Même si tout semble indiquer qu’on se dirige vers une autre élection présidentielle morne et sans intérêt, c’est-à-dire sans aucune concurrence sérieuse pour le président Bouteflika, d’autres scénarios ne sont toutefois pas à exclure. D’autant plus que, à sept mois de l’échéance, le principal concerné ne s’est pas encore prononcé malgré les incessants appels à « la continuité » de ses soutiens traditionnels.
Certes, cela n’a rien de nouveau ni d’exceptionnel. Bouteflika a fait quatre mandats à la tête du pays et on sait maintenant qu’il n’est pas de ses habitudes de faire acte de candidature plusieurs mois avant le scrutin. Mais tant qu’il n’a pas franchement fait part de ses intentions, un scénario autre que celui auquel tout le monde s’attend pourrait survenir.
Le plus catastrophique pour le « système », c’est sans doute de voir le président jeter l’éponge pour raisons de santé. Organiser la succession dans l’urgence et la précipitation n’est pas sans risques pour la cohésion des différents centres de décision, voire pour la stabilité du pays. Néanmoins, une telle éventualité n’a que d’infimes chances de se produire et ce, pour deux raisons qui paraissent évidentes. D’abord rien n’indique que l’état de santé du président est pire que ce qu’il était en 2014. Ensuite, si Bouteflika avait réellement senti qu’il ne pouvait plus continuer à cause de ses soucis de santé, il aurait organisé lui-même sa propre succession, en adoubant un candidat dès maintenant, voire depuis plusieurs mois.
Toujours en lien avec son état de santé, le président pourrait aussi « partager la poire en deux » en prolongeant son mandat actuel d’une année ou deux avant d’organiser une élection à laquelle il ne sera pas candidat. L’éventualité est évoquée par de nombreux analystes et de précédents propos du secrétaire général du FLN avaient été interprétés comme le prélude à l’annonce de la prolongation de l’actuel mandat. « J’ai appelé à la continuité, pas au cinquième mandat », avait énigmatiquement déclaré Djamel Ould Abbès à la mi-avril dernier, soit deux semaines après avoir lancé pour la première fois son appel au président Bouteflika pour « poursuivre son œuvre ».
La continuité sans cinquième mandat ne peut en effet signifier qu’une chose : que le président reste en place après l’expiration du quinquennat actuel, sans élection. Soit pour une période de transition d’une ou deux années. Or, c’est là un mot qui fâche. Au sein du pouvoir, et on l’a signifié plus d’une fois à l’opposition qui a formulé l’idée, on ne veut pas entendre parler de période de transition, synonyme d’instabilité et de crise. Du reste, nul ne peut aujourd’hui prophétiser sur l’issue d’une telle brèche si elle venait à être ouverte.
Reste l’option d’une révision constitutionnelle avant l’élection présidentielle d’avril prochain. L’idée aurait même fait son petit chemin dans les centres de décision, ont confié à TSA des sources crédibles.
Le principal amendement porterait sur l’élection de deux vice-présidents au même temps que le président de la République. Chaque candidat à la présidentielle aura donc deux colistiers. Forts de leur élection dans un même ticket que le chef de l’Etat, les deux vice-présidents auront de larges prérogatives. Un sera chargé des affaires intérieures (économiques et autres) et un autre de la diplomatie, précise-t-on.
En déterrant un vieux projet qui remonte au troisième mandat, les promoteurs de l’idée comptent faire d’une pierre, deux coups, voire plus. Dans l’immédiat, cela permettra de faire accepter l’option du cinquième mandat à l’opinion publique et aux partenaires étrangers du pays, jusque-là sceptiques à cause de tout ce qui se dit sur l’état de santé du président. Les critiques qui ont ciblé celui-ci au cours de ce mandat qui s’achève portaient principalement sur son manque d’activité diplomatique, son absence sur le terrain et son incapacité à réunir régulièrement le Conseil des ministres pour trancher des questions de première importance. Avec la présence de deux vice-présidents aux prérogatives actées dans la constitution, c’est tout l’Etat qui retrouvera un fonctionnement normal et plus personne ne soulèvera cette question de vacance du pouvoir. Quant au président, il sera confiné à un rôle d’arbitre suprême. Autrement dit, le dernier mot lui reviendra sur toutes les questions.
Au-delà de ces considérations, l’idée cache une autre visée. Celle de régler d’ores et déjà la succession au cas où, pour une raison ou une autre, le chef de l’État viendrait à écourter son prochain mandat.