Avec la vague de froid qui frappe le pays cet hiver, la consommation de pois chiche augmente en Algérie. Ce plat populaire est concurrencé par le sandwich frites-omelette.
Afin d’éviter toute spéculation, l’Office algérien des céréales (OAIC) vient de publier les tarifs officiels de vente de ce légume.
Un produit entrant dans la préparation de la « doubara » ou houmous (pois chiches en sauce blanche), plat populaire largement consommé dans les fast-foods. Ce plat a un sérieux concurrent : le sandwich frites-omelette.
Doubara et pois chiches « double-zit »
Rien de plus simple pour préparer une doubara ou un houmous : des pois chiches, parfois des fèves, du concentré de tomate, des oignons, des épices, du persil et bien sûr de l’huile d’olive.
Au « double-zit » ou double cuillerée d’huile d’olive rajoutée sur le plat existe une autre version « double-harr » pour double dose de piment. Les puristes n’hésitent pas à combiner les deux.
Une recette à priori simple mais où le savoir-faire fait toute la différence. En témoigne ce vendeur de doubara de Batna devant s’absenter et ayant confié la préparation du plat à son épouse et la salle à son commis.
Avant son départ, il avait pris bien soin d’indiquer la recette à suivre. Quel ne fut son étonnement à son retour lorsqu’un habitué lui fit remarquer que la doubara de la veille avait quelque chose de différent.
Le plus souvent la doubara ou houmess est vendue au niveau de simples échoppes au mobilier sommaire : quelques tables avec des corbeilles remplies de pain ou de simples étagères murales pour poser son assiette.
Autour d’une doubara ou d’un houmous fumant, on rencontre toutes les couches sociales, du « zawali » aux plus aisés, déclare un habitué.
L’apparition récente de l’omelette-frites
En Algérie, la consommation de sandwichs frites-omelettes est récente. Son développement est lié à l’essor de la production industrielle d’œufs du début des années 2000.
Faudra-t-il un jour faire la sociologie des consommateurs de doubara ou houmous et frites-omelettes ? Disons, qu’en général les premiers sont plus âgés et représentent une frange plus traditionnelle de la population tandis que les seconds sont souvent plus jeunes et plus urbains.
Le matériel utilisé pour préparer ces plats populaires est également différent. Si les premiers utilisent le « tabouna », un grand réchaud à gaz, et des marmites. Les seconds font plus souvent appel à des plaques chauffantes modernes.
Le plus souvent les frites sont réchauffées sur ces plaques où est versé le mélange d’œufs battus. Puis le tout est mis dans une demi-baguette de pain pour avoir un sandwich frites-omelettes. Avantage sur la doubara ou houmous, pas besoin d’ustensiles de cuisine et donc d’un plus grand espace.
Richesse en protéines, deux plats identiques
Les deux plats se valent pour leur apport en protéines. Pois-chiches et œufs apportent les acides aminés essentiels à l’organisme, avec cependant une différence pour les pois-chiches : une partie de ces acides aminés est apportée par l’association avec les céréales, ici avec le pain.
C’est d’ailleurs ce subtil équilibre pois-chiches et céréales qui confère au couscous algérien toute sa valeur nutritionnelle. Un couscous diététiquement équilibré et de tout temps consommé par des générations de consommateurs.
Au contraire, les fritures du sandwich frites-omelettes en font un plat déséquilibré car trop gras et à ce titre, néfaste pour les artères. Du point de vue nutritionnel, la doubara ou le houmess l’emporte donc largement.
Enfin, la doubara ou le houmous sont davantage consommés dans les villes de l’intérieur du pays où il fait très froid en hiver.
Beaucoup de gens prennent un « houmous double zit » (pois-chiches sauce blanche) le matin comme petit-déjeuner au lieu du classique croissant ou tartine avec café au lait, et ils n’auront pas besoin de déjeuner à midi, puisque ce plat est non seulement riche en protéines, mais il est aussi rassasiant.
Frites-omelettes, effet de la mondialisation
Il existe une autre différence de taille qui concerne l’origine des ingrédients pour ces deux plats populaires. Même si la production de pois-chiches reste insuffisante en Algérie, ils peuvent facilement être produits localement.
Ce n’est pas le cas pour les principaux ingrédients du sandwich frites-omelettes. Certes, la pomme de terre est hors de cause puisque produite localement. Le problème se situe au niveau des œufs.
Si les poules des élevages sont algériennes, les souches de poules pondeuses leur ayant donné naissance restent à l’étranger. Il en est de même concernant l’aliment, les champs de maïs et de soja sont pour la plupart situés en Amérique latine.
Le casse-tête des services agricoles
À travers les importations massives auxquelles elle concourt, le frites-omelette représente un véritable casse-tête pour les services agricoles algériens qui tentent de promouvoir la production locale de maïs grain dans le sud.
À l’horizon 2024, l’objectif est d’arriver à produire au moins 4 % des importations algériennes de ce légume.
Lors des premiers essais au sud, à la vue de l’impressionnante masse végétale sous les pivots d’irrigation, les agriculteurs ont préféré récolter les plants de maïs encore verts sous forme de fourrage en balles enrubannées que de les récolter en grain.
Le relèvement du prix du quintal de maïs grain n’y a rien fait. « On gagne plus en récoltant en fourrage qu’en grains« , confie un agriculteur à TSA. À El Ménéa, le succès est tel que la wilaya de Ghardaïa est devenue le premier pôle laitier autonome en fourrage.
Consommer la doubara ou houmous, par patriotisme économique ?
Quant au soja, il nécessite chaleur et eau aussi est-il difficile à produire massivement localement. Le lupin est une plante riche en protéines qui contrairement au soja ne nécessite pas d’irrigation. Problème, la plante dépérit en sol calcaire, un type de sol largement dominant en Algérie.
Faudra-t-il préférer la doubara ou le houmous aux frites-omelettes par patriotisme économique ? La question reste posée.