Depuis son annonce, le rachat d’une raffinerie italienne par Sonatrach suscite une vive polémique, surtout que peu de détails concernant cette acquisition dont le coût est de 700 millions de dollars ont filtré. Abdelmoumen Ould-Kaddour et des cadres de l’entreprise pétrolière publique ont donné ce mercredi 23 mai, une conférence de presse durant laquelle ils ont défendu cette acquisition.
L’opacité dans laquelle s’est faite l’opération d’achat de la raffinerie est justifiée, selon Ould Kaddour. « Certaines discussions, certaines communications ne peuvent pas être rendues publiques tant que le projet n’est pas fini », a-t-il dit. Selon lui, « l’Algérie est scrutée de partout » et « chaque information que nous lâchons est étudiée, évaluée et a un impact direct sur l’image de l’Algérie ».
L’intérêt de racheter d’une raffinerie à l’étranger
Mazighi Ahmed, conseiller du PDG de Sonatrach, a longuement pris la parole pendant la conférence de presse pour dérouler un argumentaire défendant le choix décrié de Sonatrach. Pour lui, l’achat d’une raffinerie à l’étranger permet de « processer notre pétrole brut directement dans une raffinerie qui nous appartient » et de récupérer ainsi « sous forme de dividendes une partie des frais de processing » payés généralement par l’Algérie lorsqu’elle raffine son pétrole à l’étranger et le rapatrie sous forme de carburants.
Autre avantage signalé par M. Mazighi : « Dégager des produits en surplus qui pourront être tradés sur le marché national à des prix internationaux, ce qui est une très bonne source de dividendes, notamment lorsque les marches de raffinage sont élevées », en plus de « disposer d’un actif dans le raffinage qui peut s’intégrer à notre système de raffinage en Algérie et qui peut offrir des sources d’optimisation avec nos propres raffineries ».
Le but du rachat d’une raffinerie de grande capacité à l’étranger est de permettre à Sonatrach d’offrir « de grands débouchés pour les charges pétrolières, notamment pour le Sahara Blend et le fuel résiduel », a ajouté M. Mazighi qui a signalé que le portefeuille de clients pour l’exportation du pétrole algérien est relativement concentré, ce qui changera avec cette nouvelle acquisition.
Pourquoi la raffinerie d’Augusta et pas une autre ?
Après avoir argumenté en faveur du bien-fondé de l’acquisition d’une raffinerie à l’étranger, M. Mazighi a défendu le choix porté sur celle d’Augusta qui s’est distinguée selon lui face à trois autres opportunités « screenées par Sonatrach ». La raffinerie italienne a été choisie par Sonatrach car elle répond à plusieurs critères importants a expliqué M. Mazighi.
La taille et la capacité de la raffinerie d’Augusta qui est de 10 millions de tonnes la met à l’abri de la fermeture ou de la conversion en site de stockage comme cela a été le cas pour de nombreuses petites raffineries d’une capacité inférieure à 5 millions de tonnes en Europe. Selon lui, « la raffinerie d’Augusta a une capacité de traitement de 10 millions de tonnes par année, elle ne pose aucun problème, aucun risque de fermeture ».
La complexité de la raffinerie et son « très fort rendement en carburant », sa grande capacité de raffinage (10 millions de tonnes par an) qui la place à la deuxième place parmi les possessions de Sonatrach en matière de capacité après la raffinerie de Skikda (16 millions de tonnes par an), son bon état de maintenance, et sa capacité à traiter le Sahara Blend produit par l’Algérie, sont autant d’arguments avancés par M. Mazighi en faveur de l’acquisition de cette raffinerie.
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« Sonatrach va acquérir une capacité de traitement de 10 millions de tonnes par année, et plusieurs terminaux de stockage de carburant à Naples, à Palerme et à Augusta pour une capacité totale de stockage de 925 000 barils. Nous avons hérité d’un système de pipes qui relie la raffinerie aux terminaux et aux jetées et nous avons également hérité de 5% de participation dans une station de traitement des eaux industrielles de la raffinerie », s’est-il réjoui.
Selon le conseiller du PDG de Sonatrach, la raffinerie italienne ne permettra pas seulement d’extraire des essences et du gasoil mais également de produire de l’huile de base, grâce à un rendement de 8% qui est le meilleur rendement parmi les raffineries détenues par Sonatrach. « En termes de complexité, c’est la raffinerie qui a le meilleur rendement en carburants et le meilleur rendement en huile de base de 8%, ce qui fait 800 000 tonnes par an d’huile de base alors que la production d’huile de base d’Arzew tourne autour de 100 000 tonnes par an », a expliqué M. Mazighi.
Les lubrifiants qui seront produits en grande quantité par la raffinerie seront achetés par Exxon Mobil pendant une durée de dix années, ce qui permettra à Sonatrach d’être sûre « d’avoir sur une dizaine d’années un certain niveau de marge sur cette raffinerie ».
La distance entre la raffinerie d’Augusta et Arzew n’est pas un handicap selon le cadre de la Sonatrach. « La distance entre Augusta et la raffinerie de Skikda est d’à peine 200 kilomètres plus longue que la distance entre Skikda et Arzew. Je la compare à Arzew parce que souvent nous cabotons des produits entre Arzew et Skikda », a détaillé M. Mazighi qui voit qu’avec les terminaux de Naples, Palerme et Augusta inclus dans l’acquisition de la raffinerie, la Sonatrach disposera au total font 25 000 barils, ce qui permettra de « renforcer notre autonomie de consommation de gasoil et d’essence de trois jours par rapport à la capacité totale de stockage que nous avons en Algérie avec Sonatrach et Naftal ».
Le problème environnemental est « connu »
La raffinerie Augusta a été présentée comme étant un piège pour Sonatrach qui allait s’embourber dans des problèmes écologiques. Ce qu’a démenti le conseiller du PDG de Sonatrach qui a affirmé que « le problème est connu ».
Il a expliqué que « ces aspects environnementaux font partie des passifs du vendeur et c’est la première des choses qui est évaluée lorsqu’on reprend une raffinerie ». L’étude menée par le cabinet d’avocats italiens Legance pour le compte de Sonatrach a démontré que la raffinerie a obtenu un permis d’exploitation de 12 ans à partir de mars 2018, ce qui n’aurait pas été possible si des problèmes écologiques existaient.
« Parmi les problèmes que cette raffinerie a connu récemment, il y a celui de l’émission de dioxyde de souffre, mais il n’y a pas que cette raffinerie qui a eu ce problème. D’autres ont connu exactement le même problème et ont reçu le même décret de saisie », a toutefois reconnu le cadre de la Sonatrach qui a indiqué que « ce problème est lié au niveau d’émission journalière de dioxyde de souffre » et qu’il a été réglé.
Quant à la contamination des sols, « il fait partie lui aussi des dettes du vendeur », a affirmé M. Mazighi qui a insisté sur le fait qu’il y a un « problème de contamination sur une surface de 20 hectares et non de 360 hectares comme l’ont rapporté certains médias et sur une faible profondeur, il n’y a pas de contamination de nappes phréatiques ».
« Ce problème on le connaît très bien, il a été évalué dès le départ au niveau de l’expertise technique », a rassuré M. Mazighi qui a expliqué que « le coût du traitement des sols est compris dans le modèle économique de l’acquisition de cette raffinerie ».