Le Pr Riad Mahyaoui, membre du comité scientifique et chef de service réanimation au CNMS d’Alger, parle dans cet entretien de la décrue de l’épidémie de Covid-19 et de la vaccination anti-Covid-19 en Algérie.
Quelle lecture faites-vous de la situation actuelle ?
Actuellement, on a une tendance baissière, un plateau aux alentours de 250 cas quotidiens avec moins de dix décès par jour. Je pense qu’on est dans une situation tout à fait confortable et que la situation est maîtrisée. Même dans les différents hôpitaux, les gens respirent un peu, il y a moins de monde, le corps médical est en repos… Reste un peu une petite pression sur les services de réanimation parce que les malades terminent toujours en réanimation car ils ont besoin d’oxygène. Mais en gros, on peut dire honnêtement qu’on est fiers de cette situation et je pense qu’actuellement, la situation est plus ou moins confortable pour notre pays.
Et pour ceux qui parlent de la troisième vague ?
Effectivement, les Italiens sont les premiers à avoir parlé de troisième vague quand on était encore à la deuxième vague. Tout ce qui est à constater aujourd’hui, c’est que les pays comme l’Allemagne, l’Italie, la France, les États-Unis enregistrent réellement une recrudescence du nombre de cas par jour, du nombre de décès par jour, du nombre de patients admis en réanimation, y compris nos voisins les Français. On parle de troisième vague sans oublier cette nouvelle souche du virus qu’on nomme variante anglaise qui commence à sévir dans beaucoup de pays européen et sud-africains.
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L’Algérie se prépare pour la vaccination. Quand l’Algérie recevra les premières doses ?
L’opération de grande envergure de la vaccination en Algérie a démarré. On attend juste l’arrivée du vaccin qui va nous permettre de démarrer la campagne vaccinale. D’autant plus les moyens logistiques et les ressources humaines sont disponibles et prêts. L’Algérie est prête à démarrer la vaccination au moment où on recevra les premiers quotas de vaccin.
On n’est pas en retard en Algérie ?
Je pense que l’Algérie est en phase, même les campagnes de vaccination qui ont commencé dans les pays européens patinent un peu et ce n’est pas la vitesse de croisière, y compris en Suisse où ils attendent les résultats de la première vague de personnes à vacciner pour voir l’effet du vaccin pour être sûr d’aller dans le bon sens parce qu’on sait que le vaccin est la seule solution de lutte contre la Covid-19.
Est-ce que l’OMS a validé le vaccin ?
Les vaccins ont eu l’autorisation des différents comités de médicaments que ce soit européen, aux États-Unis ou au Royaume-Uni. C’est uniquement des autorisations d’utilisations localement, mais l’OMS en elle-même n’a pas encore validé les vaccins que ce soit Pfizer, Moderna, AstraZeneca ou autres.
L’Algérie a choisi le vaccin russe. Comment trouvez-vous ce choix ?
C’est un choix scientifique avant que ce soit politique. Il correspond très bien à notre choix scientifique et plus tard politique et qui convient à tous les moyens qu’on a en Algérie en matière de transport, de stockage et éventuellement d’utilisation. Tous ces critères sur lesquels l’Algérie s’est basée pour faire son choix sont idéals pour notre pays.
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Avant de lancer la campagne de vaccination, ce samedi il y aura officiellement le lancement de la campagne de sensibilisation ?
Effectivement, à partir du début de semaine, on va lancer la campagne de sensibilisation pour convaincre nos concitoyens et tous les adeptes de la vaccination à adhérer à cette politique vaccinale qui reste le seul moyen de lutter contre la propagation de la Covid-19.
Les mesures barrières (distanciation sociale, port du masque, hygiène des mains) doivent être maintenues. Il ne faut pas relâcher. Seul, le vaccin n’est pas la solution à la crise sanitaire liée à la pandémie Covid-19. Il faut être sûr qu’on va continuer à garder toutes les mesures barrières au moins durant l’année 2021.
Pour la vaccination anti-Covid, quelles sont les personnes prioritaires ?
Au plan international, on commence toujours par les personnes vulnérables, les personnes d’un certain âge, les personnes qui peuvent avoir des formes graves, et bien entendu on n’oubliera pas les personnes stratégiques notamment le personnel soignant qui doit rester vacciné pour éviter qu’il tombe malade pour qu’ils puissent continuer la riposte et la lutte contre la Covid-19. Après on passera à d’autres types de personnes qui sont moins exposées et qui sont moins stratégiques dans le dispositif de lutte contre la pandémie.
Le vaccin serait-il efficace contre les mutations du virus ?
Effectivement, aujourd’hui on a eu des nouvelles de pays européens notamment pour les vaccins ARN messager qu’ils sont efficaces contre les variantes du coronavirus. Ça rassure un peu car ça a été une grosse inquiétude. Certaines déclarations disent que le vaccin est efficace même en cas de mutation.
L’Algérie a choisi le vaccin russe mais il y a en fait des négociations pour acquérir d’autres vaccins…
Effectivement, on sait qu’un seul producteur de vaccin ne sera pas suffisant. Pas uniquement pour l’Algérie mais pour tous les pays du monde. Donc on sera appelé à avoir plusieurs types de vaccins parce qu’un seul laboratoire ne peut pas produire des vaccins pour tout le monde. Obligatoirement, il y aura recours à d’autres laboratoires. Il y aura peut-être deux ou trois types de vaccin en fonction des critères de choix de chaque pays, y compris le nôtre, pour éventuellement fixer et préciser le type de vaccin qu’on aura.
On pourra voir en Algérie le vaccin développé par Pfizer-BioNTech ?
C’est une question qui n’aura pas de réponse. Je pense que dans le mécanisme COVAX, on pourrait éventuellement avoir le type de vaccin américain ou autre chose. Ça sera uniquement dans le cadre COVAX où les quotas de vaccin seront distribués à l’échelle mondiale. En ce qui concerne les accords bilatéraux de l’Algérie avec d’autres laboratoires, ce sera le choix de l’Algérie. Mais dans le cadre de l’organisme COVAX qui recouvre 190 pays, on aura à l’instar des autres pays du monde un quota de vaccins qu’on ne pourra peut-être pas choisir.
Même avec la vaccination, faut-il rester vigilant ?
Effectivement, la vaccination en elle-même reste une lueur d’espoir contre la propagation de la pandémie mais il faudra garder toutes les mesures de vigilance et toutes les mesures barrières y compris le masque et la distanciation jusqu’au moment éventuellement de commencer à vacciner. Restons vigilants, restons éloignés les uns des autres et portons le masque.