Société

Pr Tliba : « Il y a urgence à acquérir un appareil de radiochirurgie »

Le professeur Souhil Tliba, chef de service de neurochirurgie au CHU Frantz Fanon de Blida, souligne l’urgence pour l’Algérie d’acquérir des appareils de radiochirurgie stéréotaxique.

La technique consiste à traiter d’une manière très précise par des rayons par exemple des tumeurs (profondes et inaccessibles à la chirurgie) dans le cerveau.

Cet éminent neurochirurgien déplore le fait qu’un projet d’acquisition de cet appareil au profit du CHU de Blida attend d’être concrétisé depuis 15 ans !

« Nous sommes en train d’envoyer des malades à l’étranger pour la radiochirurgie stéréotaxique qui est une technique sans risque qui ne nécessite qu’une seule séance de 30 à 45 minutes et qui peut sauver bien des vies », dit-il.

Qu’est-ce que c’est que la radiochirurgie stéréotaxique ?

La radiochirurgie stéréotaxique est une irradiation précise et ciblée des lésions cérébrales avec une marge d’erreur de 0 – 1 mm. C’est un projet très important car il aura une très grande valeur ajoutée.

Cette technique nécessite un équipement qui complète l’arsenal thérapeutique pour prendre en charge nos malades.

De plus en plus, les indications ne font qu’augmenter. C’est un projet assez ancien au CHU de Blida où il est malheureusement, toujours en instance de concrétisation depuis environ 15 ans.

Nous sommes en train d’envoyer des malades à l’étranger pour des traitements par radiochirurgie stéréotaxique. La technique consiste à traiter par des rayons des malformations vasculaires ou certaines tumeurs qu’elles soient primitives ou secondaires comme les métastases dans le cerveau.

Les bombardements par des rayons se font d’une manière très précise avec une marge d’erreur qui ne dépasse pas 1 millimètre, ce qui diffère de la radiothérapie générale.

La radiochirurgie stéréotaxique ne touche que le mal alors que toutes les structures saines du cerveau sont épargnées. Quand, il n’y a qu’une ou deux métastases accessibles, on peut opérer. Mais quand on a trois jusqu’à dix métastases, on a recours à la radiochirurgie stéréotaxique.

Une séance de radiochirurgie stéréotaxique nécessite combien de temps ?

C’est un ciblage par des rayons qui ne dépassent pas les 30 à 45 minutes. Comme une machine d’IRM, l’un des avantages de la radiochirurgie stéréotaxique et qu’elle se fait sans anesthésie générale et ne nécessite qu’une seule séance.

Le malade rentre chez lui le jour même après la séance. Il peut être hospitalisé le matin et le soir il rentre à la maison. Il n’y a ni plaie, ni anesthésie générale, ni bloc opératoire, ni convalescence…

Le malade reprend sa vie le plus normalement du monde dès le lendemain. En Algérie, nous sommes malheureusement très en retard dans le domaine de la radiochirurgie.

L’Algérie dispose-t-elle de personnels formés pour assurer cette thérapie ?

C’est une forme de radiothérapie ciblée du cerveau gérée par un neurochirurgien. Rien n’est compliqué. Il faut un neurochirurgien, un radiothérapeute et un biophysicien.

Les trois existent en Algérie. De plus, il y a beaucoup de malades. En Suisse par exemple, un pays de 9 millions d’habitants, plus de 800 procédures de radiochirurgie stéréotaxique sont effectuées par an.

L’Algérie compte 45 millions d’habitants mais aucune procédure de radiochirurgie stéréotaxique ne se fait dans le secteur public.

Si certains malades partent avec leurs propres moyens à l’étranger pour se soigner avec cette technique, de nombreux autres patients ne sont malheureusement pas traités.

Combien coûte une séance de radiochirurgie stéréotaxique à l’étranger ?

Le coût varie en fonction des pays. Par exemple en Suisse, une séance coûte l’équivalent de 6.000 à 10.000 euros.

L’appareil qui coûte environ 3 millions d’euros peut être amorti en une année et demie. Selon un neurochirurgien suisse qui a animé une conférence au bénéfice de nos résidents, l’appareil de radiochirurgie stéréotaxique fait gagner à l’hôpital de Lausanne un million d’euros par année.

Au-delà de cet aspect économique, il y a aussi l’impact social. On peut traiter même les cas les plus désespérés, par exemple la maladie de Parkinson, la névralgie du trijumeau, les malformations vasculaires et bien d’autres pathologies.

L’éventail des pathologies qu’on peut traiter avec cette technique ne fait qu’augmenter. Un tel appareil permet de traiter des malades dont les personnes âgées qui ne supportent pas l’anesthésie, ou qui ont une malformation vasculaire ou une tumeur inaccessible à la chirurgie.

Y a-t-il des promesses pour rendre cet appareil disponible en Algérie ?

Il s’agit d’un ancien projet qui a été initié par le professeur Bouyoucef, ancien chef de service de neurochirurgie du CHU de Blida. Le premier mérite lui revient car il avait lancé ce projet qui a été accepté par les autorités.

Il y a même une bâtisse qui a été construite pour abriter cet appareil mais malheureusement aujourd’hui en dégradation totale. Cette histoire remonte à 15 ans. Entretemps, il y a eu une dévaluation du dinar. Le budget consacré à l’acquisition de cet appareil ne suffit plus.

Depuis des années, nous n’avons cessé de réclamer l’acquisition de cet appareil d’autant plus que le bunker existe. Cette bâtisse qui avait accueilli les malades durant la Covid-19, nécessite une rénovation.

Il y a des pays africains qui disposent chacun de trois appareils.

Pourtant, c’est quelque chose d’indispensable pour les soins. Pour certains malades, il n’y a pas d’autres solutions que la radiochirurgie stéréotaxique. Au CHU de Blida, nous avons une liste d’attente initiale de 200 malades. Vous imaginez alors les besoins de tout le pays ?

Comment traiter la maladie de Parkinson avec cette technique ?

Je rappelle qu’il y a plus de 70.000 malades atteints de Parkinson en Algérie. Pour cette maladie, il y a trois modalités. La première est un traitement médical qui a des limites jusqu’à 5 ans.

Il y a ensuite la stimulation cérébrale profonde qui se fait très rarement en Algérie (à l’hôpital Zemirli, CHU Mustapha et à Blida).

Enfin, il y a la radiochirurgie stéréotaxique qui se fait en une seule séance qui ne dépasse pas un quart d’heure. Les indications de cette radiochirurgie sont très nombreuses.

Donc, il y a vraiment urgence d’acquérir cet appareil…

Il y a urgence et surtout un grand retard à rattraper. On a une dette vis-à-vis de l’histoire. Les autorités sont sensibles à ce projet. Le ministre de la Santé qui a visité les lieux a donné son accord. C’est l’un des projets les plus urgents en matière de santé. Partout dans le monde, cette technique est banale.

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