Le projet de loi sur le cinéma, qui a été présenté le 20 février dernier, devant le conseil des ministres, suscite des réactions de la part des acteurs et des cinéastes algériens comme Malek Bensmaïl.
Lors de la présentation du texte devant le Conseil des ministres, le président de la République a demandé l’enrichissement du texte à travers des assises incluant les professionnels à l’intérieur et à l’extérieur du pays, en tenant compte de plusieurs aspects, notamment la prise en charge sociale des artistes, le financement des œuvres cinématographiques…
Dans le cadre de la concertation pour l’enrichissement du texte, le cinéaste algérien Malek Bensmail, membre de l’Académie des Oscars, exprime quelques critiques et apporte des propositions.
Dans sa contribution adressée à TSA, le cinéaste se dit d’emblée « frappé » par le caractère « vague, liberticide, voire punitif » de certaines dispositions du texte qui prévoient jusqu’à 3 ans de prison pour les auteurs des « films qui dérangent ».
Or, souligne-t-il, le cinéma est censé être le miroir qui reflète toute la société « sans tabous ». Le texte, tel qu’il a été présenté jusque-là, n’apporte pas de nouveautés, sinon « des restrictions et un réquisitoire qui vont faire fuir tous les cinéastes ».
Malek Bensmaïl estime que la proposition de loi aurait dû être précédée d’une réflexion politique sur « ce que peut devenir le cinéma algérien » et remettre le spectateur au centre de la question.
Il faut initier d’abord les plus jeunes au cinéma qui doit être introduit dans tous les cycles scolaires, depuis la maternelle, afin d’ « aiguiser le regard des enfants et de la jeunesse algérienne sur le monde des images ».
Le cinéaste propose la création de deux ou trois écoles post-bac « importantes et solides », devant accueillir des professionnels du monde entier. Il préconise aussi d’accorder une importance au coaching des comédiens et leur apprentissage des langues étrangères, ce qui leur permettra de prendre part à des productions internationales.
Relance du cinéma algérien : ce que propose Malek Bensmaïl
En trois ans de formation, l’Algérie pourra disposer de la première promotion d’acteurs et de techniciens talentueux qui viendront renforcer les équipes déjà en place, estime le cinéaste algérien.
Malek Bensmaïl appelle aussi à la conjugaison des efforts, estimant que le renouveau du cinéma algérien passe par l’apport de tous les ministères concernés de près ou de loin (culture, finances, éducation, enseignement supérieur, travail, formation…).
Plutôt que d’être mis sous la responsabilité directe du ministère de la Culture, Malek Bensmaïl suggère que le cinéma soit régulé par un centre national dédié et unique. Et c’est au sein de ce centre que devront être installés des fonds de soutien à chacune des catégories de films.
Toujours dans le financement, Malek Bensmaïl émet l’idée d’imposer aux chaînes de télévision d’investir, sous forme de co-production ou de pré-achat, dans les films dès l’approbation du scénario par la commission de lecture, et d’autre part, de mettre en place des incitations aux hommes d’affaires et industriels pour soutenir la production cinématographique.
L’Algérie doit financer elle-même ses films et la coproduction doit uniquement aider à « boucler » les financements, estime-t-il.
Le cinéaste préconise en outre de mettre en place des fonds régionaux dans toutes les wilayas, d’alléger la bureaucratie, faciliter les autorisations, les visas d’exploitations, l’importation des films et l’entrée des équipes étrangères.
Il trouve par ailleurs totalement inadéquates certaines dispositions du projet de loi tel que présenté dans sa première mouture, comme le fait d’imposer à un producteur la limite d’un seul projet déposé en commission chaque cinq ans, ou de lui imposer de posséder 60% de trésorerie pour recevoir la première tranche du fonds de soutien.
Malek Bensmaïl estime que cela est « absurde dans un pays où la production n’est pas florissante » et risque de tuer dans l’œuf les jeunes producteurs qui souhaiteraient se lancer dans le métier.
Pour Malek Bensmaïl, c’est par des incitations et des lois positives « et non des lois liberticides », que sera réellement relancé le cinéma algérien.
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