International

Pourquoi Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue

Nicolas Sarkozy a-t-il perçu de l’argent en provenance de la Libye de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne présidentielle de 2007 ? C’est pour répondre à ces soupçons que l’ex-président de la République française a été placé en garde en vue à Nanterre (région parisienne), ce mardi 20 mars, selon les informations de Mediapart et du Monde.

Une convocation qui prend des allures d’événement, puisque c’est la première fois que l’ancien chef d’État, interrogé par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, est entendu dans le cadre de l’enquête sur le possible financement libyen de sa campagne.

L’accord aurait été conclu lors d’une visite diplomatique entre Sarkozy et Kadhafi à Tripoli, en 2005. Kadhafi aurait demandé à ses services de verser 50 millions d’euros au candidat Sarkozy pour financer sa campagne, en toute discrétion. En échange, la France aurait aidé le régime de l’ex-dirigeant libyen à sortir de son isolement diplomatique, rapporte France Info.

Une version peu convaincante aux yeux de la justice

Dans le cadre de cette affaire, qui a émergé en 2012 après la publication par Mediapart d’une note laissant penser à un financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy,  les magistrats s’interrogent notamment sur le virement de 500.000 euros perçus par Claude Guéant en provenance d’une société d’un avocat malaisien, en mars 2008, relate RTL. Sa location d’un très grand coffre-fort dans une agence bancaire parisienne pose également question. L’ex-secrétaire général de l’Élysée s’y était rendu à sept reprises entre mars et juillet 2007, selon Le Monde.

Claude Guéant a cependant toujours gardé la même ligne de défense : cet argent provient de la vente de deux tableaux. « Il n’y a strictement aucun lien avec des financements libyens et je continue à contester de façon catégorique qu’il y ait eu des financements libyens de campagne ou de personnes », affirmait-il à l’AFP.

D’autres éléments de soupçons contre Sarkozy

L’instruction avait été ouverte en avril 2013, après que Ziad Takieddine, un intermédiaire franco-libanais, ait formulé ces accusations. L’homme d’affaires affirmait détenir « la preuve d’un financement de la campagne de M.Sarkozy par la Libye », rapporte Le Monde.

Mais Ziad Takieddine ne s’arrêtait pas à ces confessions. En novembre 2016, il racontait à Mediapart avoir transporté entre novembre 2006 et début 2007 des valises contenant cinq millions d’euros en liquide, expliquant avoir été reçu par Claude Guéant lors des deux premiers voyages puis Sarkozy lui-même, alors ministre de l’Intérieur.

Les propos du Franco-libanais, qui depuis a été mis en examen pour
« complicité de corruption d’argent public étranger » et « complicité de détournements de fonds publics en Libye », corroboraient ceux tenus en 2012 par Abdallah Senoussi, l’ancien directeur du renseignement militaire du régime libyen, rappelle le quotidien français.

Puis au fil du temps et de l’enquête, le dossier s’est épaissi. La justice française a également mis la main sur les carnets de l’ancien ministre libyen du pétrole, Choukri Ghanem, mort noyé dans le Danube en 2012. Ces écrits mentionnent l’existence de versements financiers à destination de Sarkozy, toujours selon Le Monde, rappelant les confessions que lui avait faites Bechir Saleh, l’ex-argentier de Kadhafi, aujourd’hui exilé à Johannesburg : « Kadhafi a dit qu’il avait financé Sarkozy. Sarkozy a dit qu’il n’avait pas été financé. Je crois davantage à Kadhafi que Sarkozy ».

D’après le journal, les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales ont remis plus récemment un rapport aux magistrats dans lequel ils détaillent, sur la base de nombreux témoignages, comment l’argent liquide a circulé au sein de l’équipe de campagne de M. Sarkozy.

Jusqu’à deux jours de détention provisoire

Plusieurs anciens dignitaires libyens de l’époque kadhafiste auraient aussi livré de nouveaux éléments confirmant les soupçons de financement illicites, toujours selon Le Monde. La garde à vue de Nicolas Sarkozy pourrait durer jusqu’à 48 heures. Après quoi, les magistrats pourraient décider d’une mise en examen de l’ancien chef d’État.

L’ex-président de la République, qui a toujours rejeté ces accusations, n’est pas le seul à être dans l’œil du cyclone. Son ex-ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a été entendu ce mardi matin en audition libre.

Alexandre Djouhri, homme d’affaires franco-algérien proche des hommes politiques de droite, est soupçonné d’avoir instauré les montages financiers permettant de faire passer l’argent libyen en France, explique France info. Il est actuellement détenu à Londres en attendant sa remise à la France.

En 2015, la perquisition de sa résidence en Suisse a permis à la justice de saisir de nombreux documents utiles à l’avancée de l’enquête. Quant à Claude Guéant, il a été mis en examen cette même année pour faux, usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée.

Les plus lus