C’est en principe ce mercredi 16 janvier que le président de la République convoquerait le corps électoral pour l’élection présidentielle d’avril prochain. Du moins, selon les calculs des constitutionnalistes, dont Mme Fatiha Benabbou qui expliquait récemment à TSA que le mandat présidentiel prend fin cinq ans jour pour jour après son élection et non pas après la prestation de serment.
Abdelaziz Bouteflika a été élu pour un quatrième mandat le 17 avril 2014, l’élection de 2019 devra par conséquent avoir lieu au plus tard le 16 avril et le corps électoral convoqué 90 jours avant le scrutin, conformément à la loi électorale.
Après de longs mois de doute et de supputations, la situation devrait donc se décanter à partir de ce mercredi. Ou alors ce sera le premier pas dans l’inconnu.
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Présidentielle : « La convocation du corps électoral doit se faire au plus tard le 16 janvier 2019 »
On saura déjà que l’élection aura lieu le 16 avril si le corps électoral est convoqué demain. L’hypothèse d’une candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat se retrouverait aussi renforcée, en ce sens qu’on voit mal comment une autre candidature pourrait être promue quelques semaines avant le début de la campagne électorale.
A contrario, la non-convocation du corps électoral dans les délais légaux sera synonyme de la mise en branle d’un autre plan parmi les nombreuses options qu’on dit envisagées, peut-être une révision constitutionnelle qui légalisera le prolongement du mandat actuel d’une année ou deux.
Quoi qu’il en soit, le processus à venir ne risque pas d’être frappé du sceau du sérieux. On parle de l’élection présidentielle, censée être l’événement le plus important dans la vie d’une nation régie par le régime présidentiel, c’est-à-dire où tous les pouvoirs sont quasiment aux mains du chef de l’État. Or à trois mois de l’échéance, on en est encore à spéculer sur la tenue ou non du scrutin. L’opposition est démobilisée, fataliste, l’opinion publique indifférente et les partis de l’Alliance n’ont aucune gêne à se terrer en attendant des instructions d’en haut.
Si le président décide de briguer un cinquième mandat, la machine électorale des partis de la majorité, notamment le FLN et le RND, se mettra aussitôt en branle et n’aura qu’à répéter pendant quelques semaines ce que l’on sait déjà un texte qu’elle connait par cœur pour l’avoir ressassé pendant de longues années : les réalisations de Abdelaziz Bouteflika, son rôle dans le rétablissement de la paix et le nouveau refrain de la « stabilité » qui semble en vogue. Bouteflika sera réélu comme il le fut en 2014, c’est-à-dire faute de concurrence, dans une élection sans aucune « diversité », « confrontation des programmes » ou « course au pouvoir » qu’il a pourtant appelée de ses vœux en mars dernier.
En matière d’alternance, ce n’est pas la première fois que Bouteflika fait une profession de foi sans jamais la traduire dans les faits. S’il se représente en avril et va jusqu’au bout de son cinquième mandat, il sera resté dix ans de plus au pouvoir après son fameux « tab djenanena » lancé en mai 2012 à partir de Sétif.
L’option d’une autre candidature issue du système pourrait être retenue, même si la machine du pouvoir aura du pain sur la planche pour la vendre en quelques semaines. Là aussi, les normes d’une élection démocratique et les conditions de l’expression de la volonté populaire ne seront pas au rendez-vous.
La grosse interrogation se posera dans le cas où le corps électoral n’est pas convoqué. Cela signifiera qu’on ira vers le report du scrutin et la prolongation du mandat présidentiel, mais avec quel habillage juridique ?
L’opposition ayant déjà signifié son niet à un tel projet, le pouvoir pourrait être tenté par un passage en force en procédant à une révision constitutionnelle par le biais du Parlement. L’image du président s’en trouvera davantage écornée puisqu’il aura trituré deux fois la constitution pour ne pas lâcher le pouvoir sans le quitus de la classe politique ni du peuple. Le déficit de légitimité sera flagrant. Ce sera aussi une dénégation pour l’une de ses rares réussites qui ne font pas débat jusque-là, soit la stabilité institutionnelle et le respect du calendrier électoral.
L’annonce des intentions du pouvoir permettra aussi de connaitre celles d’autres acteurs politiques, notamment les « présidentiables », dont Ali Benflis, qui a laissé toutes les portes ouvertes, et surtout le général-major à la retraite Ali Ghediri à qui on prête l’ambition d’un destin national. Laquelle ambition a été déjà jugée « démesurée » par la partie dont l’avis compte le plus dans ce genre de débats, l’armée.