Le Dr Mohamed Yousfi réitère son appel aux citoyens sur la nécessité de respecter les mesures barrières anti-covid. Et interpelle les pouvoirs publics sur l’importance d’accélérer la vaccination contre le Covid-19.
Les contaminations au covid ont franchi le seuil de 300 cas hier mardi 31 mai. Quelle lecture faites-vous de la situation épidémiologique en Algérie ?
En raison du non-respect des mesures barrières et le relâchement important, c’est tout à fait normal. On constate qu’il y a une augmentation et cela on l’enregistre dans nos services où il y a une pression importante.
Au mois de mars, avant l’augmentation des cas, on tournait autour de 10 à 15 % des capacités, puis à 25 %-30 % et actuellement on est à 50 % et plus des capacités des hôpitaux.
A l’EPH de Boufarik, on arrive jusqu’à 70 %. Tout ça était prévisible tant qu’on n’a pas cette vigilance par rapport à l’application des mesures barrières, et aussi tant que la vaccination est encore très faible pour arriver à une immunité collective.
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Quelle est l’urgence aujourd’hui ?
On ne le répètera jamais assez : ce sont les mesures barrières. On n’a pas d’autres solutions. Il y a lieu de respecter les mesures barrières en attendant d’avancer dans la vaccination, sachant qu’on a besoin d’au moins 30 millions de doses de vaccins alors qu’on est à 1,5 million et demi à peine qu’on a réceptionnées depuis le mois de janvier.
On projette d’arriver à 5 millions de doses d’ici la fin juin, il n’en reste pas moins que c’est largement insuffisant au moment où d’autres pays sont au tiers ou plus de la population qui est vaccinée.
En Algérie, le taux n’est que de 3 à 4 % et là encore, si l’on comptabilise les doses qui sont arrivées et qui n’ont pas encore été toutes utilisées. Si l’on comptabilise 1,4 million de doses, ça nous fait 700 000 vaccinés alors qu’on devrait avoir au moins 20 millions de personnes vaccinées.
Donc, tenons-nous-en aux mesures barrières. Et là avec la réouverture (partielle) des frontières nous insistons sur le respect du protocole sanitaire par les voyageurs qui viennent en Algérie en raison d’un risque d’importation de variants.
Il faut savoir que ceux qui rentrent et qui sont covid+ sont automatiquement porteurs de variants. Car du point de vue épidémiologique dans les pays de provenance, que ce soit l’Europe ou l’Asie, ce sont les variants qui y sont majoritaires.
Nous invitons nos compatriotes qui rentrent de l’étranger à respecter le confinement à la fois dans leur intérêt et aussi de leurs proches. Une PCR négative ne signifie pas qu’on n’aura pas le covid le lendemain. Ça les expose à développer des formes graves et éventuellement à contaminer d’autres personnes.
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N’y a-t-il pas, selon lui, un laisser-aller de la part des pouvoirs publics en matière de respect des mesures barrières ?
Depuis le début de l’épidémie, on a dit qu’il y avait deux parties qui sont responsables. Si l’une est défaillante, les mesures sanitaires tombent à l’eau.
D’un côté, il y a les citoyens, mais de l’autre il y a aussi le contrôle de l’application des mesures barrières par les pouvoirs publics. Il suffit qu’une minorité de citoyens n’applique pas les mesures et tout le travail fait en amont tombe à l’eau.
Et là ce sont les professionnels de la santé sur la brèche qui ont payé un lourd tribut, et qui vont payer les pots cassés. Et je rappelle qu’on a entamé le seizième mois depuis qu’on a enregistré le premier cas covid en Algérie et ce sont autant de mois de travail non-stop en tout cas dans la wilaya de Blida et surtout à l’EPH de Boufarik.
Mais c’est aussi valable pour beaucoup de wilayas. Faisons donc preuve de civisme et de conscience dans l’intérêt de tous, nous ne sommes pas encore sortis de la pandémie.
Faisons en sorte d’en sortir avec le moindre de dégâts possibles. N’oublions pas encore une fois que du point de vue épidémiologique on est des privilégiés par rapport à nos voisins, et le bilan est nettement moins important que dans ces pays.
L’appel est aussi lancé aux pouvoirs publics pour accélérer la campagne de vaccination en ayant plus de doses, surtout que c’est un peu plus facile d’avoir ces doses du fait que les pays développés ont pu vacciner massivement.
En matière de communication aussi, les pouvoirs publics sont invités à communiquer avec les citoyens sur l’évolution de l’épidémie même si elle est faible, aussi sur la campagne de vaccination et le nombre de vaccinés ainsi que le calendrier vaccinal.
En tant que professionnels de la santé, nous attendons beaucoup de cette communication. La communication doit aussi englober les variants : avec la réouverture (partielle) des frontières, il faudrait qu’on ait plus d’informations concernant la circulation des variants.
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