Le scrutin du 12 décembre s’est tenu dans un contexte d’abstention et de contestation sans précédent. Qu’en avez-vous tiré comme enseignement ?
Louisa Dris-Ait Hamadaouche, politologue. L’élection présidentielle est une victoire technique mais une défaite politique. Les conditions dans lesquelles elle s’est tenue ne sont pas celles d’un scrutin susceptible de résoudre la crise de confiance, qui manifestement, s’est aggravée ces derniers mois. La sagesse voudrait que les leçons soient tirées des mesures que les pouvoirs publics ont prises jusqu’à présent afin de dessiner les pistes d’une véritable solution politique.
Pensez-vous que le peuple a dit son dernier mot concernant cette élection qu’il a rejetée massivement ?
La population qui a rejeté l’élection présidentielle a en fait continué à revendiquer ce qu’elle demande depuis le 22 février, à savoir un changement politique profond. Elle va vraisemblablement continuer à le faire. Cette contestation est non seulement nourrie par l’absence de réponses à ses revendications, mais aussi par les mesures répressives qui sont vécues comme une injustice intolérable dans un pays qui revendique la liberté comme principe fondateur de l’État.
Quelle légitimité pour le président-élu ?
Le contexte dans lequel s’est déroulée cette élection est extrêmement pénalisante en termes de légitimité. La légitimité de Abdelmadjid Tebboune en tant que président est non seulement à construire mais il devra aussi déconstruire le processus qui l’a mené à sa nouvelle fonction. C’est un double défi.
Tebboune a dit tendre la main au Hirak. Quelle chance “cette main tendue” saura-t-elle être acceptée par une rue de plus en plus méfiante ?
Les chances de réussite dépendent de sa volonté et sa capacité à ne pas répéter les mêmes choix faits dans un passé récent. Si dans cette “main tendue” il y a des détenus d’opinion en prison, des arrestations, la violence des forces de l’ordre, des médias fermés, des activités politiques empêchées, le résultat est connu d’avance. Les mêmes causes conduisant aux mêmes effets. Dans le cas contraire, ce n’est pas le soulèvement populaire qui s’opposera à une véritable solution politique puisqu’il la réclame depuis le 22 février.