La tenue de l’élection présidentielle à la date prévue par le calendrier électoral, soit le 18 avril, est désormais très difficile, voire impossible, aussi bien du point de vue politique que pratique, au vu des derniers développements du mouvement de rejet du cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika.
Le pouvoir devrait acter le report dans les prochaines heures même si, officiellement, les membres de l’équipe de campagne électorale d’Abdelaziz Bouteflika poursuivaient aujourd’hui les préparatifs « normalement » pour la présidentielle mais ils semblent bien les seuls. Des annonces importantes sont attendues pour ce lundi soir.
La plupart des partis politiques ne faisant pas partie du gouvernement, notamment le PT, le MSP, le RCD et le FFS, ont appelé au report de l’élection et l’organisation d’une phase de transition pour permettre une décantation douce et sans dégâts de la situation.
Le renoncement de plusieurs noms importants à se porter candidats à l’élection, comme Abderrazak Makri et Ali Benflis, qui auraient été deux cautions de poids à la crédibilité du scrutin avaient déjà hypothéqué encore plus les chances de déroulement d’« élections normales ». Des acteurs de la société civile, dont l’association Rassemblement Action Jeunesse (Raj), auteur d’une initiative pour une sortie de crise ont fait la même proposition de report des élections.
La tenue de l’échéance électorale à la date initialement prévue devient un problème même pour les pro-Bouteflika. Les organisations de masse comme l’UGTA, les organisations estudiantines affiliées aux partis de l’alliance présidentielle, les organisations corporatistes, les associations d’anciens moudjahidines et de fils de chahids ont toutes, soit renoncé à soutenir Bouteflika dans sa candidature, soit perdu une grande partie de leurs membres. La centrale syndicale, auparavant un des plus importants points d’appui du pouvoir subit une véritable saignée. Des dizaines de sections syndicales ont annoncé leur opposition à la décision d’Abdelmadjid Sidi Said, SG de l’UGTA, de soutenir le cinquième mandat et beaucoup de ces sections locales ont même demandé le départ immédiat de celui-ci.
Le FLN, le RND, le MPA et TAJ subissent des centaines, voire plus, de défections avec des démissions de députés et d’élus locaux. Certains des élus de ces partis ont même annoncé leur adhésion au mouvement populaire de rejet du pouvoir.
Avec ces défections et changements de position dans les partis et organisations du pouvoir, il sera très compliqué pour l’alliance présidentielle de mener une campagne électorale et de rassembler des citoyens dans leurs meetings. Et à voir comment sont accueillis ministres et membres de l’équipe de campagne d’Abdelaziz Bouteflika dans les différentes wilayas où ils se sont rendus depuis le 22 février, il est évident que le déroulement de la campagne électorale en faveur de Bouteflika sera difficile pour ses promoteurs, voire dangereuse, tant le ressentiment qu’ont les Algériens pour les composantes du pouvoir est désormais grand et exprimé de façon concrète.
Sur le plan pratique, l’organisation de l’élection du 18 avril ne bénéficiera pas, comme c’est le cas d’habitude, de l’adhésion et de l’implication totale des autorités locales. Les maires RCD n’organiseront pas les élections, a annoncé le parti fondé par Said Sadi. D’autres partis de l’opposition, également favorables à un report des élections, pourraient prendre la même décision et ainsi paralyser les mairies, premier rouage dans la complexe machine électorale.
Même l’encadrement des élections par les juges n’est plus garanti. Des magistrats ont manifesté, pour la première fois depuis le début du mouvement populaire, à Béjaia pour dire non au cinquième mandat et exiger une réelle indépendance de la justice. Un des juges ayant pris part à la manifestation a clairement indiqué qu’il n’encadrerait pas les élections. Des informations parvenues à TSA font état de la création en cours du « Club des magistrats », un syndicat comptant un millier de magistrats « libres ». Si la création d’une telle organisation indépendante des magistrats algériens est confirmée dans les prochains jours et si elle adopte une position similaire à celles des avocats, déjà fortement actifs dans le mouvement de protestation, la tenue des élections le 18 avril avec la participation d’Abdelaziz Bouteflika sera compromise.