« Mon sentiment est que si le chef de l’État est toujours en vie, nous irons à un cinquième mandat. À mon sens, il n’y a aucun élément objectif qui puisse pousser le pouvoir politique actuel à faire de véritables concessions ».
Ces propos de la politologue Louisa Ait Hamadouche, dans un entretien accordé il y a deux jours à TSA, traduisent au fait un sentiment presque général quant à l’inéluctabilité d’un cinquième mandat pour Bouteflika .
Objectivement, rien de nouveau n’est survenu sur la scène politique algérienne depuis 2014 qui accréditerait un scenario autre que celui d’une reconduction de Bouteflika à la tête du pays pour cinq années supplémentaires. Bien au contraire, la voie pour son maintien est toute pavée du fait que les obstacles qui sont de nature à faire gripper la mécanique du cinquième mandat sont tous levés.
À commencer par l’éjection des cercles décisionnels de celui qui paraissait être le seul empêcheur de tourner en rond au sein du système, à savoir l’ancien chef du DRS, le général Toufik, à qui l’on a prêté en 2013 des réserves sur le 4e mandat et qui a été limogé sans ménagement en 2015, en trainant dans sa chute tous ses fidèles.
Autre opération concomitante menée par Bouteflika pour renforcer sa mainmise sur les rouages de l’État : la restructuration, de 2014 à 2015, du DRS, désormais dépouillé de l’essentiel de ses prérogatives et dont les rênes ont été, depuis, confiées à un homme qui a rejoint, sur le tard il est vrai, le clan présidentiel, à savoir le général-major Bachir Tartag. Sans parler, du renforcement de la position du chef d’état-major de l’ANP, Gaid Salah (un fidèle parmi les fidèles à qui l’on a prêté un rôle décisif dans la concrétisation du quatrième mandat) sur l’échiquier en se voyant coiffé dès septembre 2013 d’une deuxième casquette, celle de vice-ministre de la Défense.
Ensuite, le prix du baril qui a connu entre 2014 et 2016 une chute inquiétante a repris des couleurs depuis 2017, en flirtant désormais avec 75 dollars le baril. Si la dégringolade des cours s’était accentuée et avait duré un peu plus longtemps, cela aurait pu déboucher sur des soubresauts sociaux qui auraient certainement secoué, voire mis en péril le règne de Bouteflika. Mais voilà, les prix sont repartis à la hausse et le gouvernement a actionné la planche à billets et les caisses de l’État se trouvent, ainsi, à nouveau renflouées permettant au gouvernement de faire face, du moins momentanément, aux dépenses.
Enfin, le silence des partenaires étrangers de poids de l’Algérie, comme la France et les USA, qui, jusqu’ici, ont soigneusement évité d’émettre la moindre remarque sur cette affaire – une question strictement interne, se défendraient-ils certainement – ni de mettre trop de pression sur le gouvernement algérien. S’ils voulaient aider un président qui leur a, faut-il sans doute le souligner, accordé bien des privilèges et même des concessions, ils ne s’y seraient pas pris autrement.
Et ce n’est pas la petite parenthèse des petits couacs enregistrés en haut lieu, des suites de l’affaire des 701 kg de cocaïne même si beaucoup de têtes sont tombées dans son sillage, notamment dans l’appareil sécuritaire, qui risque de troubler un tel scénario. Ce dernier est appuyé par d’autres faits : les soutiens précoces de l’UGTA et surtout du FLN, les deux boussoles qui donnent la vraie indication sur les rapports de forces dans le système politique algérien souvent qualifié d’opaque.
Le secrétaire général du FLN continue de prêcher la cause d’un prolongement du règne de Bouteflika et redouble d’activisme sans être inquiété par un quelconque mouvement de redressement. C’est que le FLN, machine électorale par excellence, a toujours été du côté de celui qui a en sa faveur le rapport de forces au sein du système. Et si Ould Abbes tient toujours bon, cela veut dire que les dés sont bel et bien jetés et que le 5e mandat est acté.
Bien évidemment, quelques inconnues peuvent faire en sorte qu’un tel scénario ne se produise pas. Comme, par exemple, la santé de Bouteflika qui est sérieusement en déclin et qui lui a valu nombre d’évacuations à l’étranger depuis son AVC en avril 20013. Et depuis sa réélection à la tête du pays en avril 2014, il ne s’est plus adressé au peuple algérien et ses apparitions publiques se comptaient sur les doigts d’une seule main. Mais ses partisans ont un argument solide : son état de santé d’aujourd’hui, même s’il a avancé dans l’âge, n’est pas pire que celui de 2014.
Autre éventualité qui pourrait remettre en cause le 5e mandat : une candidature non partisane et consensuelle qui sera adoubée par l’ensemble, sinon du moins, par la majorité des partis d’opposition, démocrates et islamistes. Autrement dit, une alternative crédible qui pourrait susciter autour d’elle une large adhésion populaire et qui pourrait sérieusement faire avorter le 5e mandat. À la condition bien sûr que les présidentielles de 2019 ne soient pas truquées. Mais avec l’émiettement de l’opposition, les chances de voir un tel scénario se produire est des plus minces, pour ne pas dire inexistantes. Une chimère, en somme.