Politique

Procès Tahkout : chiffres hallucinants et ligne de défense déroutante

Depuis lundi 6 juillet, les activités du roi du transport universitaire Mahieddine Tahkout, et accessoirement assembleur de voitures, sont décortiquées sous toutes leurs facettes.

Les juges du tribunal de Sidi M’hamed (Alger) ont tenté de comprendre comment Mahieddine Tahkout, qui a débuté comme simple commerçant avec son père, d’après ses propres dires à la barre, dans la bourgade qu’était Réghaïa dans les années 1970, est monté en flèche pour se retrouver à la tête d’un empire, jusqu’à causer un préjudice de 300 milliards de dinars (30 000 milliards de centimes) au Trésor public, selon l’acte d’accusation.

L’objet du procès est précisément de savoir si oui ou non les anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal ainsi que tous les ministres et anciens fonctionnaires appelés à la barre ont illégalement aidé Tahkout, ses frères et son fils dans l’obtention de marchés publics, essentiellement des lignes de transport universitaire, et la mise en place à Tiaret de l’usine d’assemblage de véhicules de la marque sud-coréenne Hyundai.

Le premier jour du procès a été marqué par les dénégations des responsables impliqués, dont Ouyahia qui a toujours été considéré dans l’imaginaire populaire comme l’associé caché de Tahkout.

Bien sûr, aucune preuve n’a été apportée dans ce sens. Mais Ouyahia n’était pas à la barre pour ça. Il est soupçonné d’avoir privilégié, du temps où il était Premier ministre, l’homme d’affaire et prié de justifier l’origine des fonds qui ont laissé des traces dans ses comptes.

Comme lors des précédents procès, et à l’instar de ses coaccusés, Ahmed Ouyahia a répété qu’il n’a fait qu’exécuter une politique publique et qu’il a toujours agi dans le respect de la réglementation. Sa réponse à propos de ses avoirs laisse toutefois perplexe : c’est la raison d’État qui l’aurait incité à ne pas déclarer une somme en sa possession.

L’ancien Premier ministre révèle au passage qu’il souffrait d’un cancer. Sellal aussi nie tout en bloc, de même que les ministres Amar Ghoul, Youcef Yousfi et Abdelghani Zaâlane.

Quand Tahkout accuse Ouyahia !

La fortune de Tahkout a en effet de quoi interpeller. L’homme possède une flotte de bus assurant le transport universitaire à Alger et dans de nombreuses wilayas. Il loue également ses bus aux entreprises publiques de transport urbain dans les grandes villes. Pour 16 000 Da la journée, a-t-on entendu à l’audience. L’affaire est plus que juteuse.

Depuis 2015, le groupe familial est propriétaire d’une usine de montage de véhicules de la marque Hundai, représentée précédemment par le groupe Cevital d’Issad Rebrab. L’usine devait produire, en vertu du cahier des charges, 100 000 véhicules par an.

Tahkout Mahieddine a été entendu au deuxième jour du procès. D’emblée, il balaie le mythe d’une fortune acquise du jour au lendemain. De son parcours qu’il retrace à la barre, il ressort qu’il a commencé à travailler avec son père dans le commerce à Réghaïa, dans la périphérie d’Alger, dans les années 1970, avant de monter une petite fabrique de chaussures, puis une usine de pièces de rechange qu’il livrait, dit-il, même à la SNVI, le fleuron de l’industrie mécanique algérienne. Puis une régie de transport et enfin une usine de montage de voitures.

Il assure être blanc comme neige et se dit victime de hogra. De la part de qui ? La réponse est inattendue : Ahmed Ouyahia, son supposé protecteur, est accusé par Tahkout en personne de lui avoir mis les bâtons dans les roues.

L’homme d’affaire nie aussi avoir bénéficié d’un crédit de 27 000 milliards de centimes, défiant quiconque pouvant en apporter la preuve. Il assure même qu’il n’a pas obtenu un centime de crédit et que ses investissements ont été faits sur ses fonds propres.

Son fils Bilal pousse un peu plus loin le bouchon et tente de faire croire qu’il ne possédait même pas de toit et qu’il logeait chez son père…

Les dénégations des Tahkout père, frères et fils et des anciens hauts responsables de l’État n’ont pas empêché le procureur de requérir de lourdes peines, avec saisie des biens des uns et des autres.

Entre 10 et 16 ans de prison pour les Tahkout avec saisie de leurs biens, 15 ans pour Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, 10 ans pour les anciens ministres Yousfi, Ghoul et Zaâlane et 20 autres années pour l’insaisissable Abdeslam Bouchouareb, toujours en fuite.

 

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