Rabah Madjer est l’un des meilleurs footballeurs algériens de tous les temps. Il est en tout cas le plus connu à l’étranger et celui qui a le plus laissé son empreinte dans l’histoire du football mondial.
Paradoxalement, il est décrié dans son pays, peut-être plus que tout autre sportif.
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Invité par la CAF -encore une preuve de l’estime dont il jouit sur la scène internationale-, pour assister au match Algérie – Ethiopie, comptant pour la deuxième journée du CHAN 2022 (groupe A), mardi 17 janvier, Rabah Madjer a été pris à partie par le public du tout nouveau stade Nelson Mandela d’Alger.
Comme s’ils s’étaient donné le mot, les supporters se mettaient à siffler systématiquement à chaque fois que l’ancien joueur de Porto apparaissait sur les deux écrans géants du stade, suscitant l’incompréhension et l’étonnement des autres grands noms du football africain présents à ses côtés.
L’histoire de Rabah Madjer, tous les Algériens la connaissent. Les faits saillants de sa carrière sont notamment son but inscrit face à l’Allemagne au Mondial 1982, le premier de l’Algérie en coupe du monde, et surtout sa prestation en finale de la coupe d’Europe des clubs champions (actuelle Ligue des champions) avec le FC Porto devant le Bayern Munich, en 1987.
Rabah Madjer a retourné le match tout seul, égalisant d’abord sur une talonnade mémorable, puis offrant la passe du but de la victoire à un coéquipier.
Il est, à ce jour l’unique joueur algérien à avoir remporté le prestigieux trophée européen. C’est à partir de ce match que la talonnade est appelée la « Madjer ».
Très rares sont les joueurs qui ont enrichi le jargon footballistique en donnant leur nom à un geste technique. Rabah Madjer a été aussi l’un des artisans de la première coupe d’Afrique des nations remportée par l’Algérie en 1990.
Avec de tels états de service et de tels faits d’armes, les foules devraient se lever dans tous les stades pour saluer le joueur, même plusieurs décennies après sa carrière. Comment Rabah Madjer en est-il arrivé à se faire conspuer dans son propre pays ?
Comment Rabah Madjer a dilapidé un capital inestimable
L’après-carrière de l’homme à la talonnade est l’antithèse du brillant parcours de footballeur qu’il a connu. Comme entraîneur, il n’a jamais connu le succès, bien que les responsables du football algérien lui aient confié l’équipe nationale première à quatre reprises (1993-1994, 1999, 2001-2002 et 2017-2018). En dehors des Verts, il a fait un court passage chez les espoirs du FC Porto et un autre chez le club émirati d’Al Rayan.
En 1999, suite à un désaccord avec le président de la fédération Mohamed Raouraoua, il a déchiré son contrat en direct à la télévision.
Mais c’est son dernier passage à la barre technique de l’équipe d’Algérie qui a le plus malmené sa popularité. Le public était contre sa nomination dès le début, estimant qu’il n’a rien démontré ailleurs et que, du reste, il a eu sa chance à plusieurs reprises.
La pression sur lui et la Fédération algérienne de football étaient telles que Madjer sera limogé après quelques matchs amicaux, sans disputer la moindre rencontre officielle. Les excellents résultats de son successeur, Djamel Belmadi, conforteront dans son jugement le public algérien.
Mais ce n’était pas le moindre grief retenu contre l’ancienne star du football algérien qui, le moins que l’on puisse dire, n’a pas géré de la meilleure des manières son après-carrière.
D’abord, il s’est essayé maladroitement à la politique en intégrant les staffs de campagne de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Les vidéos dans lesquelles il s’affichait avec des personnages honnis de cette période tournent encore sur les réseaux sociaux.
Si les Algériens s’étaient opposés à sa nomination comme sélectionneur en 2017, c’est en partie à cause de ça : on avait soupçonné le pouvoir politique de l’avoir imposé à la fédération algérienne de football.
Rabah Madjer n’a pas été plus adroit dans le monde des affaires. La révélation concernant un terrain qui lui a été affecté au site des Sablettes, sur la baie d’Alger, a fait scandale. Mais le coup de grâce pour son image a été sa condamnation par la justice dans une affaire d’insertions publicitaires fictives impliquant un journal dont il est propriétaire. C’est ce qu’on appelle dilapider un capital inestimable.