À moins de deux mois de la date prévue pour l’élection présidentielle, l’opposition (re)commence à bouger après avoir donné l’impression d’être résignée devant la résolution du pouvoir à aller au bout de son projet.
Ces dernières semaines, les partis et personnalités qui ont continué à s’exprimer le faisaient plus pour dénoncer les arrestations de militants et autres atteintes aux libertés que pour proposer une alternative à la présidentielle.
Mais les propositions pour un changement commencent de nouveau à se multiplier. En deux jours, on en a enregistré au moins deux, l’une émanant d’un groupe de personnalités nationales, pour la plupart non partisanes, l’autre d’une organisation de la société civile, le collectif Nabni.
Les 18 personnalités qui ont lancé l’appel du 15 octobre, parmi lesquelles Ali Yahia Abdennour, Ahmed Taleb Ibrahimi, Ahmed Benbitour, Abdelaziz Rahabi et Ahmed Benmohamed, ont signifié au pouvoir qu’il fait fausse route et l’ont invité « à procéder avec sagesse et objectivité, à une nouvelle lecture de la réalité afin de ne pas contrecarrer les revendications légitimes du peuple en faveur d’un changement pacifique des mécanismes et des pratiques de gouvernance ».
« S’aventurer à organiser des élections présidentielles comme annoncées, sans consensus national préalable, attisera le mécontentement populaire et aggravera la crise de légitimité du pouvoir. Il est donc inconcevable d’envisager la tenue d’élections libres et transparentes dans de pareilles circonstances », ont-elles averti.
Une mise en garde accompagnée d’une « invitation à un dialogue sérieux et responsable de toutes les parties favorables à ces revendications », et ce préalablement à tout processus électoral.
Implicitement, il s’agit d’un appel à reporter la présidentielle du 12 décembre alors que plusieurs étapes ont été franchies dans sa préparation et plusieurs candidats se sont fait connaître.
De son côté, le Collectif Nabni a appelé ce mercredi 16 octobre à un débat national autour d’un programme de « changements fondamentaux », appelé « Yatnahaw gaâ » pour mettre fin au « système autoritaire » et réaliser la « promesse de la démocratie ».
« La présidentielle sera reportée, si… »
Le MSP est lui aussi monté au créneau, pour dénoncer certes la loi sur les hydrocarbures, mais aussi pour lancer une mise en garde. « Le climat délétère, de suspicion, la politique du fait accompli et la mainmise de l’administration dans le processus des élections présidentielles, feront que l’Algérie ne sera pas en mesure de faire face aux défis internes et externes qui s’annoncent », écrit le parti dans un communiqué.
Il a appelé en outre à respecter « la volonté du peuple exprimée chaque vendredi et mardi » par l’application des articles 7 et 8 de la Constitution, accusant le pouvoir d’avoir avorté le processus de dialogue sérieux, et d’avoir « freiné » le processus de la transition démocratique.
Bien avant le MSP, le 5 octobre, devant des partisans regroupés devant la porte de sa maison à Alger, Mouloud Hamrouche avait justifié son refus de participer à la prochaine élection présidentielle : « Je ne peux pas vous mentir. Il vaut mieux vous dire la vérité dès maintenant. Même si je me présente et je suis élu, je ne pourrai rien faire dans ces conditions ». Il a appelé le pouvoir à satisfaire les revendications du hirak.
On ne sait pas si la classe politique et la société civile ont commencé à déceler une fausse assurance chez les représentants du pouvoir, notamment devant le silence inexplicable des principaux candidats à quelques semaines du scrutin, mais il demeure certain que le maintien de la forte mobilisation du hirak et les actions menées contre les bureaux des élections et les permanences de l’Autorité électorale à travers de nombreuses wilayas sont autant d’éléments qui laissent penser que le pouvoir aura au moins du mal à organiser « sa » présidentielle.
Abdallah Djaballah, président du Front de la justice et du développement, le dit presque sans ambages. Il n’exclut pas le report du scrutin du 12 décembre en cas de forte contestation.
« Le hirak peut se renforcer et imposer ses solutions. Et il y a beaucoup d’indices qui vont dans ce sens. Depuis quelques vendredis, la mobilisation monte en cadence. Le 4 octobre en particulier, le mouvement a pris de l’envergure, que ce soit dans la capitale ou dans de nombreuses autres régions du pays. Si les événements se poursuivent à ce rythme, et si l’ampleur revient à ce qu’elle était en février ou mars derniers, il est fort probable que l’institution militaire réponde favorablement aux revendications du peuple et ajourne le scrutin présidentiel », explique-t-il dans un entretien à Jeune Afrique.
Pour Djaballah aussi, la solution ne viendra que d’un dialogue sérieux. « À ce moment-là, dit-il, un dialogue souverain et global sera entamé, aboutissant à de vraies réformes politiques et des mécanismes effectifs qui puissent garantir une élection transparente ».