La Banque Mondiale a abaissé sensiblement, lundi 8 avril, son estimation pour la croissance de l’économie algérienne en 2018. Elle n’aurait été finalement que de 1,5% contre 2,5% anticipé en octobre dernier. Une révision qui intervient sous l’effet d’un ralentissement marqué de la production d’hydrocarbures.
« Malgré une augmentation substantielle du budget de l’État et un prix du pétrole plus élevé qu’attendu, le ralentissement marqué de la production d’hydrocarbures, en recul de 4,2%, a entravé la reprise de la croissance en 2018 », souligne la BM dans son bulletin économique semestriel pour la région Mena.
« On estime que la croissance de l’économie algérienne s’est élevée à 1,5%, alors que des projections établies en octobre 2018 la situait encore à 2,5%, avant que l’ampleur de la baisse de la production d’hydrocarbures ne soit avérée», précise l’institution de Bretton Woods dans ce rapport publié à la veille des réunions de printemps du FMI et de la BM.
Nouvelle baisse de la production
Ces nouvelles estimations qui confirment la contre-performance du secteur des hydrocarbures au cours de l’année écoulée ne constitue cependant pas vraiment une surprise.
Le 31 mars dernier, c’est via une dépêche de l’agence officielle, passée un peu inaperçue, qu’avait été rendu public, de façon plus précoce que d’habitude, le bilan de l’activité de Sonatrach en 2018.
Ce bilan annuel commençait par une bonne nouvelle et c’est sur cet aspect des choses que l’agence officielle avait choisi d’insister. On apprenait ainsi qu’en 2018, le groupe Sonatrach a réalisé un chiffre d’affaires à l’exportation de près de 39 milliards de dollars en 2018, contre 33,2 milliards de dollars en 2017, soit une hausse de 17,5%.
Malheureusement cette augmentation de la valeur des exportations est entièrement imputable à la hausse des prix du baril – une moyenne de 72 dollars en 2018. Elle masque une diminution du volume de la production exportée que la dépêche de l’agence qualifiait de « légère ».
En réalité, la réduction du volume global exporté est très significative. Cette dernière est passée selon les chiffres très officiels de la compagnie nationale, qui fait à cette occasion un bel effort de transparence, à 99 millions de Tonnes d’équivalent pétrole (TEP) en 2018, contre 106 millions de TEP en 2017, soit une baisse de près de 7%.
En ajoutant les quantités destinées au marché national qui s’élèvent à 52,5 millions de TEP, les volumes d’hydrocarbures commercialisés en 2018 ont atteint 151 millions de TEP contre 161 millions de TEP en 2017 et sont en baisse de 6,1%.
Le pétrole brut et le gaz peu affecté
La baisse de la production en 2018 concerne toutes les activités. Elle est cependant restée modérée pour l’ensemble des productions primaires d’hydrocarbures. C’est ainsi que la production de pétrole brut accuse une baisse limitée à moins de 2%. Elle a atteint 48,5 millions de tonnes contre 49,3 millions de tonnes en 2017.
La production de condensat est pratiquement stable et s’est élevée à 8,9 millions de tonnes contre 9 millions de tonnes en 2017. On enregistre une évolution identique de la production de GPL qui a atteint 7,9 millions de tonnes l’année dernière contre 8 millions de tonnes en 2017.
C’est aussi le cas de la production primaire de gaz naturel. Elle s’est établie à 132 milliards de m3 en 2018 contre 135 milliards en 2017.
Le total de la production primaire du groupe Sonatrach a ainsi été de 192,3 millions de TEP en 2018 contre 196,5 millions de TEP produits en 2017 soit une baisse limitée à 2,1% en 2018.
Forte baisse pour le GNL et les produits raffinés
En revanche les activités de liquéfaction, de raffinage et de pétrochimie de Sonatrach ont enregistré une diminution beaucoup plus importante au cours de l’année écoulée.
Le bilan officiel de la compagnie nationale fait ainsi état d’une production de 22,2 millions m3 de gaz naturel liquéfié (GNL) en 2018 contre 27,1 millions m3 en 2017 soit une réduction de la production de près de 17 %.
En matière de produits raffinés (pétrole brut traité et condensat), la baisse est proche de 10%. Sonatrach a produit 25,7 millions de tonnes en 2018 contre 28,2 millions de tonnes en 2017.
Les raisons d’une contraction aussi importante de l’activité GNL ne sont pas mentionnées par la compagnie nationale. Nos sources indiquent qu’elle pourrait être imputable à la réduction des débouchés pour la production algérienne dans un contexte de forte concurrence internationale.
Les activités d’exploration également en recul sensible
Elles mentionnent particulièrement « la production qatarie mais également l’arrivée récente de nouvel acteur américain dont les compagnies ont notamment signé en 2018 des accords de livraison de GNL avec des partenaires espagnols en menaçant ainsi les positions traditionnelles du GNL algérien sur le marché européen ».
Les activités d’exploration de la compagnie nationale ne se portent pas beaucoup mieux non plus. Durant l’année 2018, Sonatrach annonce avoir achevé 80 forages d’exploration. Une baisse de 20% en comparaison de 2017 qui avait enregistré 101 puits terminés. Les forages de développement ont également baissé sensiblement en passant de 230 puits terminés en 2017 à 197 puits en 2018.
Une nouvelle “stratégie” pour enrayer le déclin de l’activité
Les changements introduits, depuis près de 2 ans, par Abdelmoumen Ould Kaddour dans la gestion de Sonatrach semblent peiner aujourd’hui à renverser une tendance à la baisse de la production du secteur que les derniers chiffres paraissent de nouveau confirmer.
On sait avec une relative certitude que la production du secteur est en baisse régulière depuis plus d’une décennie ; la première diminution sensible ayant été enregistré en 2008. Depuis cette date, des estimations d’experts évaluent la réduction cumulée de la production du secteur à près de 25%.
Au cours de l’été dernier M. Ould Kaddour avait prudemment fixé des objectifs d’inversion de cette tendance à moyen et long terme en affirmant que « Sonatrach compte doubler sa capacité de production d’ici 10 ans ».
« Nous voulons augmenter notre capacité de production d’hydrocarbures de deux fois le volume que nous avons actuellement, dans les 10 années qui viennent, dans le cadre de notre nouvelle stratégie de développement à horizon 2030 », avait déclaré à l’APS M. Ould Kaddour.
« Nous sommes en train d’essayer d’être indépendants de la volatilité du coût du baril de pétrole et d’être dépendants au volume », avait soutenu le PDG de Sonatrach, assurant que « lorsqu’on produit plus, on ressent moins l’effet de la régression des prix du baril ».
M.Ould Kaddour s’était félicité, à cette occasion, de la dynamique du partenariat et de l’investissement enregistrée dans les activités du groupe Sonatrach qui vise à accroître le niveau de la production.