Le film du jeune réalisateur afro-américain Ryan Coogler, inspiré d’une BD écrite en 1966, pulvérise les records en salles. En deux semaines, Black Panther s’est hissé à la première place du box-office nord-américain, et enregistre le deuxième meilleur second week-end de l’histoire des ventes du cinéma avec 108 millions de dollars de recettes (après Star Wars 7, Jurassic World et Avengers). En France, la Panthère Noire totalise, deux semaines après sa sortie, 1,9 million d’entrées. Nous l’avons vu au cinéma.
Certes, Black Panther était attendu. Il pouvait en effet compter sur les aficionados des films des studios Marvel, filiale de Disney, qui adaptent au cinéma les super-héros des bandes dessinées éponymes : les Avengers, Spider-man ou Captain America pour ne citer qu’eux.
Un héros noir africain en tête d’affiche
Mais ce film n’est pas uniquement un divertissement populaire qui explose le box-office. Black Panther est le premier super-héros noir africain à avoir un film qui lui est consacré. À tel point que certains commentateurs estiment que la dernière production des studios Marvel représente un tournant dans la représentation des noirs dans la culture populaire.
L’univers de Black Panther – un super-héros noir – permet une identification à un personnage positif, porteur de changement. Bref, le personnage n’est pas juste un voyou qui dispose de super-pouvoirs. C’est un jeune homme intelligent, séduisant, réfléchi et un excellent guerrier. Comme le résume un article du Time intitulé « Le pouvoir révolutionnaire de Black Panther » : « Ceux d’entre nous qui ne sont pas blancs ont beaucoup plus de mal à trouver une représentation d’eux-mêmes dans les médias et dans les autres lieux de la sphère publique ». De son côté, l’acteur, scénariste et réalisateur afro-américain Ahmed Best confiait récemment qu’il adorait Black Panther et avait « attendu ce film toute (s)a vie».
Pour la première fois aussi, la diversité des cultures africaines est portée à l’écran. Qu’il s’agisse des costumes. Des coutumes. Des pays. De leurs richesses et traditions.
À cette sous-représentation des noirs dans la culture populaire, la nouvelle création des studios Marvel s’inscrit également dans un contexte où les violences policières contre les noirs aux États-Unis font régulièrement la une de l’actualité. Sans parler des propos du locataire de la Maison Blanche, Donald Trump, qui a récemment qualifié 54 États africains de « pays de merde ».
Une représentation positive de l’Afrique portée à l’écran
Au-delà de la représentation d’un personnage noir et africain de super-héros sur grand écran, Black Panther nous plonge dans le décor d’une nation africaine qui prospère. L’histoire se déroule au cœur d’un royaume utopique et lointain -le Wakanda- situé sur le continent africain. Alors que le reste du monde pense qu’il s’agit d’un petit état enclavé, rural et pauvre du continent, le Wakanda est en réalité le territoire le plus riche de la planète.
Mais pour ne pas susciter la convoitise (et le pillage) de puissances étrangères, le peuple de ce royaume a décidé de vivre caché et de taire au reste du monde l’existence de ses riches ressources naturelles en vibranium, un métal imaginaire qui a permis à cet état de développer les technologies les plus avancées du monde.
Quand le roi est tué dans un attentat (une séquence relatée dans Captain America : Civil War, sorti en salles en 2016), c’est son fils, le prince T’Challa qui accède au trône. Comme le veut la tradition, il doit boire un breuvage qui lui confère alors des pouvoirs sur-humains. Mais cette accession au trône est perturbée par l’arrivée d’un autre personnage, originaire de Oakland aux États-Unis, qui revendique à son tour le trône.
Lutte anti-coloniale
Si le premier veut préserver les richesses de son pays et donc demeurer replié du reste du monde pour assurer sa pérennité, le second – qui a passé sa jeunesse bien loin de l’abondance du Wakanda- veut révéler la puissance de son pays d’origine pour asseoir ensuite sa domination sur le monde.
Le Wakanda est aussi une Afrique épargnée par le colonialisme. La référence à cette période de l’histoire revient à plusieurs reprises. Un agent blanc de la CIA est surnommé « le colonisateur ». Un autre protagoniste préférera mourir comme ses « ancêtres » qui « ont sauté de bateaux, tant ils savaient que la mort était préférable à l’asservissement ».
La place accordée aux femmes
Il faut également noter que les personnages féminins ne sont pas ici de simples faire-valoir du super-héros. La petite sœur du prince T’Challa est une surdouée, en charge des innovations technologiques du royaume, et au caractère bien trempé. Sa fiancée Nakia est un mélange d’espionne et de justicière.
Elle conseille également le prince sur les orientations futures du Royaume. Au prince T’Challa, elle souffle qu’une autre voie, différente de l’isolationnisme et de l’expansionnisme par la force- celle de l’aide au développement, peut exister pour faire partager au monde les richesses du Wakanda.