Société

Pr Bounedjar : « Il y a une explosion des cas de cancers en Algérie »

Dans cet entretien accordé à TSA, le Pr Adda Bounedjar, président de la société algérienne de la formation et la recherche en oncologie médicale, alerte sur l’explosion des  cas de cancers en Algérie.

Il souligne « la nécessité de créer en Algérie davantage de centres de radiothérapie qui est un traitement couramment utilisé dans la prise en charge des cancers ».

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Chef de service oncologie médicale au Centre anti-cancer de Blida et vice-président de la ligue arabe de lutte contre le cancer, le Pr Bounedjar souhaite également « un règlement rapide du problème du manque de médicaments anticancéreux ».

Selon les registres du cancer, l’Algérie compte plus de 47 000 nouveaux cas de cette maladie lourde chaque année. Que vous inspire ce chiffre ?

Pr. Bounedjar. Il y a plus de 50.000 nouveaux cas de cancer chaque année en Algérie. Les cancers les plus fréquents chez l’homme sont ceux de la prostate, du poumon et les cancers colorectaux.

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Chez la femme, les cas les plus fréquents sont les cancers du sein, de la thyroïde et les cancers colorectaux. La moyenne d’âge est de 48 à 49 et 65 ans concernant le cancer du sein et les cancers colorectaux tandis que la moyenne est de 60 ans pour le cancer de la prostate.

Peut-on parler d’une explosion du nombre des cancers en Algérie ? 

Pr. Bounedjar. Oui, il y a effectivement une explosion du nombre de cancers. Nous devons à présent nous concentrer sur le dépistage et la prévention. Une récente étude de données compilées au niveau des centres anti-cancer dans la région de la Métidja, (Blida, Aïn Defla et Médéa), montre qu’il y a plus de 1 000 nouveaux cas de cancer du sein.

L’âge moyen était de 47 ans alors qu’on était à 49 ans, il y a quelques années. Les formes localisées (stade 1) représentent 40 %, alors que la catégorie de stade 2 et les cas métastasiques représentent respectivement 45 % et 15 %.

Il y a eu un effort indéniable qui a été fait dans la sensibilisation par le biais des médias ayant ciblé les femmes pour les encourager à effectuer le dépistage précoce, notamment du cancer du sein.

Malheureusement, le même effort n’a pas été fait sur le cancer de la prostate. Il faut tirer la sonnette d’alarme sur les cancers de la prostate et les cancers colorectaux.

Le dépistage du cancer de la prostate ne nécessite qu’un toucher rectal et un dosage du PSA. Le dépistage des cancers colorectaux ne demande quant à lui, qu’un test immunologique et une coloscopie.

Les sociétés savantes ne recommandent pas de faire un dépistage de masse pour le cancer de la prostate et les cancers colorectaux, mais un dépistage individuel.

Il faut mettre en place une stratégie nationale dédiée à la sensibilisation au dépistage des cancers colorectaux et de la prostate ciblant les personnes ayant au-delà de 50 ans.

Quels sont les différents facteurs de risque des cancers ?

Pr. Bounedjar : Les facteurs de risque sont multiples. Pour le cancer du sein, il y a notamment l’hormonothérapie, l’exposition aux radiations ionisantes, la ménopause précoce, etc…

Le tabagisme, qu’il soit actif ou passif, est quant à lui responsable de 90 % des cancers du poumon.

Enfin, les problèmes de nutrition (aliments contenant des colorants, les pesticides…) causent souvent  des cancers colorectaux.

Avez-vous interpellé le ministère du Commerce sur ces facteurs de risques liés notamment aux produits alimentaires dangereux qui inondent le circuit commercial ?

Pr. Bounedjar : Ce problème nécessite un travail multisectoriel. Le ministère de la Santé n’est qu’un maillon de toute une longue chaîne.

Il faut impliquer plusieurs ministères, dont le ministère de la Santé, celui de l’Industrie pharmaceutique, le département du Commerce, l’Industrie, les Finances (puisque les services de douane sont aussi concernés), pour trouver des solutions visant à limiter ces facteurs de risques.

Selon une étude menée aux États-Unis, la prévention permet de réduire le taux de mortalité de 18 %.

Qu’en est-il de la prise en charge des cancers en Algérie ?

Pr. Bounedjar : La prise en charge des cancers en Algérie n’est ni rose ni noire. Il y a des choses qui sont positives. En plus des différents centres de radiothérapie, il y a par exemple plus de 60 unités ou services en projet au niveau national.

Il y a certes, des problèmes en matière de radiothérapie, notamment en ce qui concerne la maintenance, mais les choses évoluent positivement.

Le problème des pannes qui affectent les équipements de radiothérapie est grave….

Pr. Bounedjar : Bien-sûr que c’est un grave problème, d’autant plus que 70 % des cancéreux nécessitent une radiothérapie. Selon l’OMS, il faut un accélérateur pour 500 000 habitants.

Les délais d’attente pour avoir un rendez-vous pour une radiothérapie sont longs. Pendant ce temps, les cancers se développent….

Il faut trouver des solutions. Comme l’a déclaré le Premier ministre, il y a 13 accélérateurs à l’arrêt. Le ministère de la Santé a un planning pour réparer tous les équipements en panne dans tous les centres.

Les équipements de certains centres sont en cours de réparation. Il faut en même temps créer d’autres centres de radiothérapie, puisqu’il y a un manque. Les 15 services au niveau national ne suffisent pas. Il y a deux nouveaux centres qui sont prêts à être mis en service à Laghouat et à Chlef.

Il y a aussi le problème des médicaments anticancéreux qui manquent …

Pr. Bounedjar : Oui, il y a un manque de médicaments. On n’a pas vécu cela depuis 2012. Il y a quelques perturbations, mais une amélioration est perceptible.

Quelques médicaments ont été livrés la semaine passée. J’espère qu’on n’aura pas ce problème en 2023. Le malade algérien a besoin de médicaments.

Y a-t-il de nouvelles unités d’hospitalisation à domicile qui seront mises en service ?

Pr. Bounedjar : Le cahier de charge a été élaboré par le ministère de la Santé à la suite d’une large concertation avec les praticiens. Il y aura l’ouverture de deux unités avant la fin de l’année pour soulager les patients.

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