Le méga-procès n’a pas eu lieu, le grand déballage attendu non plus. Ce n’est peut-être que partie remise. Prévu ce lundi 2 décembre au tribunal de Sidi M’hamed, le procès des deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, de quatre hommes d’affaires (Ali Haddad, Hassan Larbaoui, Ahmed Mazouz et Mohamed Bairi) et plusieurs autres hauts responsables, dont quatre anciens ministres, a été reporté pour après-demain, mercredi 4 décembre.
Le report a été décidé à la demande de la défense qui a jugé les conditions inadéquates pour la tenue des audiences dans la sérénité. Une grande pagaille a en effet régné devant la salle d’audience où des dizaines de citoyens et de journalistes se sont tassés dès le début de la matinée dans l’espoir d’assister à ce procès unique dans les annales et que les autorités avaient annoncé qu’il serait public et ouvert à tous.
Pas plus tard qu’hier, dimanche, le ministre de la Justice répétait que tout est fin prêt pour la tenue du procès et que les citoyens pourront y assister. « Les audiences du tribunal seront ouvertes aux citoyens mais ne seront pas retransmises sur les chaînes de télévision, et toutes les mesures réglementaires et sécuritaires ont été prises pour assurer le bon déroulement des procès », a indiqué Belkacem Zeghmati en marge de l’installation du nouveau directeur de l’administration pénitentiaire.
Commander c’est prévoir, dit-on, et il est incompréhensible que les autorités n’aient pas anticipé une très forte affluence au vu de l’engouement perceptible chez l’opinion à cause notamment des fonctions occupées par le passé par les prévenus. En tout cas, Zeghmati n’a pas tenu sa promesse.
Dès les premières heures de la matinée, les alentours du tribunal de la rue Abane-Ramdane étaient noirs de monde. La foule accède à l’intérieur au compte gouttes.
Le hall du premier étage, où se trouve la salle d’audience, affiche complet dès 9h30. Peu avant dix heures, les prévenus sont acheminés de la prison d’El Harrach dans les paniers à salade de l’administration pénitentiaire.
La foule scande les slogans habituels du hirak mais ne s’approche pas du cortège, dissuadée par l’imposant dispositif de sécurité déployé.
Les prévenus resteront au sous-sol jusqu’après 11h. La police mettra plus d’une heure pour créer un passage au milieu de la foule entassée dans le hall. Les bousculades se multiplient, les protestations aussi. Les plus furieux sont les journalistes, venus nombreux.
Vers 10h30, ils demandent à rencontrer le procureur général, en vain. Devant le bureau de ce dernier, ils scandent des slogans en faveur de la liberté de la presse, rappellent au ministre de la Justice sa promesse d’un procès public
Mais aucun d’entre eux ne verra la salle d’audience ouverte uniquement aux juges et aux avocats. Et aux prévenus bien entendu. Ces derniers, « au complet » selon un avocat de la défense, sont entrés dans la salle dissimulés derrière une cloison improvisée en contre-plaqués.
Mais ils n’y resteront pas longtemps, juste le temps d’entendre le juge prononcer le report de l’audience au 4 décembre. Ils sortiront de la même manière, c’est-à-dire à l’abri des regards.
Du reste, il a été signifié à tout le monde qu’il est strictement interdit de filmer. Des agents en civil repèrent le moindre flash et demandent courtoisement aux contrevenants d’effacer les photos et vidéos dérobées.
Après le départ des accusés et des juges, les journalistes ont pu accéder à la salle d’audience où ils tombent sur une autre grosse anomalie : la salle est exiguë et c’est à peine si elle peut contenir la cinquantaine d’accusés, entre personnes physiques et morales, et le collectif de défense constitué d’une centaine d’avocats. Si l’audience de ce mercredi est programmée sur les mêmes lieux, on risque d’assister à la même pagaille et sans doute à la même issue.
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