Dans les Aurès, les pommiers prolifèrent, aidés par le climat et la décision d’interdire l’importation de la pomme qui a été prise par l’Algérie en 2016 pour encourager la production locale.
Même si son prix demeure élevé, la pomme algérienne est présente sur les étals tout au long de l’année. Une réussite des agriculteurs de la région des Aurès malgré le manque d’eau.
Contrairement aux agrumes, les pommiers ont besoin d’emmagasiner du froid hivernal pour fleurir au printemps. Or, dans les zones de moyenne montagne des Aurès, les hivers sont froids et le pommier y a trouvé sa terre d’excellence d’autant plus que depuis 2016, l’importation de pommes a été stoppée par l’Algérie.
Si à Dammous en Mitidja, la région est couverte de serres, à Bouhmama dans la wilaya de Khenchela, ce sont les filets anti-grêle des vergers de pommiers qui dessinent le paysage.
Cette réussite passe par des variétés de pommiers à haut rendement. Terminées les anciennes variétés de grande taille. L’heure est aux variétés de petite taille qu’il est possible de planter tous les deux mètres à l’image des pieds de vigne. Une technique qui permet de planter 3.000 pommiers par hectare.
Le savoir-faire polonais
Un mode de plantation venu de Pologne et vulgarisé par des opérateurs locaux dont la coopérative de Pomme de Bouhmama. Une coopérative mise sur pied il y a trois ans et qui compte 120 membres.
Bien que discrète, la coopération avec la Pologne n’en demeure pas moins d’une rare efficacité. Des experts polonais font régulièrement le voyage en Algérie pour organiser des formations concernant la taille et le suivi des vergers. En parallèle, des plants de pommiers sont régulièrement importés par conteneurs entiers depuis la Pologne.
À l’approche de la récolte, les vergers plantés, selon la technique de haute densité, sont chargés de grappes de pommes accrochées à proximité des jeunes troncs. Yacine Nasri, le représentant de la coopérative se réjouit des dernières pluies qui auront permis une amélioration du calibre des pommes.
Si les variétés polonaises ont la possibilité d’être plantées à haute densité, elles ont également l’aptitude à entrer très tôt en production. Au bout de 2 ans, contre 5 auparavant, l’agriculteur est à même de procéder aux premières récoltes. « Un arbre peut donner entre 3 et 4 kg de pommes », a dit Yacine Nasri à TV5 Monde qui réalisé un reportage sur la culture de la pomme à Khenchela.
Un aspect non négligeable face aux montants des investissements à consentir pour la plantation de nouveaux vergers. A l’achat des plants, il faut compter avec la réalisation d’un forage et d’un bassin, la pose de poteaux en béton permettant l’installation des indispensables filets anti-grêle, sans compter l’achat d’engrais et de produits phytosanitaires.
Pommes, l’éternelle question des prix
La coopérative de Bouhmama n’hésite pas à communiquer largement sur les réseaux sociaux en proposant même une aide aux Algériens installés à l’étranger et désirant investir au pays.
Sur le marché de gros de Bouhmama, plusieurs variétés de pommes sont disponibles : Golden Delicious, Top Red, Royal Gala et Starkrimson. Le froid hivernal, le soleil estival et le savoir-faire des agriculteurs locaux font que sont aujourd’hui réunis les prémices pour faire de ces produits une production de terroir reconnue par un label spécifique.
Les commerçants ne s’y trompent pas et viennent de différentes wilayas vers les marchés de gros de la région.
Sur les étals des détaillants, si les consommateurs se réjouissent de la présence de pommes, ils font remarquer le niveau élevé des prix. Lors de la saison 2023, l’Apoce (Association de Protection et d’Orientation des Consommateurs et de leur Environnement) s’est alarmée des prix affichés par certains commerçants : jusqu’à 600 DA le kilogramme de pomme. Certaines variétés avaient affiché des prix exorbitants atteignant 2.000 dinars le kilogramme.
En absence de chambres froides suffisantes, des agriculteurs se disent victimes des intermédiaires.
En mars 2023, des producteurs de pomme assuraient lors d’une rencontre avec des médias qu’ils étaient prêts à vendre la pomme à des prix ne dépassant pas les 300 dinars le kilo, quelles que soient la qualité et la variété, mais à condition que le marché soit organisé, selon le compte rendu d’El Hidhab TV.
« Nous cédons le kg de pommes entre 200 et 250 dinars pour la meilleure qualité », a dévoilé Yacine Nasri qui pointe la « longue chaîne de distribution » qui fait grimper les prix de ce fruit « jusqu’à 800 dinars » surtout en dehors de la saison.
La pomme présente l’avantage de pouvoir être conservée une année entière en chambre froide ce qui amène certains grossistes à en stocker de grandes quantités à des fins de spéculation.
Pommes, des besoins en eau
La culture des pommes dans les wilayas de Khenchela et de Batna se révèlent être une belle réussite dans une région auparavant connue pour son retard économique. A l’image de la pomme de terre à Oued Souf, ces vergers de pommiers constituent un nouveau « front pionnier ».
À Bouhmama, M’sara, Yabous, Chelia, Khirane, Taouzianet, Remila, Tamza, Kaïs, Ensigha ou Babar, la région des Aurès se couvre de nouvelles plantations.
Jusqu’aux flancs des collines qui sont aménagés à l’aide d’engins de chantier. L’utilisation de géomembranes a révolutionné le stockage de l’eau. Plus besoin de bassins en béton, il suffit d’une fosse tapissée de ces membranes pour que des milliers de mètres cubes d’eau puissent être emmagasinés.
Reste cependant la question de l’approvisionnement durable des vergers en eau. Face à l’extension des plantations et malgré l’emploi des techniques modernes d’irrigation par goutte à goutte, la demande en eau ne cesse d’augmenter.
Plus de 600 autorisations de forage ont été accordées au niveau de la wilaya de Khenchela. Et les agriculteurs attendent avec impatience la construction du barrage sur l’Oued Lazreg dans la commune de Bouhmama. De quoi irriguer 1.000 nouveaux hectares supplémentaires.
Selon le directeur des ressources en eau de la wilaya, de nombreuses réalisations sont prévues afin de satisfaire les besoins en eau de l’agriculture et réduire les délais d’attente en matière d’AEP.
Début juillet, il confiait au quotidien Horizons que : « 50% des foyers sont alimentés un jour sur trois, 42% un jour sur quatre et 8% un jour sur cinq ». L’APC de Khenchela, compte pour sa part sur la réhabilitation et le renouvellement des réseaux d’eau potable prochaine du chef-lieu de wilaya.
À Khenchela, les pommiers ont trouvé le terroir idéal, suffisamment froid en hiver et chaud en été. L’avenir de cette production reste cependant dicté par la disponibilité en eau.