search-form-close
Questionnements basiques

Questionnements basiques

CONTRIBUTION. Les Algériens pour cette nouvelle année se sont vu offrir comme cadeau un feuilleton digne de meilleures séries hollywoodiennes. Je veux évidemment parler, vous l’aurez compris, de cette véritable saga politico-judiciaire que vit le pays depuis quelques jours.

En effet des personnes, affectueusement appelées le quatuor, tous ex-hauts responsables militaires et civils condamnés il y a à peine dix mois par un tribunal militaire à des peines de prison très lourdes pour des chefs d’accusation extrêmement graves tel que complot contre l’État et l’armée, se sont vues dans un procès en appel complètement innocentées avec annulation de toutes les charges retenues contres elles et évidemment relaxées.

Un ex-chef d’état major de l’armée (que je respecte pour avoir aidé à préserver notre Algérie républicaine) en fuite à l’étranger et condamné à vingt ans de prison par contumace pour les mêmes chefs d’accusation il y a  quelques mois à peine, vient lui aussi de rentrer au pays par avion spécial avec tous les honneurs dus à son rang.

Et évidemment il a été complètement blanchi lui aussi des lourdes charges qui pesaient  sur lui par la même juridiction qui l’avait condamné peu de temps auparavant et en avait fait un paria !!! .

Tout cela avec comme seule explication aux incrédules que nous sommes : « Il à vidé son dossier  » !!! . Evidemment qu’on ne préjuge ni de la culpabilité ni de l’innocence de ces personnes nous n’avons ni la compétence ni le droit de le faire, et tel n’est évidemment pas le but de cette contribution.

La justice militaire a-t-elle eu tort ou raison d’accomplir ce véritable miracle judiciaire nous ne le savons pas. Nous ne la savons pas justement parce que tout cela est imposé au petit peuple que nous sommes sans explication et dans l’opacité la plus totale.

Circulez y a rien à voir semble nous dire nos dirigeants, ce sont des affaires entre grands !!! Avoir accès à une information crédible et impartiale, droit élémentaire du citoyen, n’est toujours pas à l’ordre du jour dans l’agenda de nos gouvernants.

Le citoyen algérien continu à être traité comme un être immature. Les mêmes médias (télévision, radio,…) qui rapportaient avec zèle dans des communiqués  dithyrambiques (vidéos à l’appui) la condamnation du quatuor il y a quelques mois commentent avec le même zèle leur libération aujourd’hui. Une situation totalement inédite est traitée comme un fait banal…….

Évidement sans aucune voix discordante, aucun questionnement, aucun débat contradictoire. Les médias publics et privés après quelques velléités de changement au moment du Hirak se sont complètement reverrouillés et sont redevenus une caisse de résonance et de propagande du pouvoir. La gouvernance par la peur véritable marque de fabrique du régime a apparemment eu raison des plus récalcitrants.

Évidemment ces événements politico-judiciaires en plus du fait qu’ils ne font que rajouter de la méfiance à la méfiance innée que nous avons vis-à-vis du pouvoir et de la justice, ouvrent la voie à toutes les thèses, et les interrogations sur le pourquoi et le comment de telles décisions.

Et d’emblée je m’excuse auprès du lecteur courageux qui lira jusqu’à la fin cette contribution de lui imposer cette suite de questionnements qui je pense titillent le cerveau d’une bonne partie de nos concitoyens.

Comment peut-on accuser et condamner dans des procès très médiatisés des personnes à d’aussi lourdes peines, bafouer leur honneur, en faire des traitres à leur nation pour complètement les innocenter quelques mois après dans ce qui ressemblait plus à une formalité administrative venue valider une décision politique qu’à un véritable procès en appel ?

Peut-on nous reprocher de penser que cela ne fait malheureusement que traduire une lutte au sommet du pouvoir et que cette saga judiciaire serait tout simplement une preuve de plus que la justice obéit toujours aux injonctions des puissants du moment ?

Un clan est parti et un autre l’a remplacé pour faire simple. On sait que d’après nos dirigeants toutes les nations du monde ou presque nous en veulent parce qu’elle sont jalouses de nous, mais plus sérieusement, a-t-on mesuré l’impact que ce soit vis-à-vis de l’étranger ou de nos concitoyens d’une telle légèreté et inconstance de la justice de notre pays ?

Maintenant si à l’origine la condamnation de ces personnes a été une injustice comme on veut nous le faire croire aujourd’hui à demi-mots et sans vraiment le dire, qui était derrière le téléphone et quelles étaient ces motivations ?

Si accuser ces personnes de « complot contre l’État et l’armée » c’était ça le vrai complot comme s’est suggéré aujourd’hui et qu’une injustice a été réparée, pourquoi cela reste un sujet  tabou, secret d’État ?

Médias, justice, avocats, rien, silence total sur les tenants et aboutissants de cette affaire !… On  préfère comme d’habitude mettre la poussière sous le tapis. Un des prévenus libéré a même dit lors de son procès en appel qu’il avait beaucoup de choses à dire mais qu’il ne le dira « ni ici ni maintenant  » !!!!

Déjà échaudés par les parodies de procès des affaires Khalifa, autoroute Est-Ouest , Sonatrach , Chakib khellil  pour ne citer que cela, évidemment que les Algériens se disent qu’encore une fois nous sommes devant une affaire qui ne livrera jamais ses secrets.

Dans la démarche du pouvoir c’est évidemment un secret de polichinelle de dire que c’est Feu Gaid Salah, ex vice-ministre de la Défense, qui est désigné comme l’auteur de cette cabale qu’on veut réparer aujourd’hui.

Doit-on alors déboulonner la statue qu’on lui avait érigée dans l’imaginaire des uns et des autres allant jusqu’à l’enterrer dans le carré des martyrs ne l’oublions pas ?

Doit-on donner suite maintenant aux accusations d’enrichissement illicite a l’encontre de ses enfants ? Accusations relayées par un quotidien national et qui lui ont valu en plus de poursuites judiciaires, l’arrêt du jour au lendemain de l’octroi de la publicité étatique dont il bénéficiait comme beaucoup d’autres journaux et cela sans aucune décision de justice, véritable fait du prince.

Que penser alors des autres hauts responsables civils condamnés et emprisonnés dans la foulée pour délit de corruption, ne jette-t-on pas le doute sur tout ce qui a été dit sur eux et leurs condamnations ?

Va-t-on aussi « vider » ou du moins « alléger » leurs dossiers un jour ? Beaucoup plus important à mon sens, pourra-t-on éviter de faire l’amalgame entre ce dossier précis et les affaires de corruption, ce qui dans le cas contraire serait catastrophique pour le pays ?

Tout ceci nous interroge profondément et nous fait oser la question limite existentielle suivante : Et si Feu Gaid Salah, ex-vice-ministre de la Défense (qui faut-il le rappeler était au début favorable au cinquième mandat)  n’avait pas cru à tort ou à raison que Monsieur Said Bouteflika, ex-conseiller et frère du président déchu, avait projeté de le limoger, quel chemin aurait pris l’Algérie ? Je laisse l’imagination de tout un chacun répondre à cette question …

Si ce miracle traduit une véritable prise de conscience de la justice militaire et pas un simple repositionnement des forces en présence au sommet du pouvoir, il faut que la justice civile fasse elle aussi son mea- culpa en libérant les détenus d’opinion.

C’est à ce moment-là et uniquement à ce moment qu’on pourra peut-être nous faire croire que quelque chose est en train de changer dans notre pays. D’autant plus que la majorité des poursuites contre les détenus d’opinion ont été déclenchés suite à des ordres militaires.

Et là je me permets de citer Mme la présidente du parti de l’Union pour le changement et le progrès, ancienne magistrate et actuellement avocate qui disait il y a quelques jours  sur un journal électronique : « Depuis un an que je défends en tant qu’avocate les détenus politiques et d’opinion, je peux vous dire que tous les dossiers, c’est écrit noir sur blanc dans les PV, c’étaient des poursuites suite à des ordres militaires. Alors que les poursuites pénales, normalement, sont dirigées par le ministère public et non pas par des dirigeants militaires ».

Cela je pense se passe de tout commentaire et montre l’urgence de libérer tous les détenus d’opinion, condition nécessaire incontournable même si elle n’est pas suffisante pour redorer un tant soit peu le blason sérieusement terni d’une justice civile toujours aux ordres du pouvoir politique ou  militaire.

Que la justice civile accomplisse aujourd’hui et sans tarder le même miracle politico-judiciaire qui nous a inspiré cette contribution en relaxant  tous  les détenus d’opinion dont la liste ne cesse de s’allonger de jour en jour.

C’est à cette seule condition que l’on croira peut-être l’avocat d’un des membres du quatuor qui dans un excès d’euphorie après la relaxe de son client a déclaré «  une justice nouvelle pour une Algérie nouvelle ».

Ne dit-on pas que le plus sûr moyen de juger un État est de regarder son système judiciaire ? Tout cet imbroglio politico-judiciaire porte évidemment un sérieux coup aux efforts de Monsieur le ministre de la Communication, porte parole du gouvernement, qui ne cesse de nous jurer une main sur le cœur et l’autre tenant le bâton des poursuites en justice ou du retrait d’octroi de la publicité étatique «  qu’il n’y a pas de détenus d’opinion chez nous ». Rien que ça !!!!!

C’est vrai qu’on nous avait promis une Algérie nouvelle mais à la décharge du pouvoir on ne nous a jamais dit que ceci sous entendait une Algérie démocratique respectant les droits de l’Homme, ça n’a jamais été dans ses plans, c’est nous naïfs que nous sommes qui avions mal compris.

L’Algérie est peut-être nouvelle mais les mœurs du  pouvoir n’ont malheureusement pas changé. Gouvernance par la peur, autoritarisme, opacité dans la conduite des affaires de l’État, répression de toute velléité d’expression libre, justice aux ordres, tel est jusqu’à ce jour cette Algérie nouvelle qu’on nous avais promise et qui est à mille lieues des revendications du Hirak . …. Hirak qui a permis  à ceux qui nous gouvernent d’être à la place qu’ils occupent aujourd’hui. Que nos dirigeants actuels ou futurs ne l’oublient jamais …….

 *Professeur de chirurgie pédiatrique

 djidjelinacer@hotmail.com

 

Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.

  • Les derniers articles

close