L’opinion nationale est aujourd’hui dans l’expectative. Bien malin qui pourra dire ce que seront les orientations économiques du futur gouvernement qui sera nommé par le président Tebboune.
L’incertitude qui domine la quasi-totalité des pronostics sur ce chapitre est renforcée par le flou entretenu par Abdelmadjid Tebboune lui-même. Ni la dernière campagne électorale ni les premières interventions publiques du nouveau locataire d’El Mouradia n’ont pour l’instant permis d’y voir plus clair.
La première question que se posent actuellement la plupart des commentateurs consiste à savoir si le prochain Exécutif va inaugurer une politique d’austérité économique ou bien s’il va poursuivre dans la voie fortement dépensière tracée par ses prédécesseurs.
L’Algérie vit au-dessus de ses moyens depuis 2014
Sur ce chapitre, le diagnostic des économistes algériens est à peu près unanime. Depuis plus de cinq ans, notre pays vit financièrement au-dessus de ses moyens et accumule des déficits internes et externes considérables.
Plombé par la baisse brutale des prix du baril qui a divisé par deux les recettes de la fiscalité pétrolière depuis juin 2014, le déficit du budget de l’Etat a dépassé le niveau astronomique de 15% du PIB en 2015. Il est resté nettement supérieur à 10% au cours des dernières années. La loi de finances 2020 récemment votée par le Parlement prévoit encore un déficit réel de plus de 11% du PIB pour l’année à venir.
Plutôt que de réaliser des ajustements économiques douloureux, les gouvernements successifs ont préféré maintenir, voire même gonfler encore récemment, le niveau des dépenses de l’Etat en recourant notamment aux facilités de la planche à billets.
La situation n’est pas meilleure pour nos finances extérieures. Avec des déficits de la balance des paiements qui se situent à un niveau proche de 20 milliards de dollars au cours des dernières années, le calcul sur leur durée de vie probable est vite fait. Dans quelques jours, on devrait terminer l’année 2019 avec des réserves de change qui frôleront la barre des 60 milliards de dollars alors qu’elles étaient encore proches de 200 milliards voici à peine cinq ans.
Le risque est de plus en plus réel de voir s’épuiser rapidement les réserves financières du pays accumulées au cours de la période faste des prix pétroliers supérieurs à 100 dollars.
A propos de ces questions essentielles pour l’avenir économique immédiat de notre pays, Tebboune n’a pourtant pas été avare de déclarations. On l’a ainsi entendu dire, avec beaucoup de conviction apparente, à la radio comme à la télévision, que « le rétablissement de l’équilibre des finances publiques est une priorité ». Tebboune a même assuré que son intention dans ce domaine était d’« aller très vite ».
Dans le même temps, le candidat Tebboune a également multiplié les promesses qui se situent exactement aux antipodes de cet objectif très vertueux. C’est ainsi que l’un de ses premiers engagements de campagnes a consisté dans la suppression de l’IRG pour tous les salaires inférieurs à 30 000 dinars. Une proposition très populaire et qui a été reprise par quasiment tous les candidats. Son coût financier devrait se situer aux alentours de 100 milliards de dinars par an qui s’ajouteraient aux 2400 milliards de dinars de déficit prévus tout à fait officiellement par la loi de finances 2020.
Abdelmadjid Tebboune ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a également promis de créer massivement des emplois, de préférence dans la fonction publique, en s’engageant à « éradiquer définitivement le chômage et la crise du logement » et en commençant par « l’intégration rapide de 400 000 fonctionnaires ».
Comment le nouveau président compte-t-il tenir toutes ces promesses ? A l’heure actuelle, le scénario le plus réaliste et le plus probable est celui d’une poursuite de la politique financière menée par les gouvernements algériens depuis cinq ans. Au plan interne, cette continuité est d’ailleurs d’ores et déjà actée et encadrée par la loi de finances 2020. C’est ce qui pourrait expliquer le peu d’empressement manifesté par le nouveau président pour remplacer les responsables actuels de la conduite de nos affaires économiques.
Cette démarche « prudente » n’apporte cependant encore aucune réponse à la question essentielle de la soutenabilité d’une politique économique qui va dans une première étape, probablement dès le deuxième semestre 2020, rendre nécessaire la prolongation du recours à la planche à billets.
Dans une seconde étape, vers 2022 selon la plupart des experts algériens, c’est une perspective beaucoup plus inquiétante qui se profile, celle d’une situation de cessation de paiements qui remettrait en cause l’indépendance de la décision économique nationale.