendredi ses distances avec le président français. « Nous nous devons d’agir avec respect pour les autres et de chercher à ne pas blesser de façon arbitraire ou inutile ceux avec qui nous sommes en train de partager une société et une planète (…) Dans une société pluraliste, diverse et respectueuse comme la nôtre, nous nous devons d’être conscients de l’impact de nos mots, de nos gestes sur d’autres, particulièrement ces communautés et ces populations qui vivent encore énormément de discriminations », a-t-il dit.
« Nous allons toujours défendre la liberté d’expression (…) mais la liberté d’expression n’est pas sans limites », a tranché le PM canadien.