Société

Pourquoi l’Algérie ne produit pas une huile d’olive de qualité

L’huile d’olive produite en Algérie est très souvent de mauvaise qualité. Les pratiques agricoles, les procédés de pressage et l’organisation de la filière sont les principales causes de ses défauts, d’après l’expert agronome Akli Moussouni, spécialisé dans la culture de l’olivier.

« Le défaut qualité colle à la quasi-totalité des huiles d’olives algériennes », affirme l’expert agronome qui pointe la qualité des olives à leur arrivée aux huileries. Celles-ci sont généralement « trop mûres, à cause d’une cueillette tardive » et sont souvent « moisies, rances, à cause du non-respect de l’itinéraire de production approprié ».

L’un des grandes défauts de l’huile d’olive locale est son taux d’acidité, qui « dépasse généralement les seuils tolérés ». Un défaut de qualité compliqué par l’attachement des Algériens « aux saveurs fortes obtenues dans les huileries traditionnelles ».

Alors que « chaque région se targue de disposer de la meilleure huile d’olive » en Algérie, la production locale est « totalement exclue des standards du commerce international », constate l’agronome.

Des oliviers mal cultivés

Le problème de la filière algérienne de l’olivier se résume en « un contexte social ancré dans les traditions », explique M. Moussouni. La taille, « cheval de bataille dans la rentabilité des vergers est très peu pratiquée », ce qui laisse les oliviers atteindre « des hauteurs importantes », explique l’expert-agronome

Ces hauteurs exagérées des oliviers, cumulées à l’absence de fertilisation, la nature des sols qui sont souvent peu travaillés, « accentuent le phénomène naturel d’alternance » (une récolte abondante une année sur deux).

Les traitements phytosanitaires sont également absents, ce qui laisse les maladies et nuisibles, comme la mouche de l’olive, faire des dégâts importants chaque année.

Des olives mal pressées

Le pressage des olives dans les huileries algériennes continue de dégrader la qualité de l’huile, déjà bien entamée par les dégâts que lui causent les mauvaises pratiques des cultivateurs.

« Les délais allongés du stockage des olives avant trituration, la manière hors norme de leur transformation dans les huileries et le conditionnement du produit final dans des emballages de récupération font que nous avons exclu totalement ce produit des standards du commerce international », regrette Akli Moussouni.

Même le système d’extraction à trois phases, en vigueur dans la quasi-totalité des huileries du pays, est dépassé et « abandonné partout dans le monde », explique-t-il, ajoutant que le « non-respect des températures » lors de la trituration des olives participe à gâcher l’huile produite.

L’archaïsme des huileries et de leurs pratiques s’explique par le fait que « leurs propriétaires agissent en prestataires de services » qui « ne se soucient pas de la qualité des huiles produites », explique l’expert-agronome.

Les huileries ne sont intégrées ni dans leur environnement ni dans la filière oléicole, ce qui explique leur manque d’implication dans les questions de qualité du produit final et de leur impact sur leur environnement immédiat. « Les résidus rejetés dans la nature (par les huileries) posent à leur tour une contrainte environnementale alors qu’ils peuvent contribuer largement dans l’alimentation du cheptel et la fertilisation des sols s’ils sont recyclés », explique M. Moussouni.

Une filière mal organisée

La filière agricole de l’olivier et de l’huile d’olive souffre de nombreux maux, selon M. Moussouni. En plus des contraintes techniques, la filière de l’huile d’olive algérienne souffre de « difficultés d’ordre sociologique, comme le peu de dynamisme des agriculteurs ».

Un héritage de l’économie planifiée, selon l’expert-agronome qui explique que les acteurs de la filière « sont toujours dans l’attente des initiatives de l’administration ».

Peu de travailleurs sont spécialisés dans le domaine de l’olivier et de l’huile d’olive et « les rares intervenants à plein temps dans les champs ne sont pas préparés à produire selon les normes d’un véritable marché ».

La culture de l’olivier et la production de l’huile d’olive est à l’image des autres filières agricoles en Algérie. « Les politiques successives visant en théorie à encourager les activités agricoles en général se sont heurtées à chaque fois aux carences d’organisation autour des produits et aux carences techniques des agriculteurs », explique M. Moussouni.

« Pour faire passer la pilule, on continue à manipuler politiquement des statistiques infondées, comme celle qui veut que l’Algérie soit le 7e producteur mondial d’huile d’olive », conclut l’agronome.

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