En Algérie, la situation des malades atteints de cancer ne cesse de se dégrader et leurs problèmes s’allongent.
Alors que le facteur temps est crucial dans leur prise en charge thérapeutique, des patients peinent à trouver un créneau pour une radiothérapie dans les hôpitaux du pays.
| LIRE AUSSI : En Algérie, la prise en charge des cancéreux est « catastrophique »
Parfois, ils doivent attendre des mois avant de décrocher un rendez-vous. Une situation qui pousse Hamida Kettab, secrétaire générale de l’association d’aide aux malades cancéreux El-Amel à lancer un cri de détresse.
“Nous lançons un appel de détresse concernant la radiothérapie pour les patients atteints de cancer », a-t-elle dit dans un entretien à TSA.
“Les rendez-vous de radiothérapie donnés sont pour le mois d’août 2023”
Pour espérer se faire traiter en Algérie, des cancéreux doivent parfois attendre une année. “Les rendez-vous de radiothérapie donnés actuellement sont pour le mois d’août 2023”, a fait savoir Mme Kettab qui a publié sur sa page Facebook une copie du RDV donné par le CPMC d’Alger à un patient pour le 24 août 2023.
Un laps de temps extrêmement long qui donnera aux malades atteints de cancer “tout le temps de mourir, de récidiver ou de développer des métastases”, a-t-elle regretté.
“Le problème de la radiothérapie persiste”, a déploré la présidente de l’association El-Amel.
Mme Khettab indique que son association et plus de 18 autres associations d’aide aux patients atteints de cancer en Algérie ont lancé à plusieurs reprises des cris d’alarme au président de la République et au ministre de la Santé pour dénoncer la situation “critique” des malades cancéreux et ont alerté sur les ruptures des médicaments de chimiothérapie et l’absence “totale” de soins palliatifs et supports pour les patients.
“Le maillon faible de la prise en charge des cancers est la radiothérapie. Elle est pratiquement inexistante. La plupart des centres sont en panne”, a dénoncé Mme Kettab.
Pour illustrer son propos, elle prend comme exemple le centre de radiothérapie d’Adrar “qui est en rupture depuis près de deux ans. 19 médecins radiothérapeutes sont sur place. Ils se roulent les pouces depuis deux ans. Ils ne travaillent pas parce que les appareils de radiothérapie, trois accélérateurs linéaires, ne fonctionnent pas, alors qu’ils sont sous emballage”, a-t-elle développé.
“La plupart des services de radiothérapie (à l’échelle nationale) et des appareils sont en panne”, a-t-elle déploré.
“On nous parle d’un problème de maintenance”
Selon la secrétaire générale de l’association El- Amel, la réponse du ministère de la Santé quant à ce problème est “qu’il y a un problème avec la société de maintenance”. Elle explique pourquoi son association ainsi que les patients ne peuvent accepter cette explication.
“On s’en fout. Le patient s’en fout. Ce n’est pas à lui de résoudre le problème de maintenance des machines. Lui il veut être traité. Il a un cancer. C’est un citoyen algérien. Il a le droit d’être traité”, a-t-elle dit.
Malgré la volonté affichée du gouvernement d’améliorer la prise en charge des malades cancéreux dans le pays, cet objectif est selon Mme Kettab loin d’être atteint.
“Le président a donné des instructions pour que le patient algérien atteint de cancer soit pris en charge dans le temps et de façon équitable. Le ministre de la Santé a, de son côté, déclaré, il y a plus d’une année, le 4 février (journée mondiale du cancer), avoir réglé tous les problèmes des patients atteints de cancer et avoir réglé le problème de la radiothérapie. Mais aujourd’hui, des patients atteints de cancer de la prostate, d’un cancer du sein ou d’une autre pathologie cancéreuse doivent attendre au minimum une année pour avoir un RDV de radiothérapie”, a-t-elle dénoncé à nouveau.
Son message à Benbouzid
Mme Khettab ne baisse pas les bras et lance un message au ministre de la Santé, le Pr Abderrahmane Benbouzid. “Vous êtes médecin, vous savez ce qu’est une année. Attendre une année c’est condamner le patient. C’est le laisser livré à lui-même. C’est non-assistance à personne en danger”.
Mme Kettab souligne qu’actuellement, le ministère de la Santé “est en train de monter une autre société pour remplacer l’entreprise chargée d’assurer la maintenance et la réparation des appareils de radiothérapie.”
“Mais nous ne pouvons pas laisser les gens mourir en attendant de régler ce problème. Il faut essayer de trouver une autre solution, à court et moyen terme”, a-t-elle estimé.
Pour résoudre ce problème, la secrétaire générale de l’association El-Amel suggère l’implication du secteur privé.
“Il y a 36.000 centres privés opérationnels qui disposent des dernières génération d’accélérateurs (appareils de radiothérapie). Il faut faire des conventions avec ces centres pour prendre en charge en urgence, et dans le privé, les patients atteints de cancer”, a-t-elle proposé.
“L’essentiel est de ne pas laisser les gens mourir. Donner des rendez-vous écrits, noir sur blanc, sur une année, c’est une aberration. Ce n’est pas normal”, a-t-elle dit.
Lançant un dernier message au ministre de la Santé, Mme Kettab a déclaré : “Comment pouvez-vous annoncer que le problème de la radiothérapie est réglé. La situation a empiré, et cela va empirer encore. Ou allons-nous comme ça ? Ce n’est pas normal. Il faut régler le problème.”