Économie

Qui a bâti les « dunes de blé » à Adrar dans le Sahara algérien ?

Entamée depuis début mai, la récolte du blé dans le sud de l’Algérie bat son plein. Ces derniers jours, les centres de collecte ont continuellement réceptionné les cargaisons des camions venant des exploitations céréalières, remplis de blé.

Les grains sont temporairement entreposés à même le sol sur des bâches avant d’être transférés vers les silos en dur. Ces tas de blé rappellent des dunes de sable, sauf qu’il s’agit en fait de blé.

Les mêmes scènes se répètent dans les wilayas d’Adrar, Timimoun, El Menia, Ouargla, Illizi et au sud de Khenchela.

Le spectacle est tel que, sur les réseaux sociaux, certains internautes ont cru à des images issues de l’intelligence artificielle. C’est mal connaître le développement de l’agriculture saharienne en Algérie et l’engouement des investisseurs.

Des moyens logistiques importants

Le bon déroulement de la récolte de blé au sud fait suite à la volonté du ministère de l’Agriculture et du développement rural de réunir tous les moyens afin de collecter dans les plus brefs délais la production des zones sahariennes. Dans ces zones désertiques, la moindre tempête de sable après maturation peut se traduire par un égrenage important.

L’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) s’est particulièrement illustré en mobilisant des moyens logistiques considérables. Dans la ville d’Adrar, la Télévision Algérienne a diffusé ces derniers jours l’impressionnante arrivée d’une centaine de camions et de matériel de récolte.

Ce sont ces moyens logistiques et la multiplication de centres de collecte qui expliquent ce phénomène de dunes de blé qui a tant interpellé les internautes. Dans la seule wilaya d’Adrar, c’est près d’un million de quintaux de céréales qui devrait être récolté. Cette production additionnée à celle des autres régions sahariennes devrait permettre la récolte de deux millions de quintaux de céréales dont une partie est constituée de semences.

Ce stockage à l’air libre est temporaire, une partie de la flotte de camions de l’OAIC est chargée de transférer au fur et à mesure les grains au niveau de silos ou de hangars pour un stockage à plat.

Si à Adrar le lancement officiel de la récolte par le wali a été marqué par un important regroupement des principaux opérateurs de la filière céréales, à El Menia l’image retenue est celle d’une dizaine d’engins de récolte en action côte à côte dans un immense champ circulaire.

Une image plus courante aux États-Unis qu’en Algérie. En bordure de champ, une vingtaine de camions avaient été réquisitionnés pour le transport des grains récoltés.

Après les tâtonnements des premières années, la logistique est dorénavant bien rodée. Les CCLS assurent un ballet coordonné selon un planning comprenant location des engins de récolte et dotation en camions nécessaires au rapatriement des grains.

À El Ménea, le plus spectaculaire n’est pas seulement la dizaine de moissonneuses-batteuses vues côte à côte dans le champ. Comme en Europe, dans celui-ci, une vue aérienne laissait voir un large intervalle entre le passage en cours de culture de pulvérisateurs, signe de l’utilisation d’un matériel de large dimension.

Par ailleurs, après le passage des engins de récolte, deux rounds ballers s’affairaient à la récolte de la paille sous forme de balles rondes. Un type de matériel rarement utilisé au sud de l’Algérie.

L’engouement des investisseurs pour l’agriculture saharienne

Cette utilisation moderne de matériel tranche avec celui habituellement utilisé et signe l’importance des moyens déployés par les investisseurs locaux et étrangers. À Timokten (Adrar) la production de blé est, en partie, le fait d’investisseurs turcs installés sur 4.000 hectares.

« Le projet lancé à Adrar est en service avec une capacité de seulement 30%. L’objectif est d’atteindre une capacité de 60% après un an et de 100% d’ici à 2025 », a confié à l’agence Anadolu, Kenan Kosen, président du conseil d’administration du groupe Dekinsan, rappelle le média turc TRT. Selon ce média, ces dunes de blé sont le résultat du travail de Dunaysir qui a déjà investi 25 millions de dollars.

À Ouargla, ces dernières années, l’association d’un investisseur privé et une entreprise turque, Atlas Fillaha, a permis la culture de 60 hectares de betteraves sucrières. Une première en Algérie depuis les années 1980.

Les discussions en cours entre le ministère de l’Agriculture et la société italienne, Bonifiche Ferraresi (BF), portent sur la production de blé dur sur 36.000 hectares au sud. Selon le média Echorouk, ces pourparlers pourraient rapidement aboutir à une signature et au lancement des opérations sur le terrain.

Suite aux tensions liées aux événements de l’Ukraine, les pouvoirs publics algériens ont lancé une politique qui vise à assurer une plus grande sécurité en matière d’approvisionnement en blé pour réduire la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger : poursuite de la construction de silos modernes, soutien multiforme à la production de céréales au nord du pays et agriculture saharienne.

À ce titre, à travers sa plate-forme numérique, l’Office national de l’agriculture industrielle (ODAS) vise l’attribution dans le Sahara algérien d’un million d’hectares de terres sous forme de concessions agricoles.

Ce programme ambitieux passe par l’utilisation efficiente de l’eau souterraine dont les premiers travaux menés à El Oued au niveau de la production de pomme de terre dans le cadre du programme européen, Programme d’appui au secteur agricole (PASA), montrent qu’il existe des réserves de productivité.

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