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Rapprochement Paris-Rabat : quels dividendes pour les groupes français ?

Rapprochement Paris-Rabat : quels dividendes pour les groupes français ?

Par luzitanija / Adobe Stock
Drapeaux français et marocain.

Le blé aux Russes, les armes aux Israéliens, le BTP aux Chinois, les trains aux Espagnols et Sud-Coréens. L’alignement de Paris sur les thèses marocaines dans le dossier du Sahara occidental n’est pas suivi de gros dividendes économiques pour les entreprises françaises.

Contrairement à ce que les Français pouvaient espérer, le royaume se tourne de plus en plus vers les fournisseurs et prestataires d’autres pays dans de nombreux domaines, au détriment des entreprises françaises. Le dernier exemple en date est l’élimination du Français Alstom d’un important appel d’offres lancé par le Maroc pour l’acquisition de 168 trains.

Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a récemment révélé dans une interview au journal français L’Opinion avoir mis en garde le président français Emmanuel Macron qu’il ne gagnera rien de la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental. « Vous faites une grave erreur ! Vous n’allez rien gagner et vous allez nous perdre », a dit le président algérien à son homologue français en marge du sommet du G7 en juin dernier à Bari (Italie).

Armes, blé, BTP, trains… : à qui profite la diplomatie économique du Maroc ?

Le chef de l’État avait anticipé la situation actuelle. Alors qu’elle a mis gravement en péril sa relation avec l’Algérie, la France perd de plus en plus de terrain dans la sphère économique marocaine.

Emmanuel Macron a reconnu la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental fin juillet 2024. En décembre dernier, la France a perdu son statut de premier fournisseur de blé du royaume au profit de la Russie. Portées par le blé (plus de 1 million de tonnes), les exportations russes de produits agricoles vers le Maroc ont été multipliées par 3,4 en 2024.

La semaine passée, le journal français La Tribune a révélé que le Maroc a conclu un important accord d’armement avec la société de défense israélienne Elbit Systems pour la fourniture de 36 pièces d’artillerie autotractées ATMOS 2000.

L’entreprise israélienne a été préférée au Français KNDS, qui lorgnait aussi ce marché. La nouvelle a été reçue à Paris comme un coup dur.

Le Maroc a intensifié sa coopération militaire et sécuritaire avec Israël depuis la normalisation des relations entre les deux pays en décembre 2020.

Outre Israël, Rabat semble aussi se tourner vers la Turquie. Selon la radio publique française RFI, l’entreprise turque Baykar pourrait ouvrir une usine de fabrication de drones dans le royaume. « Ce serait une première en Afrique », souligne RFI, qui a détecté l’information à partir d’une « discrète parution au bulletin officiel marocain ».

Tout au long de ces derniers mois, d’importants projets dans le BTP et l’industrie ont été attribués à des entreprises chinoises, comme la modernisation de lignes ferroviaires ou encore la fabrication de batteries.

Rabat fait jouer la concurrence et ne désespère pas de faire changer de position à Pékin sur la question du Sahara occidental, ou du moins, s’assurer de sa neutralité.

En plus des contrats qu’il accorde à ses groupes, le Maroc a ouvert ses bras pour accueillir les entreprises chinoises qui cherchent à investir dans des pays situés à proximité de l’Europe pour contourner les mesures occidentales contre ses produits.

Les Chinois cherchent ainsi à produire au Maroc pour exporter vers l’Europe avec qui il est lié, suite à un accord d’association avec le royaume.

Rabat garde aussi un œil sur la Russie, un allié traditionnel de l’Algérie, et lui ouvre les portes de son marché.

Après les armes, les Français écartés d’un important appel d’offres au Maroc

Les Français viennent de perdre un autre important marché au Maroc. En prévision de la coupe du monde de football 2030, qu’il organisera conjointement avec l’Espagne et le Portugal, le Maroc a lancé un appel d’offres pour la fourniture de 168 trains, d’un coût total de 1,8 milliard d’euros. Il s’agit de l’acquisition de 40 rames interurbaines, 60 navettes rapides, 50 unités du réseau express régional (RER) et 18 trains à grande vitesse (TGV).

Les entreprises retenues pour la fourniture des trains auront aussi la charge de la maintenance des équipements sur une période de 20 ans.

Plusieurs grands constructeurs mondiaux ont répondu à l’appel d’offres lancé par l’office national marocain des chemins de fer (ONCF). Parmi les entreprises qui ont présenté des offres, le Français Alstom, les Espagnols Talgo et CAF, le Chinois CRRC Zhuzhou Locomotive Co et le Sud-Coréen Hyundai Rotem.

La première phase d’étude des offres a débouché sur l’élimination d’Alstom, de Talgo et de CRRC Zhuzhou, rapporte le média marocain bladi.net.

Un nouvel appel d’offres sera lancé et concernera les deux seules entreprises encore en lice, l’Espagnol CAF et le Sud-Coréen Hyundai Rotem.

Le journal rappelle que le constructeur sud-coréen avait fait part en juillet dernier de son intention d’installer une usine de construction de trains au Maroc.

Le rapprochement politique entre Paris avec Rabat sur le dos du Sahara occidental ne semble pas conférer d’avantages particuliers pour les entreprises françaises qui continuent à perdre des parts sur le marché marocain.

Curieusement, cela ne semble pas affecter outre-mesure la droite dure et l’extrême-droite française qui, pour moins que ça, se seraient déchaînées sur l’Algérie.

C’est ce même courant qui a mis la pression ces dernières années sur le président Emmanuel Macron pour l’amener à « rééquilibrer » sa politique maghrébine en se rapprochant de Rabat au détriment d’Alger.

C’est le même courant qui se plaint régulièrement de la perte par les céréaliers français du marché algérien et de la forte baisse des exportations françaises de produits alimentaires vers l’Algérie.

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