Le Mondial 2022, qui débute dimanche 20 novembre au Qatar, s’est transformé en échiquier politique à cause notamment des LGBT.
Les polémiques s’enchaînent autour de cette compétition qui se déroule pour la première fois durant l’hiver et dans un pays arabe et musulman.
Un nouveau conflit moral intervient après la dénonciation de la préparation de cet événement sportif qui a impliqué des conditions de travail contestées et condamnables.
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Les chantiers pour réaliser les infrastructures d’accueil du Mondial 2022 ont poussé les ouvriers étrangers, notamment d’origine népalaise, à travailler dans des conditions extrêmes.
Mal payés, travaillant sous une chaleur de 50°C et effectuant des horaires indécents. La presse britannique avait même évoqué des décès en série sur les chantiers de stades et des hôtels de luxe.
Mais derrière les révélations sur les conditions de travail difficiles des ouvriers étrangers se cache un positionnement politique à l’égard des mœurs et des traditions du Qatar.
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Des propos de l’ambassadeur de la Coupe du Monde, et ancien footballeur international qatari, Khalid Salmane, ont soulevé un tollé en Europe. Il a qualifié l’homosexualité de « dommage mental », lors de son passage sur la chaîne allemande ZDF. L’ambassadeur tentait de justifier la position du Qatar à l’égard des relations intimes entre personnes du même sexe.
Les relations homosexuelles sont interdites au Qatar, au nom de l’islam. Ce type de relation peut être sanctionné d’une peine pouvant aller jusqu’à sept ans de prison. Khalid Salmane a estimé qu’il serait important que les étrangers se rendant au Qatar durant la compétition, respectent cette position.
Mais certains pays européens ont été outrés de cette déclaration. Des associations, des élus ou même des footballeurs ont dénoncé une atteinte aux droits des personnes LGBT.
Un Mondial devenu un combat idéologique
Cette nouvelle affaire soulève un sujet épineux. La tolérance et le respect des traditions ou des lois d’un pays que l’on visite, ont-ils une limite ?
Si les drapeaux LGBT sont autorisés autour des stades et que n’importe qui peut se rendre au Mondial sans problèmes, le Qatar refuse d’accepter des revendications pro-LGBT trop franches, ou des gestes intimes dans l’espace public. Le pays hôte avait précisé depuis très longtemps exiger un comportement et des tenues en adéquation avec ses valeurs. Mais à quelques jours du Mondial, cette demande fait blocage.
Côté Occident, la criminalisation de l’homosexualité par le Qatar reste inadmissible et doit être dénoncée par les représentants des pays participant à la Coupe du Monde mais aussi par les équipes de football.
Des équipes ont d’ailleurs décidé d’afficher leur soutien aux communautés LGBT par des gestes symboliques. L’équipe des Etats-Unis a ajouté à son logo les couleurs de l’arc-en-ciel (en référence au drapeau gay).
L’équipe allemande s’est rendu au Qatar dans un avion de la compagnie Lufthansa estampillé du message « Diversity wins » ; soit la diversité gagne. La Fédération canadienne de football a participé à une campagne pour défendre les travailleurs de la Coupe du monde et la communauté LGBT au Qatar.
D’autres pays qui devaient s’engager sur la question, ont préféré faire un pas de côté pour se concentrer sur le football. C’est le cas du capitaine de l’équipe de France, qui a finalement refusé de porter un brassard pour l’inclusion.
« Lorsqu’on accueille des étrangers en France, on a souvent l’envie qu’ils se prêtent à nos règles et respectent notre culture. J’en ferai de même lorsque j’irai au Qatar, tout simplement. Après, je peux être d’accord ou non avec leurs idées, mais je dois montrer du respect par rapport à ça », a estimé Hugo Lloris.
Une position qui a suscité la déception auprès des associations françaises de défense des droits humains et de celles qui défendent les droits des communautés LGBT.
Ces différents sujets soulevés avec le Mondial, ont montré les limites des échanges internationaux. Le football qui se présente comme un sport aux valeurs universelles s’est retrouvé porteur d’un débat clivant. Malgré une diplomatie très encadrée, on voit bien que les sujets sociétaux représentent une frontière invisible entre l’Occident et le reste du monde, notamment les pays arabo-musulmans.
Un Occident qui choisit les combats qu’il considère justes
Pour beaucoup de pays arabes, le positionnement des pays occidentaux à l’égard du Qatar est gênant. La tolérance qu’exigent les pays occidentaux leur apparaît être à sens unique. Le problème repose surtout sur la définition qu’a chaque Etat du respect des droits de l’homme.
Si l’on reprend l’exemple des droits LGBT, le Qatar n’est pas le seul pays à refuser les relations entre personnes du même sexe. La plupart des pays musulmans refusent que ce type de relations soit affiché en public.
Les pays du Maghreb, du Machrek et de la péninsule arabique disposent de la même politique à l’égard de ce sujet. Des pays, doit-on le rappeler, avec lesquels l’occident accepte volontiers des échanges économiques, malgré leur vision des droits de l’homme très différente.
De plus, on ressent une certaine hypocrisie de la part de certains pays occidentaux qui choisissent ce qu’ils considèrent comme des injustices et l’agenda pour les défendre. En Europe même, les droits des personnes homosexuelles ne sont pas toujours respectés. En 2021, Viktor Orban, le premier Ministre hongrois, a organisé un grand référendum anti-LGBT. La Pologne a mis en place des zones « libres d’idéologie LGBT ».
Le Mondial 2022 s’est transformé ainsi en conflit de valeurs et de traditions, dans lequel l’Occident se proclame arbitre. Ce n’est pas le seul événement qui a soulevé cette problématique. De plus en plus de faits ou actions qui impactent l’ordre du monde poussent à une polarisation des pays. Il faut choisir son camp à tout prix.
On a pu le ressentir lors de la guerre en Ukraine, avec la position des pays de l’Amérique du Nord et de l’Union Européenne.
Ces ensembles de pays se sont fortement impliqués dans la cause ukrainienne, lorsque d’autres conflits ont été ignorés, parce qu’ils sont plus lointains et surtout moins impactant sur leur quotidien. Le conflit syrien, le conflit israélo-palestinien, la guerre au Yémen… sont autant d’exemples, où il n’a pas été question de sanctions ou de soutien.
On se souvient aussi de la volonté de certains Français d’accueillir en masse les réfugiés ukrainiens, parce qu’ils sont chrétiens et blancs. Lorsque les réfugiés syriens, afghans ou d’Afrique subsahariens étaient qualifiés de hors-la-loi, des potentiels terroristes, qu’il ne faut absolument pas laisser venir sur le territoire.
L’Occident ne parvient plus à uniformiser les valeurs et les traditions
L’autre point à souligner est le renforcement des idées et des politiques anti-Islam, notamment en Europe. Le rejet clairement assumé de certaines pratiques musulmanes – comme le port du voile – au nom de l’intégration, dans des pays comme la France, agace franchement plusieurs pays arabo-musulmans.
Il est exigé à tout étranger de se conformer aux lois et pratiques du pays d’accueil, quitte à renier des valeurs profondes. Alors qu’à l’inverse des pays occidentaux s’octroient le droit de critiquer et de rejeter le fonctionnement de cultures qui ne rentrent par leur système de valeurs.
« Même aujourd’hui, il y a encore des gens qui ne peuvent pas accepter l’idée qu’un pays arabe et musulman puisse organiser un événement comme la Coupe du monde », a dénoncé Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, l’émir du Qatar, en mai dernier.
Le Mondial 2022 met en lumière l’impossibilité d’universaliser les sociétés. Mais surtout la volonté de l’Occident de choisir ce qui est une valeur universelle ou non. Se rendre au Qatar pour disputer une compétition de sport tout en critiquant chaque pan de la société qatarie soulève une contradiction constante au sein des pays occidentaux.
Or des contre-modèles s’imposent de plus en plus face aux valeurs occidentales qui jusqu’à présent s’imposent comme la référence mondiale. Des puissances comme la Russie ou la Chine viennent ébranler cet ordre mondial.
Il est désormais impossible de leur imposer l’universalisme occidental au vu du poids qu’elles détiennent sur l’ordre mondial. C’est d’ailleurs ce que Vladimir Poutine a martelé lorsque la Russie a reçu des sanctions de la part de l’Union européenne à la suite de son invasion de l’Ukraine. Le leader russe a rappelé qu’il refuserait toujours de se plier à la vision occidentale.
La crise énergétique et politique que traverse l’Europe est également venue déséquilibrer ce système tacite. Des pays européens qui d’un côté courtisent le Qatar, pour son gaz naturel dont il est le 6e producteur mondial, peuvent-ils de l’autre lui demander de refondre ses lois et sa vision de la société ?
C’est d’ailleurs ce qui transparaît dans cette énième polémique du Mondial. On ne voit pas de front commun face au Qatar, qui finalement organisera cette coupe du monde et en tirera des bénéfices. Qu’il brime les droits des communautés LGBT ou non.
Les pays occidentaux y participeront quoi qu’il arrive et les appels au boycott ont vite été étouffés. L’ordre moral imposé par les pays occidentaux reste bien factice et surtout ne fait pas le poids face à des enjeux économiques plus puissants que la lutte civilisationnelle.