Les souscripteurs aux projets immobiliers de Kamel Chiki dit « El Bouchi », le principal accusé dans l’affaire de la cocaïne saisie à Oran, vont-ils subir le même sort que les clients de Khalifa Bank ?
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Ils seraient des dizaines de clients, constitués en groupes distincts avec des avocats différents, à avoir lancé des procédures judiciaires, selon Ennahar. Les acheteurs des appartements toujours en chantier ont, pour la plupart, versé la somme de 30 millions de dinars, soit 40 à 50% du prix global des appartements situés dans les quartiers de Bir Mourad Raïs, les Sources, Aïn Benian, Hydra, Kouba et El Achour, à Alger, selon la même source.
Procédures judiciaires
Les concernés ont aussitôt proposé, après le gel des projets immobiliers de Chikhi par les services de la wilaya d’Alger, la nomination d’un liquidateur ou d’un gestionnaire désigné par le Trésor public. En tout, 22 projets immobiliers seraient concernés.
Douze personnes ont été inculpées dans deux affaires de trafic d’influence liées aux activités immobilières de Kamel Chikhi, selon le ministre de la Justice et garde des sceaux Tayeb Louh. Le même promoteur fait l’objet d’une enquête le blanchiment d’argent, a révélé le ministre lundi dernier au cours d’une conférence de presse.
Blanchiment d’argent
Les souscripteurs aux projets immobiliers de Chkihi n’ont qu’à croiser les doigts et faire confiance à la justice car s’ « il est établi que l’argent blanchi est à l’origine de ces constructions la vente est compromise », prévient maître Farouk Ksentini, dans une déclaration à TSA, ce samedi.
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Maître Ksentini assure : « Si l’origine des fonds mis en mouvement par le promoteur provenant est délictuel, le contrat de vente ne peut être réalisé et les souscripteurs pourraient malheureusement perdre l’argent qu’ils ont déjà versé ».
« Et puis par qui seront-ils remboursés », s’interroge-t-il avant d’expliquer que dans la loi « s’il est prouvé que l’intéressé est impliqué dans l’affaire des 701 kg de cocaïne, c’est tous ses biens qui feront l’objet d’une mesure de confiscation ».
« Il aura une peine d’amende astronomique. Ces biens seront vendus aux enchères au profit du Trésor public, car c’est de la confiscation et n’ont pas de saisie comme pour un créancier ordinaire. Et c’est au Trésor public de décider s’il est utile de vendre ces biens aux enchères. Mais leur propriété est automatiquement transférée au Trésor public. Les souscripteurs se retrouveront ainsi dans un cas de figure extrêmement compliqué et préjudiciable », détaille maître Ksentini.
Sommes-nous face à une affaire Khalifa bis ?
Pour cet avocat, « il y a une différence avec l’affaire Khalifa Bank. Celle-ci était une banque qui avait un agrément. C’est la raison pour laquelle les clients de Khalifa Bank ont été remboursés. Ce n’est pas le cas pour les promotions immobilières » d’El Bouchi.
Pour un autre avocat, « Il faut avoir tous les éléments pour pouvoir se prononcer ».
La différence avec Khalifa Bank est que celle-ci est régie par la loi sur les banques qui stipule que « lorsque une banque est en faillite, les clients sont remboursés jusqu’à 600.000 DA. Et les biens de la banque sont saisis et vendus pour être répartis sur les clients », précise l’avocat. Pour l’affaire d’El Bouchi « c’est la confusion totale», avoue-t-il.
En 2003, le scandale Khalifa éclate et la banque qui porte le même nom, fait faillite. De nombreux clients, qui y ont déposé leur argent, n’ont pas été remboursés.
Il est difficile de répondre aux inquiétudes des souscripteurs « si on a pas tous les éléments sur la société. Est-elle une société par actions ? Est-ce une société à responsabilité limitée ? Ces paramètres sont indispensables pour pouvoir se prononcer sur le remboursement des souscripteurs », ajoute-t-il.
Il concède qu’il est difficile de parler de remboursement si « l’accusé n’est pas solvable. » « C’est une affaire commerciale. Ils ont le droit de citer la personne ou la société devant justice pour demander à être rembourser. Mais là, on parle de la procédure à suivre car c’est l’exécution d’un jugement qui pose problème. Une fois la décision est définitive cela devient un problème d’exécution puisqu’il faut s’assurer que la personne condamnée est solvable. La justice leur donnera leur droit sur papier encore une fois. Mais pour l’exécution c’est autre affaire », explique-t-il, ajoutant justement qu’ « avant de signer un contrat il faut réfléchir aux garanties. Ce volet ce pose avec insistance dans cette affaire ».
La question de savoir si la promotion immobilière d’El Bouchi figure dans la liste du Fonds de garantie et de caution mutuelle de la promotion immobilière (FGCMPI) demeure en suspens. « Dans le cas où la promotion a souscrit à une assurance, la Caisse de garantie se porte garante pour rembourser les clients. Mais je doute fort car l’escroquerie débute souvent à cette étape. Il y a plus de questions que de réponses », estime l’avocat, qui veut garder l’anonymat.
Que dit la loi sur la promotion immobilière ?
Dans la loi 11-04 sur la promotion immobilière, il est bien indiqué que « le promoteur immobilier qui entreprend la réalisation d’un projet immobilier en vue de sa vente avant son achèvement, est tenu de souscrire une garantie de promotion immobilière auprès du Fonds ».
Dans la demande de garantie figure le numéro d’agrément, du registre du commerce, l’intitulé du projet, la composition du projet, ainsi que sa destination. Il est aussi précisé la localisation du projet et le financement prévisionnel du projet.
Dans le chapitre des sanctions pénales, la loi n°11 -04 fixant les règles régissant l’activité de promotion immobilière dispose dans son article 47 : « Tout promoteur immobilier qui ne souscrit pas aux assurances et garanties prévues par les dispositions de l’article 55 de la présente loi est puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de deux cent mille dinars (200.000 DA) à deux millions de dinars (2.000.000 DA) ».
L’article 75 dispose que « quiconque, dans le cadre ou à l’occasion d’une opération de promotion immobilière, porte volontairement des indications inexactes et incomplètes dans les documents, actes et contrats auxquels elle donne lieu, est puni d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende de deux cent mille dinars (200.000 DA) à deux millions de dinars (2.000.000 DA.), ou de l’une de ces deux peines ».
En matière d’escroquerie, l’article 77 de la même loi indique : « Toute personne qui exerce la profession de promoteur immobilier sans agrément est punie conformément aux dispositions de l’article 243 portant Code pénal. Lorsque l’exercice illégal, tel que prévu ci-dessus, entraîne une escroquerie, il est fait application des dispositions de l’article 372 qui punit d’un emprisonnement d’un an au moins et de cinq au plus ».
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