Actualisé le 12 mai 2024. L’annonce est autant surprenante qu’inattendue. La présidence de la République a pris de court tous les observateurs en annonçant la tenue d’une élection présidentielle anticipée pour le 7 septembre prochain, dans un contexte marqué par des bouleversements géopolitiques et après les rumeurs qui ont circulé sur le report du scrutin.
Dans un communiqué laconique publié, jeudi, peu avant l’appel à la rupture du jeune, la Présidence a annoncé cette décision à l’issue d’une réunion consacrée « à l’examen des préparatifs de la prochaine élection présidentielle ».
Présidée par le président Abdelmadjid Tebboune, la réunion a été tenue en présence du président du Conseil constitutionnel, du chef d’état-major de l’ANP, du Premier ministre, des présidents des deux chambres du Parlement, du ministre de l’Intérieur, du chef de cabinet de la présidence de la République et du président de l’ANIE.
Si le format est inédit, l’annonce demeure conforme à la Constitution. L’article 91 dispose, en effet, dans son alinéa 11 que le président de la République peut « décider d’organiser une élection présidentielle anticipée ».
Mais la présidence n’a fourni aucune explication pour justifier cette décision d’écourter de trois mois le mandat de l’actuel président. De quoi prêter le flanc à toute sorte d’interprétations d’autant que le président Abdelmadjid Tebboune n’a rien laissé filtrer, pour l’heure, sur ses intentions de rempiler ou non pour un second mandat.
Le contexte marqué par des défis géopolitiques et de potentielles menaces sur le pays a-t-elle contraint les dirigeants du pays à avancer la date pour se décharger de ce rendez-vous crucial et d’appréhender ainsi les défis dans un continuum ?
S’agit-il de couper l’herbe sous les pieds de potentiels candidats qui n’auront pas le temps suffisant pour se préparer convenablement d’autant que la campagne électorale interviendra en plein été, durant les périodes de chaleur où d’ordinaire beaucoup d’Algériens sont en congé et en vacances, comme pensent d’autres ?
Rares sont ceux qui se sont aventurés à donner des explications, à part quelques voix comme celle du député FLN, Ahmed Rebhi.
Présidentielles anticipées en Algérie : l’APS explique pourquoi Tebboune a pris cette décision
Pour ce dernier, la décision d’avancer la date des élections est motivée par la préparation de la Loi de finances 2025 qui doit être soumise avant le 7 octobre prochain et qui devrait être approuvée avant la fin de l’année en cours.
« Le maintien de la date initiale va se heurter à plusieurs obstacles qui vont affecter le bon fonctionnement des démembrements de l’État », explique-t-il sur sa page Facebook.
Selon lui, cette décision va « servir la continuité de l’État en respectant le statut de la centralité juridique du président de la République ».
L’agence officielle APS a publié une dépêche où elle a énuméré trois raisons pour expliquer la décision du président Tebboune d’organiser une élection présidentielle anticipée.
« Qui contrôle le timing, contrôle la situation. Le Président Tebboune a toujours été un « maître des horloges », souvent déroutant, mais jamais submergé », a écrit l’APS dans un commentaire publié, ce vendredi 22 mars, en précisant que « cette annonce d’une élection anticipée est le retour à la normalité » en Algérie après l’épisode de 2019 où la présidentielle n’a pas pu être tenue dans les délais à cause du Hirak qui a forcé Abdelaziz Bouteflika à renoncer à un cinquième mandat présidentiel de suite. C’est la première raison avancée par l’agence officielle.
La deuxième raison qui a motivé la décision de Tebboune, selon toujours l’APS, « l’éternel retour au peuple ». « Cette annonce est le signe que le Président Tebboune fait confiance à son peuple, aux citoyens et aux électeurs […] Certes, certaines voix habituelles ont commencé à échafauder les scénarios les plus absurdes, faute de décoder la boite noire présidentielle. La parole est libre et la spéculation gratuite », développe l’auteur du commentaire de l’agence officielle.
Enfin, la troisième raison est liée au « calcul géopolitique. » « Le dernier sommet du gaz, la gestion des conflits et les mutations géostratégiques et sécuritaires dans la région ont certainement mûri cette réflexion. Influer sur cette annonce », explique l’agence officielle, en ajoutant que l’Algérie joue une « partition serrée qui va conditionner son avenir de Nation face aux nouveaux colonialismes. »
« Les menaces extérieures sont telles, réelles et palpables, qu’écourter le premier mandat est une nécessité tactique. Une anticipation de turbulences programmées. L’enjeu international prédomine sur l’enjeu national », explique l’auteur du commentaire.
Des partis politiques saluent la décision de Tebboune
Mais sitôt annoncée, cette décision, qui suscite divers commentaires sur la Toile, a été saluée par de nombreux partis politiques. Le parti El Moustakbel estime que cette décision est « une preuve évidente du statut distingué et des relations entre les institutions constitutionnelles et de la sincérité et de la sagesse des nouvelles orientations de l’Algérie ».
Dans un communiqué rendu public, ce parti soutient qu’il s’emploie « à approfondir le processus démocratique et préserver les acquis de la nation et de la patrie ainsi que ses intérêts supérieurs ».
« Les élections présidentielles sont également une étape essentielle de débat et d’interaction à travers laquelle le peuple décide et renforce le statut des institutions pour réaliser ses ambitions et ses espoirs », écrit-il.
Pour sa part, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) estime que ces élections, annoncées par le président Tebboune, constitueront une « nouvelle transformation en matière de démocratie et permettront l’avènement d’une Algérie développée ».
Le MSP, qui a récemment annoncé sa participation à cette élection et dont une éventuelle candidature sera tranchée par les instances du parti, considère que la décision d’organiser des élections présidentielles anticipées est « importante et doit être traitée conformément aux mécanismes organisationnels qui gèrent la gestion des positions au sein des partis », allusion probablement aux velléités de l’ex-président du parti, Abderrazak Makri de se lancer dans la bataille.
« La confiance politique mutuelle, la coexistence politique et la création d’un climat de compétition dans les étapes à venir permettront à notre pays de résister aux défis », souligne Abdelali Hassani.
Qualifiant la décision de « souveraine », le FLN, de son côté, soutient qu’elle traduit « le souci constant de préserver les dates d’élections constitutionnelles, la stabilité des institutions et le respect de la volonté du peuple algérien d’élire celui qui le dirigera lors d’élections transparentes, équitables et pluralistes dans un climat démocratique ».
Pour l’ex-parti unique, ce rendez-vous sera une « étape majeure dans la valorisation de la transformation remarquable que connaît notre pays dans divers domaines ».
Le FLN a, dans ce contexte, appelé toutes les forces actives, les partis, la société civile, les acteurs sociaux et toutes les composantes de l’élite de notre pays à faire de cet « important droit national une nouvelle date pour une Algérie victorieuse, forte de ses institutions, de son peuple et de sa puissante armée ».
Quant au RND, il considère que cette décision est une « réponse aux sceptiques et aux semeurs de doute », allusion aux rumeurs qui ont circulé il y a quelques jours sur le report de l’élection présidentielle et qui ont été démenties dans une dépêche virulente de l’agence officielle APS.
« La réponse est que l’Algérie est un État d’institutions », a affirmé le SG, Mustapha Yahi lors d’une conférence de presse animée au siège de son parti.
Pour le RND, qui affiche sa volonté à participer au succès de ces élections, ce rendez-vous garantit « la poursuite des réformes initiées par Abdelmadjid Tebboune depuis son arrivée au pouvoir et la continuité de l’État des institutions ».
Ni le FLN, ni le RND ne se sont encore prononcés sur leur participation à l’élection présidentielle de 2024.
Les partis de l’opposition n’ont pas encore réagi à cette annonce. Mais, récemment, le FFS a annoncé « qu’il jouera un rôle » lors de ce rendez-vous à travers le débat, mais sans préciser s’il présentera un candidat ou non, tandis que le RCD a appelé à l’ouverture d’un débat et à la levée des contraintes sur l’exercice politique.
Quant au PT de Louisa Hanoune pour qui la présidentielle est un rendez-vous crucial, il a insisté sur la réunion des conditions pour une compétition loyale entre les programmes des candidats.
Belkacem Sahli et Zoubida Assoul se lancent dans la course à El Mouradia
Deux personnalités politiques ont annoncé officiellement leurs candidatures au scrutin présidentiel du 7 septembre prochain en Algérie.
Il s’agit de Zoubida Assoul, la patronne de l’UCP (Union pour le changement et le progrès) et de Belkacem Sahli, président de l’Alliance nationale républicaine (ANR) qui se présente au nom de sept partis politiques et qui plaide pour un « mandat de mutation ».
Du coté des partis politiques, le PT de Louisa Hanoune a décidé de participer à l’élection présidentielle de septembre prochain. Il devra désigner son candidat fin mai.
Pour le FFS, Jil Jadid et le MSP, ils vont trancher la question de leur participation fin mai. Le FLN et le RND, les deux partis proches du pouvoir, n’ont pas encore tranché.
Pour le président Abdelmadjid Tebboune, il ne s’est pas encore prononcé sur une éventuelle candidature pour un second mandat le 7 septembre.
Le candidat sortant a prononcé deux discours en une semaine, le 1er mai au siège du syndicat UGTA et le second le 8 mai au MDN, où il n’a pas dévoilé ses intentions qui demeurent un secret bien gardé jusqu’à présent.
La scène politique algérienne peine à s’emballer, mais les choses devraient s’accélérer à l’approche de la convocation du corps électoral le 8 juin prochain, à trois mois de l’élection.
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