La procureure Laurence Boillat, ancienne cheffe de l’unité des crimes de guerre relevant de la justice suisse, fait état de « pressions politiques » sur cette instance pour l’empêcher d’aller au bout dans l’instruction des affaires qui lui sont soumises.
Citée, ce mardi 5 février, par le média helvétique Suissinfo, Laurence Boillat souligne qu’il y avait des pressions politiques venant d’en haut, en particulier dans les cas de « personnes politiquement exposées (PPE) » comme l’ancien ministre algérien de la Défense, Khaled Nezzar, et Rifaat Al-Assad, oncle du président syrien actuel. Mais de telles pressions n’existaient pas pour les enquêtes concernant les demandeurs d’asile en Suisse, remarque-t-elle.
Swissinfo rappelle que « l’ancien ministre algérien de la Défense a été arrêté en Suisse en 2011 après une plainte déposée par TRIAL pour crimes de guerre présumés entre 1990 et 1994. Il a été libéré après son interrogatoire et renvoyé en Algérie. Le ministère public de la confédération (MPC) a classé l’affaire début 2017, affirmant qu’il n’existait aucune preuve d’un conflit armé en Algérie au cours de la période en question. Mais, un an plus tard, le Tribunal pénal fédéral a annulé le classement de l’affaire Nezzar en déclarant qu’il y avait effectivement eu un conflit armé en Algérie au début des années 90. La Cour suprême a donc ordonné au MPC de reprendre l’affaire ».
Depuis quelques mois, l’Algérie a décidé de réduire au niveau le plus bas ses relations avec la Confédération helvétique. L’origine de la brouille remonte à l’été dernier. Précisément depuis la décision de la justice de ce pays de rouvrir le dossier des poursuites à l’encontre du général Khaled Nezzar.
| LIRE AUSSI : Gros coup de froid diplomatique entre l’Algérie et la Suisse
Sept ans après sa création, l’unité suisse des crimes de guerre n’a transmis aucun dossier au Tribunal fédéral, relève le média suisse. Actuellement, deux personnes sous enquête par l’unité chargée des crimes de guerre sont en détention : l’ancien ministre gambien de l’Intérieur, Ousman Sonko, et l’ancien chef des rebelles libériens, Alieu Kosiah, emprisonné en Suisse depuis plus de quatre ans.
Le média pointe aussi le peu de moyen, notamment humains dédiés à cette instance. La procureure Laurence Boillat témoigne qu’elle a été renvoyée pour avoir estimé que ce bureau devrait en faire plus (…) On nous a vite fait comprendre que l’unité n’allait pas être très importante, car nous n’avions même pas cinq postes à temps plein, dit-elle. Pourtant, nous étions très motivés ».
Au fur et à mesure que les problèmes s’accumulaient, Laurence Boillat a relevé à voix haute qu’un verrou avait été mis en place pour certaines enquêtes. Ses chefs ont alors décidé fin 2015 qu’ils n’avaient plus besoin de ses services, indique Swissinfo.