Les Algériens ne peuvent désormais rien présenter à l’international sans que des internautes marocains crient à la spoliation. Cette manie de tout contester n’épargne pas la cuisine algérienne.
Du caftan aux bijoux traditionnels kabyles, en passant par la faïence zelidj, la musique Raï, le tajine conique, le sellou ou encore le couscous…
À suivre la logique d’une frange de Marocains, les Algériens n’ont rien produit et appris pendant leur histoire pourtant millénaire.
Il arrive même que les autorités politiques marocaines s’en mêlent pour contester à l’Algérie ce qu’elle possède devant les organismes internationaux, comme ce fut le cas lorsque l’équipementier de l’équipe d’Algérie de football s’est inspiré du zelidj d’un palais de Tlemcen pour confectionner une tenue de parade.
Après cette affaire, le roi Mohammed VI s’est impliqué en personne en appelant en novembre 2022, à l’occasion de la tenue d’une session de l’Unesco au Maroc, à « contrecarrer » les « tentatives de détournement et d’accaparement » du patrimoine marocain. Évidemment que c’était l’Algérie qui était visée.
La cuisine et l’art culinaire sont particulièrement prisés lorsqu’il s’agit de chercher noise aux Algériens.
Cela a commencé par le couscous, finalement admis par l’Unesco comme patrimoine commun aux pays du Maghreb. Ce plat est pourtant originaire d’Algérie.
Puis tous les autres plats qu’on peut retrouver à la fois en Algérie et au Maroc sont réclamés comme étant exclusivement marocains.
Parfois, cela dépasse la simple polémique entre internautes sur les réseaux sociaux.
« Cette fois, ils ont dépassé toutes les limites », a réagi, les larmes aux yeux, la productrice algérienne d’émissions culinaires, Sherazade Laoudedj, lorsque les Marocains ont provoqué la suppression d’un stand consacré aux produits maghrébins par les galeries Lafayette à Paris.
Sollicitée par la direction de la chaîne de grande distribution pour proposer des produits à exposer à l’espace « Village oriental », Sherazade a opté pour un plat traditionnel simple et très répandu en Algérie, le Sellou, une confiserie à base de semoule grillée et de fruits secs.
Ce qui a donné lieu à une campagne acharnée des Marocains qui ont harcelé l’entreprise française, allant jusqu’à menacer de vandaliser l’espace.
La décision est vite tombée : les Galeries Lafayette ont décidé de la fermeture pure et simple du « Village oriental ».
« C’était une belle initiative à la base qui aurait pu réunir, faire un bel espace et faire la promotion des deux cultures. Vous avez réussi à tout détruire », avait regretté l’influenceuse algérienne dans une vidéo sur les réseaux sociaux.
Sherazade Laoudedj chef et présentatrice 🇩🇿victime de son succès. En collaboration avec Plusieurs Galerie Lafayette de 🇫🇷.
Une asso 🇲🇦 a appelée l’enseigne pour que celle ci retire le selou « farine grillé et fruit sec » en menaçant les galerie comme à leur habitude. pic.twitter.com/4qkwrgwXAO
— 🇪🇸Leila🇪🇸 (@leilaa37589505) February 20, 2024
Depuis, Sherazade cristallise, elle aussi, les insultes et les menaces sur les réseaux sociaux de la part des internautes marocains.
Les internautes marocains ne la lâchent pas et l’attaquent, la traitant de « voleuse de patrimoine » à chaque fois qu’elle partage avec sa communauté une recette d’un plat traditionnel connu en Algérie et au Maroc.
Cuisine : les Marocains contestent tout à l’Algérie
La femme est originaire de Tlemcen, une ville située a la frontière avec le Maroc où il est naturel que des recettes soient partagées des deux côtés de la frontière.
C’est ce qu’elle a d’ailleurs expliqué dans un entretien à TSA.
« L’Ouest de l’Algérie a des plats communs avec le Maroc. Je ne suis pas en conflit. Je défends le patrimoine culinaire algérien. »
Sherazade est devenue malgré elle le symbole de la défense du patrimoine culinaire algérien face aux accusations de spoliation proférées par les internautes marocains.
En signe de soutien, elle a été reçue en février dernier par l’ambassadeur d’Algérie en France suite aux attaques qui l’ont ciblée.
« L’Ambassadeur Saïd Moussi a été ravi de recevoir la Cheffe Sherazade Laoudedj. Bel échange sur la richesse et la promotion de l’art culinaire algérien », avait écrit sur X la représentation diplomatique algérienne.
La cheffe algérienne ne s’avoue pas vaincue et fait preuve de ténacité dans la défense de l’art culinaire algérien et du patrimoine gastronomique commun à tous les peuples du Maghreb.
Dans une de ses récentes vidéos, elle a appelé tous les producteurs de contenus à mettre le mot clé « Algérie » dans leurs titres et descriptions afin de connaître davantage la cuisine algérienne.
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« Chacun d’entre nous est l’ambassadeur de l’Algérie dans son domaine », dit-elle.
Les campagnes marocaines ne se limitent pas, en effet, aux seules recettes culinaires. Même certains ustensiles de cuisine sont désormais réclamés comme étant exclusivement marocains, comme le Tajine conique en terre cuite. Décidément, comme l’a si bien dit Sherazade, les Marocains ont « dépassé toutes les limites ».
Le vol algerien du Tajine conique d'origine marocaine devenu Tadjine.
Tout les pans de la culture marocaine sont ciblés.
Ils ne savent même pas que les tajines en cette matière sont juste décoratif, pas pour cuisiner, les algériens utilisent le tajine marocain comme assiette. pic.twitter.com/agui9tRMB4
— Tachfine El Masmoudi (@Tumertan212) March 25, 2024
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