Fayçal Khebizat est le PDG de l’entreprise Biodattes Algérie, spécialisée dans l’exportation des dattes. Dans cet entretien, il revient sur l’utilisation des pesticides dans le traitement des palmeraies, le rappel de lots de dattes Deglet Nour d’Algérie cet été en France, propose des solutions et parle des revendications des exportateurs algériens de dattes
| Lire aussi : Polémique sur les dattes algériennes : le ministère de l’Agriculture réagit
Vous dirigez l’entreprise Biodattes. Pouvez-vous nous présenter son activité ?
Nous sommes une entreprise pionnière dans l’agriculture biologique en Algérie, où nous activons depuis 2005 dans la transformation et le conditionnement de dattes biologiques certifiées.
Nous sommes spécialisés dans les dattes dénoyautées de la variété Deglet-Nour et nous réalisons 100 % de notre chiffre d’affaires à l’export. Nos produits sont commercialisés en Europe, aux Amériques, en Australie et en Asie également.
| Lire aussi : Algérie : producteurs et exportateurs de dattes en quête de bio
Nous employons actuellement 578 salariés permanents dans nos différentes unités qui se situent à Biskra, Batna et M’sila. Nous exportons environ 3000 tonnes par an.
Notre entreprise est détentrice de plusieurs certifications, notamment en agriculture biologique européenne et américaine, IFS, BRS, FESMA, CRAV, Faire Trade et Responsabilité sociale et environnementale.
Des lots de dattes algériennes ont été retirés du marché en France. Quelle est la situation exacte ?
Les retraits ou rappel sont des procédures prévues dans tous les systèmes qualité.
Nous nous entrainons tous les ans à simuler avec nos clients des cas de retrait ou de rappel pour mettre à l’épreuve nos systèmes d’alerte, nos systèmes de traçabilité et notre capacité de mobilisation pour la résolution des non-conformités.
Ceci nous permet d’être prêts quand une situation réelle se présente car malgré toutes les lignes de défense que nous mettons en place, une erreur peut malheureusement arriver car l’erreur est humaine et ça peut arriver même aux plus prestigieuses marques.
Je citerai l’exemple des pizzas Buitoni ou des fromages « Président » en France cette année.
Un retrait n’est pas forcément synonyme que le produit est impropre à la consommation ou qu’il y a eu obligatoirement fraude, mais ça peut être tout manquement aux exigences réglementaires aussi minime soit-elle.
Un simple défaut d’étiquetage peut entraîner un retrait, un logo mal imprimé peut entraîner un retrait. Donc, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives.
Il ne faut surtout pas généraliser non plus, si un malheureux lot (identifiable et isolable) a fait l’objet d’un rappel, ceci ne signifie guère que l’ensemble de la production de cet opérateur est incriminé, et encore moins que les autres opérateurs de cette provenance sont dans le même cas.
Les dattes d’Algérie restent de très haut un produit très apprécié par les professionnels et les consommateurs au quatre coins de ce monde et qui offre toutes les garanties d’un produit sain et de haute qualité gustative.
Je rappelle que les entreprises algériennes de transformation de dattes maîtrisent aujourd’hui les plus hauts niveaux d’exigences en termes d’hygiène et de sécurité alimentaire à travers des certifications obtenues auprès d’organismes de contrôle internationaux impartiaux et intransigeants.
Il suffit de consulter les référentiels internationaux pour voir des dizaines d’entreprises transformatrices de dattes algériennes certifiées au plus haut niveau des référentiels mondiaux qui sont IFS, BRC ou ISO22000
Je ne parle même pas des entreprises qui ont atteint d’autres niveaux de certification encore plus sélectifs comme l’agriculture biologiques avec ses différents référentiels européen, américain, japonais, brésilien, ou aux normes de production pour les nourrissants (babyfood) ou des référentiels très sélectifs pour des marchés spécifiques (végan, Raw, Demeter, naturland,…)
Quelles sont les précautions que prend une entreprise comme la vôtre avant de réaliser une opération d’exportation ?
C’est très simple, nous ne réalisons aucune relâchée de marchandise avant que l’ensemble des critères qualité ne soient vérifiés et validés.
Nous avons un tiers de notre personnel qui est dédié aux opérations de contrôles et de vérification. Chaque étape du processus de production est inspectée et approuvée et le service qualité est là pour garantir l’application de l’ensemble des prérequis nécessaires à la bonne conduite des opérations et en total respect des bonnes pratiques d’hygiène.
Tout risque possible même peu probable est maîtrisé ou éliminé.
Comment réagit la filière datte algérienne ?
La filière datte est une des filières professionnelles les plus respectueuses des réglementations car elle travaille aux normes internationales et avec des grands comptes à travers le monde entier.
Nous respectons les lois algériennes et les lois des pays où nous commercialisons nos produits.
Donc nous n’interférons pas dans les prérogatives des institutions publiques en matière de lutte contre les ravageurs mais nous avons trois revendications très claires :
1- Que les services compétents garantissent l’utilisation de produits homologués et acceptés dans les pays où nos produits sont commercialisés
2- Qu’il y est un suivi effectif sur terrain avec les agriculteurs pendant les traitements afin que les dosages ne présentent aucun risque sur le produit
3- Que les zones agricoles qui ont choisi le mode d’agriculture biologique soient traitées par des produits ou des techniques acceptées par les cahiers des charges de l’agriculture biologique.
Qu’en est-il des traitements réalisés dans les palmeraies algériennes contre les ravageurs de la datte ?
Nous avons eu plusieurs échanges avec les autorités compétentes au sujet des 3 revendications citées précédemment car ce sujet mérite une prise en charge très sérieuse et en toute objectivité.
Ce secteur fait travailler des milliers de personnes dans le Sud et présente un vecteur de rayonnement de l’Algérie à travers le monde entier, sans parler des revenus non négligeables qu’il fait entrer au Trésor public.
Ce n’est pas un sujet que nous souhaitons étaler dans la presse car il pourrait être mal interprété et utilisé par nos concurrents à mauvais escient mais nous demandons aux tutelles un mécanisme d’échange dépassionné, objectif et responsable pour trouver une solution à un vrai problème.
Comment se présente la situation pour des entreprises comme la vôtre qui exportent des dattes bio ?
C’est très simple, nous n’utilisons aucun produit chimique dans notre processus de fabrication et nous contrôlons tout ce qui peut être en contact avec nos fruits (emballages, moyens de manutention, employés, moyens de fabrication…).
Et nos contrôles ne commencent pas au niveau de notre usine seulement mais bien en amont dans les champs et tout au long de l’année. Durant tout le cycle de production, nous accompagnons les agriculteurs afin que leurs cultures soient lors de la récolte en conformité avec les cahiers des charges du bio et de nos clients.
Le tout sous le contrôle des organismes de certification internationaux avec qui nous travaillons.
Que proposez-vous face à ces questions sanitaires ? Peut-on réduire l’emploi des produits chimiques dans la lutte contre les ravageurs des palmiers dattiers ?
De nouvelles techniques ont bien vu le jour dans d’autres pays producteurs de dattes. Nous devons tester ces techniques et les généraliser si elles s’avèrent efficaces.
Les enjeux climatiques et écologiques nous poussent à trouver des moyens de lutter contre les ravageurs de façon intelligente et amie avec la nature.
Nous n’avons pas besoin de tuer tous les insectes, ni d’éradiquer toutes les plantes non productives bien au contraire la biodiversité est une richesse, il nous suffit de maîtriser et contrôler ces éléments.
La nature a besoin de toute sa composante pour continuer à nous nourrir sainement. Alors oui, je suis pour la réduction des produits chimiques.
Un dernier mot ?
L’agriculture biologique est un secteur en plein essor et les consommateurs à travers le monde entier sont prêts à payer plus cher un produit de qualité.
Notre pays doit se saisir de cette opportunité et tracer une politique claire pour la promotion et le développement de l’agriculture biologique, pour la consommation locale et le marché de l’export.