Société

Rencontre avec Omar Malki, architecte du nouveau stade de Tizi-Ouzou

Rarement une œuvre architecturale, conçue par des compétences algériennes, n’a suscité autant d’admiration que le nouveau stade de Tizi-Ouzou, baptisé du nom de Hocine Ait Ahmed et inauguré avec faste mercredi 10 juillet par le président Abdelmadjid Tebboune.

Véritable bijou architectural, l’enceinte sportive d’une capacité de 50.000 places a donné lieu à un florilège de commentaires élogieux et de compliments pour les concepteurs du projet, autant de la part des autorités, des instances sportives, de l’élite footballistique que des architectes et de nombreux férus de la balle ronde, particulièrement des supporters de la JSK, club phare de la Kabylie, qui dispose désormais d’une arène sportive à la hauteur de son standing et de son prestige.

Omar Malki, architecte du nouveau stade de Tizi-Ouzou : « Je suis fier, on l’a fait avec passion »

« De là où il est, Mohand Chérif Hannachi (ancien président de la JSK de 1993 à 2017, décédé en 2020), qui s’est investi corps et âme pour voir aboutir ce projet, doit être content », savoure, avec modestie, Omar Malki, architecte et concepteur de cette œuvre grandiose.

Cette prouesse est d’autant méritoire que ce natif de Lakhdaria a fait toutes ses classes en Algérie. Diplômé de l’EPAU (École polytechnique d’architecture et d’urbanisme d’Alger, promotion 1984), Omar Malki entame sa carrière à la direction de l’urbanisme et de la construction à Laghouat.

En 1991, il parvient à obtenir l’agrément pour son bureau d’études, établi à Alger et dénommé « Dune architecture » en référence à ses années passées dans cette ville à la porte du désert algérien.

Et depuis, loin des feux de la rampe, il collectionne les projets, dont certains d’envergure, qui ne manquent pas d’attrait. À son tableau de chasse : la conception du village touristique de Saket, à l’ouest de Bejaia, pour lequel il a été primé, le siège de Société Générale dont il a gagné le concours à Paris, la nouvelle gare ferroviaire de l’aéroport d’Alger ou encore le siège de la BEA (Banque extérieure d’Algérie).

Mais c’est sans conteste la conception du nouveau stade de Tizi-Ouzou, avec un design qui n’a rien à envier aux enceintes sportives de renom de par le monde, qui met en lumière le savoir-faire de cet architecte et son équipe et consacre la compétence algérienne dans ce domaine.

Pourtant rien ne fut simple pour gagner le projet. En 2005, peu après la promesse faite par le défunt président Abdelaziz Bouteflika à Moh Cherif Hannachi pour la réalisation d’un grand stade à Tizi-Ouzou, un concours international d’architecture auquel il prend part est lancé.

Non seulement, Omar Malki doit faire face à une rude concurrence de nombreux postulants dont des Coréens et des Chinois, mais aussi à présenter un projet qui correspond à la nature géologique difficile du site, sis à la sortie ouest de la ville de Tizi-Ouzou.

Mais il réussit à convaincre les membres du jury, composés essentiellement des représentants des autorités locales, de la direction de la jeunesse et des sports et de Mohand Chérif Hannachi. Il finit par obtenir le graal.

« Le site, la topographie ont fait le projet », explique à TSA, Omar Malki, comme pour résumer ses choix conceptuels.

« Au début du concours, il était question d’un stade de 40.000 places. J’ai présenté ma vision surtout qu’il s’agit d’un site difficile. Il fallait agrandir le terrain. De 21 hectares, nous avons réussi à obtenir une extension à 60 hectares grâce aussi aux efforts de Hannachi auprès des autorités. Surtout que pour un stade de 50.000 places, il faut 8.000 places de parking. L’étude a commencé en 2006 et on l’a fini en 2009 », détaille-t-il.

« On peut évacuer le stade en huit minutes »

Bien plus qu’un stade, il s’agit pour lui d’un complexe sportif puisque le site dispose aussi d’un stade d’athlétisme d’une capacité de 6.500 places, soit le plus grand d’Algérie.

Conformément aux recommandations de la FIFA, toutes les normes ont été respectées : angle de vue pour les spectateurs, parfait à tous les endroits, distance entre les spectateurs et le terrain ou encore les cabines presse. « On peut évacuer le stade en huit minutes et c’est validé par la protection civile », assure-t-il.

Hormis la structure haubanée (barres et câbles), une première comme charpente métallique, fabriquée à l’étranger, le reste des matériaux utilisés dans la construction du nouveau stade de Tizi-Ouzou sont de fabrication d’entreprises algériennes, notamment le béton, la boiserie, la verrerie et l’aluminium.

« C’est un bon mariage entre béton et métal », se plaît à préciser Omar Malki. Durant la phase d’études, une AMO (assistance à Maître d’ouvrage) canadienne a été engagée par la wilaya et a validé tous les plans. Et pas moins de trente personnes dont des compétences algériennes à l’étranger ont participé au suivi des travaux.

L’exploit du savoir-faire algérien

« Je suis fier, on l’a fait avec passion. C’est un premier essai, mais on l’a fait. C’est l’ingénierie algérienne qui sort gagnante », souligne Omar Malki.

Malgré le retard accusé dans la réalisation, entamée en 2010, en raison des déboires judiciaires que connaîtra plus tard Ali Haddad dont le groupe avait hérité du projet avec un autre groupe espagnol, avant que le groupe turc Atlas ne prenne le relais après l’arrivée au pouvoir de Abdelmadjid Tebboune en 2019, Omar Malki ne boude pas son plaisir aujourd’hui à la vue de l’accomplissement de cette œuvre majestueuse dont il se dit « fier ».

« Je suis content. Il y avait du pessimisme au début. Mais on l’a fait avec professionnalisme, avec passion. Il y’a une synergie qui s’est dégagée. Il faut faire confiance à la compétence algérienne », clame-t-il.

Témoignage de la réussite de cette œuvre qui va certainement écrire son histoire à l’avenir, l’avis, l’admiration et les louanges d’un homme qui a écumé les plus grands stades d’Europe : Moussa Saïb, l’ex international et ex joueur et entraîneur de la JSK, passé par l’AJ Auxerre, Valence et Tottenham. « Je rêve de rester joueur pour jouer dans ce stade », a-t-il confié à Omar Malki.

L’ambition aujourd’hui de cet architecte sous les projecteurs est d’exporter le savoir-faire algérien dans ce domaine. « C’est ce genre d’exploit qu’on veut rééditer et pourquoi pas ne pas exporter le savoir-faire algérien », explique-t-il.

En attendant, les compliments continuent à pleuvoir sur celui dont l’aventure a commencé il y a 33 ans. « On a eu beaucoup de compliments de nos collègues architectes étrangers. Il y a même un Espagnol qui était salarié chez nous et qui dispose désormais d’un cabinet en Espagne. Il se vante d’avoir été formé en Algérie », confie Omar Malki.        

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