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Pouvoir-mouvement populaire : à qui profitera la victoire des Verts ?

Pouvoir-mouvement populaire : à qui profitera la victoire des Verts ?

L’Algérie est championne d’Afrique de football. Cela n’était pas arrivé depuis trois décennies, précisément depuis mars 1990, lorsque, en plein processus de changement démocratique, l’équipe nationale avait arraché sa « première étoile » en remportant l’unique CAN organisée par le pays.

La similitude est frappante pour ne pas être relevée. La deuxième victoire de l’Algérie survient au moment où les Algériens sont revenus à la charge pour réclamer le même changement qui n’avait pu être concrétisé il y a trente ans.

Depuis le 22 février, le peuple s’est soulevé, d’abord pour empêcher le cinquième mandat du président Bouteflika, puis, depuis le 2 avril, pour exiger le démantèlement de tout le système politique en place.

Ce 19 juillet, jour de la grande finale au Caire, les Algériens étaient toujours dans la rue. En ce vingt-deuxième vendredi de contestation, ils sont sortis deux fois plutôt qu’une ; d’abord dans la journée, sous un soleil de plomb, pour réitérer leur rejet du système et réclamer une vraie transition démocratique puis, en soirée et pendant toute la nuit, pour fêter la victoire des Verts.

La question qui se pose en ce lendemain de fête a trait à l’effet que pourrait avoir cette victoire sportive sur les événements politiques en cours. En d’autres termes, la deuxième étoile des Verts fera-t-elle oublier aux Algériens leur rêve d’une « deuxième république » ?

Ce n’est pas trahir un secret que de rappeler que le pouvoir en place a toujours tenté de faire du football l’arbre qui cache la forêt de ses échecs et de ses errements.

Une première rupture avec les pratiques du passé

L’excellent parcours de l’équipe nationale en Égypte ne pouvait de ce fait mieux tomber. Il était perçu dès le début comme une aubaine inespérée qui allait permettre d’éteindre le feu de la contestation sans rien céder, après avoir tout essayé et échoué. Pont aérien pour transporter les supporters au Caire, écrans géants dans toutes les villes du pays, déplacement de hauts responsables auprès des joueurs, dont le chef de l’État en personne, matraquage médiatique qui frise la manipulation des médias publics et des télés privées, le pouvoir a sorti toutes ses vieilles recettes.

L’image qui trahit le plus cette volonté de mettre à profit l’événement footballistique pour affaiblir le hirak en cours c’est celle des bus acheminés dans la matinée au centre d’Alger, sur les lieux même où allait se dérouler la marche du vingt-deuxième vendredi, pour transporter les gens au stade olympique où un écran géant était installé. Ça n’a pas trop marché puisque la manifestation a eu lieu et la mobilisation était au rendez-vous.

Les Algériens ont aussi marché partout à travers le pays, scandant les mêmes slogans et signifiant unanimement que la joie de la Coupe d’Afrique ne les détournera pas de leur objectif.

Surtout, sur les réseaux sociaux, un constat est largement partagé depuis quelques semaines, à savoir que ce succès est le fruit de la mobilisation populaire qui, avant même le 22 février, avait provoqué une première rupture avec les pratiques du passé en forçant la main à la Fédération pour concrétiser le concept de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il s’agit de Djamel Belmadi, nommé sélectionneur sous la pression populaire en août 2018 en remplacement de Rabah Madjer.

Déjouer les effets du nouvel opium des peuples

Les animateurs du hirak veulent donc bien croire que ce moment de liesse et de communion nationale pourrait constituer une source de motivation supplémentaire surtout que, même les joueurs et leur entraîneur, érigés au rang de héros de la nation, se sont rangés sans équivoques du côté du peuple.

Les plus optimistes s’attendent à une mobilisation record vendredi prochain, le premier post-Coupe d’Afrique, pour fêter la victoire et continuer la lutte. Pour le pouvoir, l’exercice de tirer les dividendes de cette réalisation semble en revanche plus difficile avec cette gêne, difficile à cacher, de louer des choix ayant été faits sous ce qu’il qualifie d’ « ancien régime ».

Quoi qu’il en soit, le vingt-troisième acte se présente comme un autre test pour le mouvement populaire. Ayant jusque-là déjoué toutes les tentatives d’affaiblissement et de division, le hirak devra montrer qu’il sait aussi résister aux effets anesthésiants du nouvel « opium des peuples ».

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