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Pourquoi l’Arabie saoudite s’est rapprochée de la Russie

Pourquoi l’Arabie saoudite s’est rapprochée de la Russie

Vasily Fedosenko / latribune.fr
La visite en Russie du roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud en octobre dernier est historique. L'Arabie Saoudite a acheté le système russe de défense antiaérienne S-400.

Le rapprochement de l’Arabie Saoudite et de la Russie rebat les cartes dans la région du Golfe. ET au-delà…

Quand le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud a foulé début octobre pour la première fois le sol russe, malgré un petit problème technique d’escalator à la sortie de l’avion, l’Arabie Saoudite a lancé un signal très fort à l’ensemble du monde, et notamment aux États-Unis. Car la visite en Russie du roi d’Arabie Saoudite est historique à plus d’un titre. Ainsi, si l’Union soviétique avait été le premier État à reconnaître l’Arabie saoudite en 1926, aucun dirigeant saoudien ne s’était encore rendu en URSS, puis en Russie. Au-delà, les deux pays entretenaient des relations conflictuelles ces dernières années, ils se sont notamment opposés sur la Syrie comme sur le conflit au Yémen. Moscou, qui soutient le régime de Bachar al-Assad et Ryad, l’opposition, font partie des principaux acteurs du conflit en Syrie.

Vladimir Poutine et le roi Salmane d’Arabie saoudite, allié traditionnel de Washington, ont donc scellé leur rapprochement en signant d’importants accords militaires et énergétiques à l’occasion de cette première visite d’un souverain saoudien en Russie. Ryad a signé avec la Russie un accord préliminaire ouvrant la voie à l’achat du redoutable système russe de défense antiaérienne S-400 ainsi qu’à leur production dans le royaume saoudien, qui a également commandé le système missile antimissile américain THAAD. L’accord russo-saoudien prévoit également l’achat de systèmes antichars Kornet-EM, de lance-roquettes TOS-1A, de lance-grenades AGS-30 et de fusils d’assaut Kalachnikov AK-103. Ces ventes s’accompagnent de transfert de technologie pour les Kornet-EM, TOS-1A et AGS-30.

Ces accords « permettent d’élever le partenariat russo-saoudien à un niveau inédit », avait alors estimé le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, à l’issue de ces négociations.

Pourquoi un tel rapprochement de la part de Ryad

Ces achats de la part de Ryad, à condition qu’ils soient confirmés – ce dont doutent des observateurs interrogés par La Tribune -, poursuivent deux objectifs bien précis. D’abord contenir le bloc Iran-Irak-Syrie-Hezbollah, dont l’allié traditionnel est la Russie. Si Ryad est parvenu la conclusion qu’elle ne pourra jamais diviser cette alliance, elle a obtenu via la Russie un canal de communication dont elle compte se servir en cas de tensions fortes (Yémen notamment, Bahreïn). Pour l’Arabie Saoudite, « ce canal valait, semble-t-il, quelques milliards… », estime un observateur.

Le rapprochement entre Moscou et Ryad a été favorisé par leur rôle moteur dans l’accord entre grands producteurs de pétrole permettant d’enrayer l’effondrement des prix, qui a frappé de plein fouet leurs économies. L’Arabie Saoudite a atteint son deuxième objectif, celui d’harmoniser la politique pétrolière mondiale… même si les États-Unis ont continué par ailleurs à augmenter leur production d’or noir et leurs exportations se sont envolées. Si l’Arabie maîtrise la stratégie de production et de prix de l’OPEP, elle n’avait en revanche aucune influence sur celle des autres pays producteurs de pétrole, alliés de la Russie (Iran, Venezuela, Algérie notamment).

« Nous aspirons à poursuivre la coopération positive entre nos pays en vue de stabiliser les marchés pétroliers mondiaux », avait assuré le roi Salmane, lors des pourparlers avec Vladimir Poutine.

Dans l’optique d’une remontée des cours (et donc d’une réduction de la production), nécessaire à la mise en place du programme Vision 2030, Ryad n’avait pas d’autre choix là aussi que d’ouvrir un canal de communication avec Moscou. Pari réussi puisque l’Opep et ses dix partenaires, dont la Russie, ont décidé fin novembre de prolonger leurs quotas de production de pétrole jusqu’à fin 2018 pour stabiliser le redressement des prix.

Un accord qui va peut-être rebattre les cartes ?

Côté russe, ce rapprochement a déjà eu le mérite d’ébranler quelques institutions comme l’OTAN, son très vieil ennemi déjà déstabilisé par l’alliance inédite conclue entre Moscou et Ankara. L’OTAN va-t-elle insister dans ses projets d’extension dans le Golfe? Au sein de l’OPEP, les cartes sont rebattues avec une alliance entre le leader de l’OPEP et la Russie pour tendre à un condominium pétrolier mondial. L’occasion était trop belle pour la Russie pour ne pas en profiter. « Faisant d’une pierre trois coups, Moscou en profite également pour annihiler la diplomatie religieuse saoudienne dans ses régions sensibles (Tchétchénie, Daghestan) », estime cet observateur.

Surtout, la Russie s’infiltre progressivement au cœur des bastions américains de la région (EAU, Turquie, Arabie) tout en continuant à soutenir ses alliés traditionnels (Syrie, Iran, Irak et Égypte). Au demeurant, les pays du Golfe et du Proche-Orient s’affichent de plus en plus ouvertement avec la Russie. Les récents projets ou contrats d’armement dans la région (Émirats Arabes Unis, Koweït, Égypte…) avec la Russie le démontrent. Fidèle dans ses alliances, la Russie sait également mener des offensives diplomatiques à front renversé. Ainsi le rapprochement russo-saoudien symbolise le rôle croissant joué par Moscou au Proche-Orient.

 

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