Plusieurs dizaines de magistrats ont observé, ce jeudi 31 octobre, un rassemblement devant le siège de la Cour suprême à Alger, et ce à l’appel de leur syndicat.
Les juges, qui sont à leur 5e jour de grève illimitée pour protester contre le mouvement dans le corps des magistrats, ont insisté sur l’impératif de l’indépendance de la justice.
« Ce rassemblement est une manière pour les magistrats d’exprimer leur exaspération de la situation de la justice. Nous n’avons pas trouvé d’autres issues moins radicales mais celles-ci s’imposent lorsque le dialogue devient impossible ou que ton interlocuteur se montre sourd et veut imposer son avis quelles que soient les conséquences », a soutenu le président du SNM, Issaad Mabrouk, lors d’un point de presse.
Poursuivant, il a voulu apporter des précisions concernant la grève des magistrats. « Nous ne sommes pas sortis à cause du mouvement (décidé par le ministère de la Justice) comme on tend à le faire croire. Ce mouvement a été la goutte qui a fait déborder le vase, suite à l’accumulation des problèmes que subissent les magistrats aussi bien professionnels que sociaux et qui n’ont pas trouvé les réponses idoines. Les réponses données étaient conjoncturelles et de replâtrage », a indiqué M. Mabrouk.
Selon lui, le mouvement dans le corps des magistrats de cette année est « contraire à la loi dans beaucoup de ses aspects ». « La tutelle prétend que le syndicat était d’accord avec les paramètres. Il est vrai que nous avons assisté à une réunion préliminaire et on s’est entendus sur une période de 5 ans pour muter les magistrats à l’instar des procureurs de la République, les présidents de cours et les juges instructeurs. Nous avons dit que pour un meilleur fonctionnement de la justice, ceux-ci devraient être changés tous les 5 ans (…) Or, ce qui s’est passé, c’est que plus de la moitié des magistrats qui ont été touchés par le mouvement ne l’ont pas été à leur demande comme le stipule la loi», a critiqué le président du SNM.
Il a regretté que la liste des revendications socioprofessionnelles élaborée par les magistrats « n’ait pas trouvé une oreille attentive », ajoutant que l’autre revendication des juges relative à l’indépendance de la justice est « au cœur d’un débat sociétal ».
« De nombreuses catégories sociales mettent en doute la crédibilité et la transparence de la justice. En ce qui nous concerne, nous ne nions pas la réalité, nous essayons de donner les aspects positifs mais nous ne pouvons pas occulter ce qui est négatif que nous tentons de rectifier », a admis Issaad Mabrouk.
Pour lui, « les juges ne sont pas à la recherche d’avantages corporatistes pour leurs personnes. Ce que demandent les magistrats, c’est de garantir les droits des citoyens quels que soient leur rang social ou leurs conditions. Un procès équitable exige que le juge se soumette à la loi et rien qu’à la loi et aussi à sa conscience. La seule institution habilitée à évaluer le travail du juge, c’est le Conseil supérieur de la magistrature. Celui-ci se trouve aujourd’hui dépourvu de ses prérogatives et est devenu un organe d’approbation, rien de plus (…) ».
Issaad Mabrouk a estimé que « les détenus d’opinion sont pour nous des dossiers judiciaires qui sont traités devant des juges. Et chacun (des juges) est responsable de la décision qu’il prend et en son nom propre. L’histoire retiendra qui d’entre les juges aura appliqué la loi correctement ou de manière incorrecte. De là à dire que les juges reçoivent des instructions… Je vous dis la vérité, j’ai beau chercher un seul juge qui eut reçu des instructions, je n’en ai trouvé aucun. Par ailleurs, des juges ont pris des positions historiques mais ceux-là personne n’en parle. Ce traitement à géométrie variable est inacceptable. Je ne dis pas que ce s’est passé agrée au peuple (…) la loi est au-dessus de tous, ne nous faites pas porter ce dont nous sommes incapables ».