Comme attendue, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, a officialisé sa candidature à l’élection présidentielle anticipée prévue le 7 septembre prochain en Algérie.
Malgré un faux suspense entretenu depuis l’annonce, le 20 avril dernier, de la décision de son parti de participer au scrutin présidentiel de septembre prochain, Louisa Hanoune a fini par être choisie par le Conseil national du PT, pour briguer la magistrature suprême.
Le choix n’est pas fortuit : Louisa Hanoune a été plébiscitée pour son « audace, son habileté politique, sa sagesse, son long souffle et son envergure politique autant sur la scène nationale que régionale et internationale », a égrené ce samedi 18 mai Ramdane Youssef Tazibt lors de la présentation de la candidate du parti au terme de la tenue du Conseil national.
Cette participation « n’est ni tactique, ni idéologique, mais stratégique », a assuré pour sa part Louisa Hanoune qui s’est dite « consciente du poids de la responsabilité au regard des multiples défis ».
Tout en reconnaissant la « situation politique difficile », elle considère toutefois, compte tenu du contexte géopolitique et des enjeux géostratégiques, que la prochaine échéance électorale est « décisive », un « mandat impératif qui dépasse le cadre électoral ».
Louisa Hanoune veut faire de la présidentielle un moment de « rupture »
C’est pourquoi, Louisa Hanoune entend relayer les « cris de ceux qui souffrent » et faire de l’élection présidentielle algérienne du 7 septembre un moment de « rupture ».
« Ça va être un combat pour la survie, l’existence de notre pays, pour son intégrité et bien entendu en intégrant la nécessité d’assécher tous les viviers de la détresse et du désespoir », expliquait-elle déjà récemment.
Militante au long cours, visage atypique du paysage politique nationale, Louisa Hanoune va probablement aborder à l’occasion de la prochaine échéance électorale un dernier challenge d’un parcours consacré au combat au service de l’Algérie, de la cause démocratique, des travailleurs, des femmes, des laissés-pour-compte et les voix marginales.
À 70 ans, âge de grande maturité politique, cette fille de paysans, née dans les montagnes de Jijel quelques mois seulement avant le déclenchement de la guerre d’indépendance, entend, au regard des enjeux de l’heure, faire du prochain rendez-vous électoral un moment de rupture avec un mode de gouvernance et des politiques qui ont montré leur limite.
« Personne ne peut nier que nous sommes arrivés à un point où il est absolument nécessaire et vital, surtout dans cette conjoncture mondiale et régionale avec les dangers dont elle est porteuse, de s’orienter vers une refondation politique, institutionnelle et constitutionnelle », soutient-elle.
« Une refondation politique, institutionnelle et constitutionnelle »
Cette ambition pour changer l’ordre politique établi, Louisa Hanoune le nourrit très tôt, à l’ère du parti unique et dans la clandestinité.
D’abord dans les années 1970 à l’université où elle suit des études en droit, puis au sein d’un groupe d’extrême gauche, l’OST (organisation socialiste des travailleurs).
Un engagement qui forgea sa conscience politique, mais qu’elle payera puisqu’elle sera emprisonnée durant les années 1980.
Femme politique aux convictions chevillées, de culture de gauche, sensible au sort des travailleurs et des femmes dont elle défend, avec une rare détermination, l’ « égalité en droits » avec les hommes, partisane de la promotion de la langue Tamazight, Louisa Hanoune fonde naturellement, après l’ouverture démocratique de 1989, en compagnie de ses camarades militants, le Parti des travailleurs.
Un parti auquel elle donnera une visibilité, notamment après sa participation au « contrat de Rome », rencontre organisée sous l’égide de la communauté de Sant’Egidio et visant à explorer une solution politique à la crise algérienne alors que le pays était plongé dans une violence inouïe, conséquence de l’arrêt du processus électoral de 1992.
Malgré les pressions d’un pouvoir qui était réfractaire à toute perspective démocratique, Louisa Hanoune continue de plaider la cause des « disparus » de la décennie noire et plaide l’élection d’une assemblée constituante.
Des revendications qu’elle défendra contre vents et marées et contre ses contempteurs. Alors qu’elle bouclait ses cinquante ans en 2004, Louisa Hanoune se lance pour la première fois dans la bataille électorale pour la présidentielle, devenant ainsi la première femme dans le monde arabe à participer à une telle élection.
Cette expérience lui confère une certaine envergure qui lui permet de s’attaquer avec une rare virulence à certains ministres ou aux orientations économiques du Gouvernement malgré sa proximité avec le défunt Abdelaziz Bouteflika, reproche dont elle ne s’est jamais encombrée.
D’ailleurs, l’histoire retiendra qu’elle a été en partie à l’origine du retrait en 2005 de la Loi controversée sur les hydrocarbures élaborée par Chakib Khelil et jugée favorable aux multinationales américaines.
Une vie politique jonchée de combats
Parmi ses autres faits d’armes : une guerre sans merci livrée à l’ « oligarchie », terme qu’elle utilise pour désigner une nouvelle caste de nouveaux riches et qui a fini par s’emparer des leviers du pouvoir après la maladie du président Bouteflika dès 2013.
Comme pour prouver à l’opinion ses soupçons sur la mainmise de forces extraconstitutionnelles sur le centre névralgique de la décision politique, Louisa Hanoune sollicite, en vain, en 2016, -une initiative prise avec Zohra Drif et d’autres acteurs dont des figures révolutionnaires-, une audience au président Bouteflika.
Pis, elle aura droit à une réaction violente et à des critiques acerbes, particulièrement des partis de l’alliance présidentielle. Mais loin de se laisser déstabiliser, Louisa Hanoune continue de défendre ses opinions et critique les choix économiques des exécutifs successifs, notamment ceux qu’elle juge défavorables aux travailleurs ou à l’orientation libérale.
À l’avènement du Hirak, en 2019, elle se retrouve naturellement du côté des millions d’Algériens réclamant un changement profond du mode de gouvernance.
Mais sa participation à une réunion « consultative » où étaient présents Mohamed Mediene, ex-patron du DRS et Said Bouteflika, le 27 mars 2019, destinée à explorer une issue à la crise, lui sera pourtant fatale.
Alors homme puissant du moment, l’ex-chef d’état-major, le défunt Gaid Salah décide de lancer des poursuites contre ceux qui ont participé à cette réunion.
Poursuivie pour les chefs d’inculpation d’atteinte à la sécurité de l’État et d’atteinte à la sécurité de l’armée, Louisa Hanoune est condamnée en première instance à 15 ans de prison ferme, puis à trois ans de prison dont neuf mois ferme, en deuxième instance.
Libérée en février 2020, celle dont l’emprisonnement a suscité un tollé international et une vague de solidarité, y compris parmi de grands dirigeants du monde, finit même par être acquittée après un pourvoi en cassation.
Cataloguée comme opposante, Louisa Hanoune sait aussi saisir parfois des opportunités pour prendre langue avec les dirigeants du moment, histoire d’exposer et de défendre sa vision, mais aussi pour défendre la cause des voix inaudibles.
Comme sa récente rencontre avec le président Abdelmadjid Tebboune auquel elle a demandé des « mesures d’apaisement » et la libération des détenus d’opinion.
Les Algériens lui accorderont-ils leur confiance en septembre prochain ? Difficile de se hasarder à quelques pronostics. Mais une chose demeure certaine : quelle que soit l’issue de l’élection, Louisa Hanoune, femme-courage, aura marqué de son empreinte la scène politique algérienne et le combat des femmes.
Une femme politique dont le sacrifie pour le parachèvement des valeurs de la révolution inspirera de nombreux militants. Une femme qui n’a jamais troqué ses convictions, comme elle l’a montré avec son soutien indéfectible à la cause palestinienne.
Présidentielles en Algérie : trois candidats en lice
À trois semaines de la convocation du corps électoral le 8 juin prochain pour la présidentielle du 7 septembre prochain, seuls trois candidats se sont lancés dans la course. Après Zoubida Assoul et Belkacem Sahali, c’est Louisa Hanoune qui a officialisé sa candidature pour le prochain scrutin.
Le président Tebboune, qui a écourté son mandat de trois mois pour des raisons techniques liées à l’organisation du scrutin, comme il l’a expliqué lui-même, n’a pas encore dit s’il briguera ou non un second mandat.
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