L’Algérie s’est dotée d’une nouvelle loi sur l’information qui régit le travail de la presse, la deuxième en moins de trois ans. Le texte présenté par le gouvernement a été adopté fin mars par l’Assemblée populaire nationale et a eu ce jeudi 13 avril, le quitus du Conseil de la Nation.
Les deux chambres ont approuvé le texte presque intégralement, tel qu’il a été présenté par l’exécutif, si l’on excepte quelques amendements qui ne touchent pas au fond. La disposition empêchant les binationaux de créer des médias en Algérie a été maintenue.
La loi s’ajoutera à l’arsenal législatif qui régit le secteur de l’information en Algérie. Pour le ministre de la Communication, Mohamed Bouslimani, elle contribuera à renforcer la liberté d’expression et le libre exercice du métier de journaliste, conformément à la Constitution et aux engagements pris par l’Algérie à travers les traités internationaux ratifiés. Elle est aussi destinée à distinguer les vrais médias des réseaux sociaux.
Cette interprétation de la teneur du nouveau texte n’est toutefois pas partagée par tous les observateurs et professionnels alors que de nombreux médias sont écrasés par les difficultés financières en raison du tarissement de la publicité. La loi en cours de promulgation est diversement interprétée.
La pléthore des textes régissant le secteur traduit les évolutions rapides des médias et de leur environnement, avec l’avènement notamment des réseaux sociaux, et leur impact sur l’exercice du métier, la place de la presse dans la société et sa relation avec le pouvoir en place.
Comme tous les textes adoptés ces dernières années, la nouvelle loi est présentée par le gouvernement comme un nouveau gage pour le respect des libertés, en l’occurrence celle de la presse, et le renforcement de la démocratie.
Néanmoins, certaines de ses dispositions sont très critiquées et vues, au contraire, comme des freins supplémentaires au libre exercice du métier de journaliste. Particulièrement celle qui fait obligation au journaliste de divulguer ses sources lorsque la justice le lui ordonne, sans exception.
La protection des sources est un des fondements de la liberté de la presse et constitue autant un droit qu’un devoir pour les journalistes, du reste tenus de s’y conformer par l’éthique et la déontologie.
Remettre en cause ce principe c’est porter atteinte au droit du citoyen à l’information, puisque sans garantie de l’anonymat, les sources et lanceurs d’alerte éviteront légitimement de livrer des informations à la presse par crainte de représailles. Aller dans cette voie, c’est contraindre la société à se contenter de la seule communication officielle, estime-t-on.
Presse algérienne : espoir d’une remise en ordre et crainte de nouvelles restrictions
Les dispositions relatives à la diffamation risquent aussi de donner lieu à des abus. Le gouvernement lui-même reconnaît que parmi les objectifs du texte, trouver un « équilibre entre la liberté et la responsabilité ». La notion de « responsabilité », estiment encore certains professionnels, est trop vague.
Comme il est aisé de le constater, les restrictions sur la liberté de la presse et le syndrome de la « peur d’aller à El Harrach » qui a atteint des journalistes ont fait le bonheur ces dernières années de sites internet et de pages sur les réseaux sociaux offshore.
Des activistes basés à l’étranger font parfois plus d’audience que des médias légaux domiciliés en Algérie et développent un contenu sur lequel les autorités n’ont aucun contrôle. Le risque de restrictions supplémentaires est de renforcer cette tendance et laisser l’opinion nationale à la merci de « l’informel ».
Le nouveau texte vise aussi à distinguer entre les médias et les réseaux sociaux d’une part et entre les journalistes et les internautes d’autre part.
Il s’agit pour les autorités de tracer une limite limpide entre le journaliste et l’internaute qui publie sur les réseaux sociaux. La confusion des genres a été préjudiciable ces dernières années et pour le pouvoir et pour les professionnels de la presse.
Le vide juridique n’est profitable à personne, comme le montrent plusieurs cas enregistrés dans l’Algérie de l’après-Hirak.
Certains ont enfilé la qualité de journaliste pour s’adonner à des activités politiques et même parfois délictuelles, comme le chantage aux opérateurs économiques, et de vrais journalistes ont été condamnés par la justice à de la prison ferme pour des publications sur les réseaux sociaux, comme le journaliste du défunt quotidien Liberté, Rabah Karèche.
Il était temps de mettre fin à la confusion et le nouveau texte pourrait remettre de l’ordre dans la profession, pour peu que l’administration n’abuse pas de son pouvoir exclusif de délivrer les agréments et autres accréditations pour exclure de l’exercice légal du métier ceux qui sont politiquement indésirables.