La campagne électorale est à mi-chemin mais elle tarde à démarrer véritablement. Une sorte de campagne à minima est en train d’être effectuée par les cinq postulants qui se contentent de rencontres dérobées au niveau local, loin de la population, le plus souvent tenues à l’écart par des dispositifs sécuritaires impressionnants.
L’illusion d’une campagne normale est entretenue sur les chaînes de télévision qui retransmettent parfois en direct les discours des candidats et passent sous silence toute l’agitation autour.
Mais une autre réalité est décrite sur les réseaux sociaux où foisonnent les images de candidats hués, chassés, encerclés, de salles clairsemées, de panneaux d’affichage désespérément vides, quand ils ne portent pas les portraits des détenus d’opinion…
Un journaliste qui accompagne un candidat est formel : dans les dix wilayas sillonnées depuis le début de la campagne, le 17 novembre, y compris dans les régions de l’intérieur du pays et au Sud, aucune affiche de campagne n’est visible sur les espaces réservés à cet effet.
La tension qui entoure la campagne est du reste trahie par le nombre impressionnant de personnes arrêtées en une semaine. Le nombre d’arrestations a augmenté de façon vertigineuse depuis le début de la campagne. Les interpellations ont lieu en marge des meetings électoraux ou au cours des rassemblements nocturnes improvisés depuis le début de la campagne.
Quasiment à chaque activité des candidats, des jeunes sont embarqués par la police, parfois par dizaines. Il est vrai que la majorité des personnes arrêtées finissent souvent par être relâchées en fin de journée, mais pas toutes. Des incarcérations sont prononcées et parfois des condamnations, comme ce fut le cas à Tlemcen et El Oued où des jeunes qui ont tenté de chahuter des rencontres du candidat Ali Benflis ont été écopés de lourdes peines de prison avec une célérité inhabituelle.
« A défaut d’une campagne électorale, on assiste à une campagne d’arrestations », ironisaient les manifestants vendredi dernier au cours du quarantième acte du hirak populaire. Ceux qui ont tablé sur une campagne normale se rendent compte chaque jour davantage qu’il sera difficile de sauver même les formes.
Dans certaines wilayas, comme Bejaia et Tizi Ouzou, on se dirige vers un « zéro vote » historique. Les maires ont rejoint la population dans son rejet du scrutin, des sièges de daïras sont murés et le pouvoir semble résigné à tenir l’élection sans cette région importante.
Le constat qui est fait jusque-là est que la contestation et l’opposition à l’élection ne s’estompent à mesure qu’avance la campagne. Devant la multiplication des arrestations et des condamnations, le CNLD vient de lancer un appel à une grève générale ce jeudi 28 novembre pour « exiger la libération de tous les détenus de la révolution et l’arrêt immédiat de cette répression judiciaire ».
Parallèlement, le hirak populaire ne désarme pas et la mobilisation lors des marches hebdomadaires se renforce elle aussi à mesure qu’approche le rendez-vous électoral.