Si le pays de l’Oncle Sam justifie en partie sa fronde à l’égard des équipementiers Huawei et ZTE par des préoccupations liées à la sécurité nationale, il voit également ces industriels comme une menace très sérieuse pour ses intérêts économiques.
Huawei est dans l’œil du cyclone depuis l’arrestation, au Canada mais sur demande des États-Unis, de Meng Wanzhou, sa directrice financière et fille du fondateur du groupe. La dirigeante du géant chinois des équipements télécoms et des smartphones est soupçonnée par la justice américaine d’avoir violé des sanctions américaines envers l’Iran, ce que dément l’industriel. Quoi qu’il en soit, l’événement, qui a récemment refroidi les relations entre Pékin et Washington, n’est que le dernier de la très, très longue liste des déboires de Huawei au pays de l’Oncle Sam.
Ces dernières années, Huawei s’est fait mettre à la porte de nombreux marchés outre-Atlantique. Pêle-mêle, il s’est fait exclure d’un projet de câble sous-marin, du marché des équipements télécoms, et a vu, récemment, son projet de partenariat d’envergure avec l’opérateur AT&T pour distribuer ses smartphones retoqué. Des revers en pagaille qui ont convaincu le champion chinois des télécoms de se retirer purement et simplement des États-Unis au printemps dernier.
Ces derniers mois, ZTE, l’autre cador chinois des équipements télécoms, a essuyé les foudres du pays de l’Oncle Sam. Suite à d’importantes sanctions américaines pour avoir commercé avec l’Iran et la Corée-du-Nord, l’industriel a même été contraint, un temps, d’interrompre ses activités.
Outre des offensives judiciaires liées à la violation d’embargos, les États-Unis mettent régulièrement des bâtons dans les roues de Huawei et de ZTE en arguant des raisons de sécurité nationale. Washington et une partie de la classe politique américaine redoutent que ces fleurons de l’empire du Milieu utilisent leurs équipements à des fins d’espionnage pour le compte de Pékin. Mais un autre motif, pourtant central, est un peu moins évoqué : celui de la défense des intérêts économiques des États-Unis. Pourtant, c’est aux yeux de nombreux observateurs, la première explication des attaques américaines envers les télécoms et la tech chinoises.
Au printemps dernier, dans les colonnes du Financial Times, Richard Staropoli, ancien directeur de l’information du Département américain de la sécurité intérieure, a signé une tribune éclairante sur la stratégie de Washington à l’égard de Pékin. Lors de sa publication, le 2 avril, les États-Unis et la Chine commençaient à souffler sur les braises d’une guerre commerciale en taxant leurs produits respectifs. Richard Staropoli affirmait alors que les États-Unis allaient bientôt « cibler clairement l’industrie de la tech chinoise ». L’actualité et la fronde américaine à l’égard de Huawei et de ZTE lui ont, semble-t-il, donné raison.
La menace du programme “Made in China 2025”
Richard Staropoli expliquait, dans sa tribune, qu’en ciblant ces entreprises, le pays de l’Oncle Sam voulaient mettre à bas le programme “Made in China 2025”, « que les États-Unis considèrent comme une menace directe pour l’hégémonie économique américaine ». Sachant que ce programme vise à faire de la Chine une référence mondiale en matière d’innovation et de nouvelles technologies. Un des piliers de la stratégie de l’empire du Milieu repose sur le développement des futurs réseaux mobiles 5G. Aux yeux de Pékin, cette technologie de communication, qui permettra de connecter tous les objets qui nous entourent, constitue le terreau essentiel pour développer les géants du Net de demain. Voilà pourquoi Huawei et ZTE, qui sont devenus de vrais leaders mondiaux dans ce domaine, sont si stratégiques aux yeux de Pékin. Et que, a contrario, ils sont perçus comme un danger par Washington, qui craint de perdre son leadership technologique et économique.
Dans sa tribune, Richard Staropoli affirmait que l’administration Trump ferait tout pour ralentir les efforts de la Chine dans la 5G. La Maison-Blanche a mis en place une stratégie pour « perturber l’accélération subventionnée du gouvernement chinois dans le monde du mobile », expliquait-il. On peut, sous ce prisme, se demander si les États-Unis n’ont pas choisi délibérément de nuire à Huawei et à ZTE, par tous les moyens, pour préserver leurs intérêts économiques.
Gros lobbying anti-Huawei des États-Unis
Si les inquiétudes que font courir Huawei et ZTE en matière de sécurité sont réelles et prises au sérieux par un nombre croissant de pays (dont la France), lesquels n’hésitent pas, parfois, à les bannir, il n’en reste pas moins vrai que les efforts déployés par les États-Unis pour freiner l’essor de ces groupes interpellent.
Le mois dernier, Washington a d’ailleurs, selon le Wall Street Journal, lancé une campagne de lobbying pour convaincre ses alliés (notamment l’Allemagne, l’Italie ou le Japon) de bouder les équipements de Huawei, en arguant qu’ils constituent une menace pour la sécurité des communications.