Me Benissad, vous avez fait partie du collectif d’avocats ayant plaidé dans le procès de Saïd Bouteflika, Tartag, Toufik et Louisa Hanoune. Quels ont été les temps forts de ce procès tant attendu par l’opinion ?
Me Noureddine Benisssad, président de la LADDH : Les temps forts pour moi ont été incontestablement les plaidoiries de tous mes consœurs et confrères, qui, tour à tour, ont démonté aussi bien sur la forme que sur le fond les chefs d’inculpation d’attentat, de complot et d’atteinte à l’autorité d’un commandant d’une formation militaire, retenus contre les prévenus.
Après, ce que je retiens des débats du procès, c’est la déliquescence des institutions en ce sens qu’on était plus dans la gestion du pouvoir, de la guerre des clans, de la distribution de la rente politique que de la gestion des affaires publiques et de l’intérêt du pays et de son peuple. Il y a eu aussi des non-dits, des secrets qu’on ne saura peut-être jamais.
Mme Louisa Hanoune a été condamnée à 3 ans de prison dont 9 mois ferme. Elle retrouve la liberté après avoir purgé les 9 mois. Quel est votre sentiment en tant que membre du collectif de sa défense ?
Mon sentiment, à l’évidence, en tant qu’avocat de Louisa Hanoune, bien entendu aux côtés d’autres, est que les arguments de droit soutenus en sa faveur ont servi à quelque chose. Ensuite, en tant que militant des droits de l’Homme, je ne peux qu’être heureux à chaque fois qu’une personne innocente soit remise en liberté et a fortiori lorsque cette personne n’a fait qu’exercer ses droits fondamentaux, celui d’activer politiquement de manière libre, de participer aux affaires publiques de son pays et d’exprimer pacifiquement une opinion politique.
Quel était l’état d’esprit de Mme Hanoune durant le procès ?
Louisa Hanoune, malgré les 9 mois passés en prison et donc de ses séquelles quand on a le sentiment d’avoir été victime d’une grande injustice, avait le moral, était très bien concentrée et d’ailleurs elle s’est très bien défendue pendant les interrogatoires du juge et du procureur et le dernier mot clôturant les débats.
Sur quoi vous, en tant que collectif, avez axé vos plaidoiries ?
Nous avons dit, sans rentrer dans les détails, que Louisa Hanoune en tant que présidente d’un parti, n’a fait que proposer une démarche politique, à savoir l’élection d’une Assemblée constituante comme voie salutaire pour sortir de la crise.
Est-ce que cela constitue un crime ? Évidemment non, elle n’a pas dit plus ou moins que toutes les propositions qui étaient exposées sur la place publique par différents acteurs politiques, de la société civile et du hirak.
Que pensez-vous du plaidoyer que beaucoup d’observateurs et d’avocats ont qualifié d’inédit de l’adjoint du Procureur du tribunal de Sidi M’hamed qui a requis la relaxe pour les détenus du drapeau amazigh et fait un plaidoyer pour l’indépendance de la justice ?
Ça devrait être la règle dans un État de droit et d’une justice indépendante du pouvoir politique et même d’autres puissances.
A chaque fois qu’un dossier est vide, le procureur qui représente la société doit requérir la relaxe. C’est l’essence même de la justice qui est la garantie des libertés face aux différents abus.
Les garanties statutaires doivent suivre notamment en donnant un statut de juge indépendant au procureur au même titre que le juge du siège et couper le cordon ombilical qui fait que le parquet soit hiérarchiquement dépendant de la chancellerie.
Évidemment, les réformes profondes doivent être entreprises pour donner un sens à l’indépendance de la justice. Ceci étant, l’indépendance de la justice est intimement liée à la séparation et l’équilibre des pouvoirs et plus simplement au degré de démocratisation d’une société. C’est de la poudre de perlimpinpin que de faire croire aux Algériens que la justice peut être indépendante dans un système autoritaire.