A quatre mois de l’élection présidentielle, il n’y a toujours pas d’air de campagne électorale. Pas de candidats de poids. Pas de programmes alternatifs de l’opposition. Pas de slogans pré-électoraux des partisans du pouvoir. Même le ministère de l’Intérieur, qui s’inquiète souvent de l’abstention au vote, n’a pas entamé de « plan de communication » pour convaincre les algériens de « l’utilité » des élections.
Pour sa part, le président Abdelaziz Bouteflika n’a rien dit sur son intention de rempiler pour un 5e mandat ou pas en 2019. Le FLN, surtout avec son ex-secrétaire général, Djamel Ould Abbès, avait dans un premier temps engagé une véritable opération « marketing » en faveur du 5e mandat, avant de modifier ses éléments de langage pour ne parler que de « continuité » et de « poursuite des réalisations du président Bouteflika ».
Ould Abbès a été poussé à la porte, et Mouad Bouchareb, arrivé dans de pénibles conditions à la tête de l’APN, est sollicité en « sauveur » pour diriger temporairement le FLN. Bouchareb ne parle pas de « 5e mandat », mais rappelle que le FLN soutient le président Bouteflika. Et Abdelaziz Belkhadem, ancien SG du FLN, reçu mardi 4 décembre au siège du parti à Alger, souligne que Bouchareb est chargé par le chef de l’État pour « rectifier la ligne du FLN ». Reste à définir de quelle ligne il s’agit.
« Consensus national »
Le FLN, sans structures organiques actuellement, a-t-il remis au placard le projet du 5e mandat pour Bouteflika ? « Le mandat du président n’est pas encore terminé. Et nous soutenons le président. Le candidat du FLN est connu. Ne comprendra pas que celui qui ne veut pas comprendre », a déclaré Mouad Bouchareb, lors d’une conférence de presse commune avec Abdelaziz Belkhadem, mardi 4 décembre, à Alger. Le nouveau patron du FLN a refusé de répondre à une question relative au report de l’élection présidentielle, prévue en avril 2019.
Amara Benyounes, chef du MPA, un parti de l’alliance au pouvoir, répète depuis des mois qu’il soutient le président Bouteflika mais il refuse toujours d’appeler à un 5e mandat.
Plus surprenant encore, Amar Ghoul, président de Tajamou’e Amal El Jazair (TAJ), a laissé entendre, pour sa part, que l’élection présidentielle pourrait être reportée. L’élection ? « c’est secondaire par rapport à ce que nous proposons », a-t-il affirmé. Et que propose donc TAJ ? Une conférence nationale de consensus pour « doter l’Algérie d’institutions fortes et modernes », à même de répondre « aux attentes des algériens ».
Comme il ne s’agit pas d’une « Assemblée constituante », réclamée par des partis d’opposition depuis longtemps, la conférence ressemble à celles organisées, en Algérie, au début des années 1990 lorsque le pays connaissait une crise majeure après l’arrêt du processus électoral des législatives et la démission forcée du président Chadli Bendjedid.
Implicitement, Amar Ghoul reconnait l’existence d’une crise politique dans le pays, sinon quel est l’intérêt d’organiser « une conférence nationale » mise sous « le haut patronage » du président de la République. A moins que l’objectif soit tout autre : faire passer le projet du report de l’élection présidentielle en convoquant « le consensus national ». Ce qui peut se traduire par une prolongation du mandat actuel du président Bouteflika sans que cela ne ressemble à « une nouvelle période de transition ».
« Statu quo dangereux »
Pourtant, depuis maintenant 20 ans, le pouvoir en place refuse toute idée de « transition démocratique » pour des raisons historiques liées à la légitimité politique. Cela implique éventuellement une révision de la Constitution, comme l’a rappelé la constitutionnaliste Fatiha Benabbou.
Abderrazak Makri, président du MSP, un parti officiellement dans l’opposition, insiste de son côté, depuis quelques jours autour de l’idée d’un report de l’élection présidentielle pour des considérations politiques quelque peu différentes, mais avec un dénominateur commun, « la quête du consensus ».
Pour le premier responsable du MPS, la situation politique est minée en raison de l’absence de consensus entre les factions du pouvoir sur la ou les candidatures pour la présidentielle prochaine. Makri a estimé que l’opposition ne peut pas s’engager dans la course sans garanties politiques sur la transparence du scrutin.
Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des Travailleur (PT), a prévenu, elle, contre « le statu quo dangereux ». Pourtant, le pays paraît bien devant un statu quo politique presque inédit « alimenté » par une situation économique difficile et par la tempête de rumeurs. Jusqu’à quand va durer cette incertitude ? Les prochaines semaines, on sera fixé. Peut-être.