Perte du pouvoir d’achat, hausse générale des prix, détérioration des services publics, chômage endémique, dépréciation continue du dinar : en Algérie, la pauvre gagne des pans de la population.
Le processus d’appauvrissement a suivi celui de la chute des prix du pétrole depuis 2014, principale ressource en devises du pays pour s’accélérer ces trois dernières années, sous les effets conjugués de la crise économique, politique et sanitaire. Il avance inexorablement en l’absence de remèdes économiques efficaces.
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Longtemps cachée par l’embellie pétrolière des années 2000, les disparités sociales se sont accentuées, avec la forte contraction de la classe moyenne, qui à ce rythme risque de disparaître, pour donner lieu à une société composée de pauvres et de riches.
« La question de l’appauvrissement de la population doit être la priorité et une préoccupation du nouveau gouvernement », martèle Meziane Meriane, coordinateur du Syndicat autonome des professeurs du secondaire et de l’enseignement technique (Snapest) qui met en avant la dégradation du pouvoir d’achat des enseignants.
« Il ne s’agit pas de gérer le quotidien sans innovation. Il faut innover dans le sens de protéger les couches défavorisées », plaide M. Meriane qui appelle à agir en urgence.
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« Si on regarde le pourcentage d’Algériens vivant sous le seuil de pauvreté, c’est vraiment alarmant. Par conséquent, on ne va pas attendre que les recettes du pétrole s’améliorent pour venir en aide à ces couches sociales frappées de précarité », presse le syndicaliste.
Il appelle à agir en matière de justice sociale comme une des mesures urgentes. « Il faut penser à imposer des impôts sur les grosses fortunes et à sévir contre l’évasion fiscale », préconise Meziane Meriane qui considère que la fiscalité « est un geste de solidarité ».
« Si on arrive à maîtriser l’évasion fiscale, et à appliquer une imposition aux grosses fortunes, je pense qu’on pourra faire face à ces difficultés. Il ne faut surtout pas rester statiques et attendre l’embellie pétrolière. Il faut bouger ! », exhorte le coordinateur du Snapest qui prévient que la pauvreté « engendre des maux sociaux, le banditisme et les harraga… ».
« Un salaire minimal de 70.000 dinars »
M. Meriane plaide pour une politique salariale plus égalitaire. Selon lui, le salaire minimum que doit toucher un salarié algérien « ne doit pas être de moins de 70.000 DA par mois ».
« On parle d’un salaire minimal qui permet de faire face aux charges liées à l’électricité, à l’eau, au loyer… », poursuit M. Meriane.
La précarité qui frappe la société algérienne est le résultat d’un mauvais partage de la richesse nationale, abonde Boualem Amoura, syndicaliste et SG du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef) tout en critiquant sévèrement la politique salariale appliquée en Algérie.
« Il y a des super citoyens et d’autres de seconde zone. La preuve c’est qu’il y a deux caisses de retraites (FSR et CNR). Quand on parle de paupérisation, il y a aussi les retraités dont 65 % touchent moins de 25.000 alors qu’un député touche une retraite dorée de 220 000 DA », s’offusque le syndicaliste.
Parmi les autres facteurs favorisant la pauvreté, M. Amoura cite la faiblesse de l’économie nationale sujette aux fluctuations des prix du pétrole. En 2020, l’Algérie a exporté pour seulement 23 milliards de dollars, en forte baisse de 40 % par rapport à 2019.
Autre « facteur aggravant », l’arrivée de la pandémie de la covid-19 qui a précipité dans la précarité de nombreuses couches sociales, grossissant de fait les rangs des chômeurs, rappelle M. Amoura.
Lui aussi rejoint le raisonnement de Meziane Meriane sur la nécessité d’imposer les plus riches et la mise en place d’une politique salariale plus égalitaire.
« Personne ne peut cacher la régression du pouvoir d’achat des Algériens auquel plusieurs facteurs ont contribué », tranche Mustapha Zebdi, président de l’Association de protection du consommateur (Apoce).
Il cite en exemples : la dévaluation du dinar, la hausse des prix de certains produits sur les bourses mondiales et la pandémie du covid comme facteurs aggravant.
« Il y a eu des hausses des prix qui se sont répercutées directement sur le pouvoir d’achat des consommateurs, au point d’être incapables de satisfaire leurs besoins élémentaires », relève M. Zebdi qui sollicite de la part de l’Exécutif « une réaction vive et efficace » pour venir en aide à ces populations.
Pour l’Apoce, l’urgence est de « préserver une vie digne pour le citoyen » algérien. L’autre urgence, selon M. Zebdi, tient à booster la croissance dans tous les secteurs « d’abord, par la levée de tous les obstacles qui empêchent les gens d’investir ».