Politique

Présidentielle : que se passe-t-il chez les soutiens de Bouteflika ?

À 99%, Bouteflika sera candidat pour un cinquième mandat. C’est Ahmed Ouyahia qui le dit et, a priori, il n’y a pas de raison valable de douter de la parole du secrétaire général du RND, Premier ministre du même Bouteflika de surcroît.

Cela, si les jours qui ont suivi l’annonce par les partis de l’Alliance de leur choix pour la présidentielle à venir n’avaient pas apporté leur lot de supputations. Lesquelles supputations ont été suscitées d’abord par l’attitude des mêmes partis qui ont replongé énigmatiquement dans le silence où ils s’étaient confinés lorsque l’option du cinquième mandat n’était pas encore actée, puis attisées par les amabilités que s’échangent publiquement et au plus haut niveau ceux qui sont censés être dans la même tranchée puisqu’ils ont tous fait vœu de « continuité ».

Jeudi 31 janvier, soit deux jours avant de se rendre à la grand-messe prévue au siège du FLN où les quatre partis devaient afficher leur parfaite entente et annoncer de concert la candidature du président sortant, Ahmed Ouyahia avait pris le soin de solder d’abord ses comptes avec le vieux parti.

Devant les membres du conseil national du RND, réunis en session ordinaire à Zéralda, M. Ouyahia a consacré une bonne partie de son discours à ce qui s’était passé lors des élections pour le renouvellement partiel du Sénat, largement remportées par le frère ennemi. « Notre rassemblement sort de cette épreuve avec un goût amer et un sentiment d’indignation. L’amertume et l’indignation ne sont pas la conséquence de nos résultats à cette épreuve électorale. Ces sentiments découlent des dépassements enregistrés dans plusieurs wilayas et de la violence condamnable utilisée au niveau de certaines wilayas. En votre nom à tous je condamne ces dérives qui n’ont servi ni la démocratie, ni l’État de droit ».

Les observateurs s’étaient interrogés, à juste titre, sur le choix du timing pour émettre une telle complainte alors que le soir même du scrutin, le 29 décembre, le même Ouyahia déclarait, pourtant à chaud : « Nous ne sommes pas contents des résultats, mais nous les acceptons ».

Le chef du RND en rajoutera une couche en lançant cette phrase énigmatique : « À la veille de chaque scrutin, on fait des calculs sur notre compte. Personne ne peut voir en nous un parti d’opposition. Qu’ils nous relisent jour et nuit, ils ne peuvent pas nous classer comme des opposants. La seule raison de ces dépassements, c’est parce qu’on a peur de nous ». Plus énigmatique encore, la suppression de ce passage dans le texte intégral du discours mis en ligne par le parti.

À l’attaque frontale du chef du RND, le coordinateur provisoire du FLN ne répondra pas. Mais un autre membre du parti, qu’on dit très proche du cercle présidentiel, se chargera de le faire. Tayeb Louh, encore lui, a mis à profit la présentation sur la loi de lutte contre la corruption pour porter la contradiction publiquement à son chef hiérarchique au gouvernement puisque c’est sous la casquette du ministre de la Justice et dans un cadre solennel qu’il s’exprimait.

« Nul ne peut entraver le processus de lutte contre l’achat de consciences, aussi bien au sein du conseil de la Nation que dans toute autre élection. (…) La lutte contre la corruption, amorcée depuis des années, était plus intense lors des précédentes élections du conseil de la Nation, qui se sont déroulées dans le respect de la loi et en toute transparence. (…) Nul ne peut, par une déclaration ou une critique, entraver ces procédures ».

« Par une déclaration ou une critique », c’est bien Ahmed Ouyahia qui est de nouveau visé. Le spectacle d’un membre du gouvernement qui traîne le Premier ministre dans la boue est ahurissant et, intervenant dans un contexte pré-électoral plus que vaporeux, il peut bien cacher plus qu’une inimitié personnelle.

Lorsque Louh s’était attaqué une première fois au SG du RND, le 5 novembre, lui reprochant son prétendu rôle dans l’emprisonnement de cadres dans les années 1990 et ses mesures antisociales annulées par la suite par le président Bouteflika, beaucoup y avaient vu une tentative du cercle présidentiel de neutraliser un prétendant en force à la succession. Mais maintenant qu’Ouyahia s’est clairement positionné sur le cinquième mandat, on ne peut ne pas se demander ce qui pourrait bien expliquer ces tirs amis.

Publiquement du moins, on n’a rien vu ou entendu qui puisse être pris comme un signe de déloyauté d’Ouyahia ou de son parti. Qui a pu donc reprocher au RND de verser dans « l’opposition » et surtout, quel agissement ou action « en coulisses » a pu valoir au parti du Premier ministre de tels griefs et des attaques d’un ministre qu’on dit proche du cercle présidentiel ?

À quoi rime cette cacophonie alors qu’on annonce imminente la déclaration de candidature de Bouteflika, que tout ce beau monde, jusqu’à preuve du contraire, soutient avec force ? Bref, que se passe-t-il chez les partisans du président ?

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