A mesure que se multiplient les positionnements de la classe politique vis-à-vis de la présidentielle du 12 décembre, la situation se décante lentement, mais pas dans le sens où on l’attendait.
Hormis les spéculations sur le véritable candidat du pouvoir, le schéma du scrutin, du moins tel qu’il se présente jusque-là, ne devrait pas être différent de ce qu’on a vécu sous Bouteflika, soit une élection adoubée par tout ce que le pouvoir compte comme clientèle et boudée par quasiment toute l’opposition.
Les candidats déclarés se nomment Belkacem Sahli, Abdelaziz Belaïd, Abdelkader Bengrina, Abdelmadjid Tebboune, Ali Benflis, Azzzedine Mihoubi, pour ne citer que les plus connus. On parle aussi de la probable entrée en lice de Abdelaziz Belkhadem. Soit trois anciens Premiers ministres et autant de ministres de Bouteflika.
Il n’y a aucun candidat de l’opposition proprement dite pour le moment et il ne devrait pas y en avoir puisque les deux derniers partis qui avaient laissé un brin de suspense ont fini par trancher pour la non-participation.
Avec la défection du FJD et du MSP, qui fait suite à celles de Abdelaziz Rahabi, Mohamed Saïd et Ali Faouzi Rebaine, ce sont quasiment tous les signataires de la plateforme de Aïn Benian, excepté Ali Benflis et Bengrina, qui rejoignent dans le front du boycott l’autre bloc de l’opposition composé du RCD, du FFS, du PT et des autres partis de l’Alternative démocratique.
Cela sur fond d’un hirak populaire qui gronde chaque vendredi son rejet du processus électoral dans les conditions actuelles et d’une contestation qui commence à prendre d’autres formes, comme le refus d’un nombre grandissant de maires d’encadrer le scrutin.
L’élection du 12 décembre est mal partie, en dépit du discours officiel qui tente de la présenter comme une réponse à une demande insistante du peuple. La non-participation de l’opposition dans toutes ses composantes est déjà un motif suffisant de discrédit, nonobstant l’engouement des électeurs qui, à l’évidence, ne sera pas ce que médias et analystes du pouvoir prédisent avec une certitude incompréhensible.
Là aussi, on entend curieusement les mêmes voix qui, sous Bouteflika, faisaient la promotion du vote à la veille de chaque élection jouée d’avance -de leur propre aveu -sur les mêmes canaux, avec la même rhétorique, la même littérature sur les ennemis imaginaires de la nation et les mêmes méthodes éculées. Le régime algérien est-il à ce point dénué d’imagination ?
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Difficile de convaincre que l’élection à venir est celle qui consacrera la rupture avec la gouvernance de Bouteflika quand on voit les états de service de ceux qui prétendent à sa succession.
La pression du hirak est telle qu’aucun personnage de l’opposition ne pouvait engager sa crédibilité dans un scrutin qui n’offre pas de réelles garanties de transparence. Le soulèvement du peuple depuis le 22 février est en effet l’élément nouveau que les stratèges du pouvoir auraient dû intégrer dans leurs calculs, d’autant plus que le scrutin présidentiel a été reporté à deux reprises sous la pression de la rue.
Le hirak n’est pas fini, en dépit de ce que tente de faire croire la littérature officielle. On se hasarderait même à dire qu’il ne s’est jamais aussi bien porté et que rien ne permet raisonnablement de prédire son essoufflement dans les prochaines semaines.
Continuer à l’ignorer en misant le fait accompli et la résignation de tous, c’est prendre le risque de compliquer davantage la crise à défaut de la régler. Car si Bouteflika s’était permis de gouverner tout en étant mal élu, c’est principalement parce qu’il n’a pas fait face à des contestations post-électorales. Or, au lendemain du 12 décembre, le peuple ne risque pas de sortir dans la rue, il y est déjà…