Le Dr Redouane Si Laarbi est président du club des orthopédistes algériens. Il revient dans cet entretien sur le développement de la chirurgie orthopédique en Algérie. Il explique pourquoi les orthopédistes quittent le secteur public pour aller dans le privé ou à l’étranger.
Vous venez d’organiser un important congrès qui a vu la participation d’éminents professeurs étrangers et algériens. Des thématiques variées ont été abordées. Pouvez-vous dresser un état des lieux de l’orthopédie en Algérie ?
C’est effectivement notre premier congrès en présentiel. Nous avons déjà organisé plusieurs webinars, durant la crise sanitaire liée à la Covid-19.
Il y a une affluence extraordinaire à cet événement. Beaucoup de chirurgiens et des professeurs sont venus de France, de Tunisie, de Suisse, du Luxembourg, de la Mauritanie, etc.
C’était un espace d’échange extraordinaire. Nous avons sélectionné deux thématiques d’actualité qui intéressent les jeunes et les moins jeunes.
Cet événement n’aurait pas pu avoir lieu sans l’entre-aide des membres du bureau et des membres de notre association. C’est une réussite collective. Notre but est aussi de créer des synergies avec d’autres sociétés savantes basées en Algérie ou à l’étranger pour essayer de travailler main dans la main. Le but est de montrer ce dont nous sommes capables de faire et d’apprendre.
Beaucoup de vos collègues orthopédistes ont quitté le secteur public pour aller soit vers le privé ou à l’étranger. Quelles sont les raisons de cet exode ?
De nombreux médecins dont les orthopédistes quittent le secteur public où ils ne veulent pas faire carrière. Il ne faut pas se voiler la face : la rémunération est un facteur qui joue un rôle.
L’État algérien essaye d’assurer les moyens matériels. Le système des urgences tient bon. Mais quand on parle de technologies de pointe et de chirurgie avancée, cela demande beaucoup de moyens et ce n’est pas évident de les avoir.
J’espère que les pouvoirs publics tiendront en compte des recommandations formulées lors de ce type de congrès pour améliorer la situation.
La crise de la Covid-19 nous a fait perdre beaucoup de nos collègues, mais elle nous a permis de comprendre que quand les frontières sont fermées, il faut qu’on se prenne nous-mêmes en charge.
Durant cette crise sanitaire, il y a eu une grande résiliation. Notre association est d’ailleurs née de la crise de la Covid-19. Un pont a été créé avec les Algériens de la diaspora.
Il y a beaucoup de chirurgiens installés en France, aux Etats-Unis et ailleurs qui ont adhéré à notre association en nous permettant d’importer leur savoir-faire.
Le potentiel y est. Les Algériens réussissent à l’étranger. La matière est là, mais il y a une problématique liée au manque de moyens et de gestion. L’espoir, la connaissance, le potentiel et la volonté sont là. Il n’y a pas de raison pour ne pas réussir.
Vous avez quitté le secteur hospitalier. Vous êtes actuellement consultant à l’étranger…
C’est avec un pincement au cœur que j’ai quitté l’hôpital public. Quand on était jeune, on rêvait de devenir professeur.
Il faut aussi briser le tabou : que ce soit dans le public ou dans le privé, on est là pour soigner les gens. Il ne faut pas faire le distinguo entre les deux.
L’essentiel est que le patient trouve une médecine de qualité. Les carrières hospitalo-universitaires sont bonnes pour l’enseignement. Mais l’un ne doit pas empêcher l’autre, en étant dans le privé, on peut aussi enseigner dans le public.
Vous étiez installé à l’étranger. Vous avez eu une proposition pour rester, mais vous avez préféré rentrer en Algérie. Pourquoi ?
Comme beaucoup de mes collègues, j’ai la fibre patriotique algérienne. Et ça, on ne peut pas l’expliquer. C’est dommage pour les gens qui partent, mais je pense que si vous les sollicitez un jour pour faire quelque chose pour leur pays, ils n’hésiteront pas à répondre présent.
Que faut-il faire pour maintenir nos jeunes médecins en Algérie ?
Le point le plus important est de rétablir la confiance entre le médecin et le patient algérien. Nous avons l’impression que le patient algérien a perdu confiance en son médecin en Algérie.
C’est ce qui explique le fait qu’il parte en Tunisie, en France et ailleurs pour se faire soigner. Il faut revaloriser les médecins et les remettre à leur vraie échelle. Quand nos médecins voient qu’il y a de la considération et un bon plan de carrière, ils resteront.
-Votre club des orthopédistes algériens est jeune. Pourtant, certains de ses membres ont déjà publié des contributions dans de prestigieuses revues internationales. C’est une fierté…
Oui, c’est le but. Beaucoup de choses se font en Algérie, mais elles ne sont pas toujours médiatisées. Même si on n’a pas cette culture en Algérie de publier des articles scientifiques, il y a des choses qui se font.
Le rôle des sociétés savantes est justement d’encourager et de créer des synergies afin de réaliser des travaux scientifiques et de les publier. La matière est là. Il suffit juste de l’orienter, de l’organiser et d’avoir la méthodologie nécessaire.
En médecine, nous sommes des éternels étudiants. Des jeunes et des moins jeunes, dont l’âge peut atteindre 70 ans, se retrouvent à l’amphithéâtre, car il y a toujours des nouveautés.
Il ne faut pas avoir honte d’apprendre. Il faut des moyens qu’on essaye de trouver pour que le patient algérien puisse bénéficier de la même thérapeutique et de la même prise en charge qu’à l’étranger.