Début de décantation de la situation politique ? On n’en est pas encore là, mais les événements et annonces qui se succèdent depuis quelques semaines permettent de percer un tant soit peu le mystère concernant les intentions de la partie qui compte le plus.
Le pouvoir ne semble plus aller de pied ferme vers le seul projet qu’on lui connaissait jusque-là : la continuité à travers la reconduction du président Bouteflika pour la cinquième fois consécutive à la tête de l’État.
Le départ sans doute forcé de Djamel Ould Abbès de la tête du FLN en novembre dernier fut peut-être le premier acte du nouveau plan concocté lorsque tout le monde a dû admettre que l’état de santé du président sortant ne lui permetait pas de rester cinq ans de plus aux affaires.
L’ex-SG du FLN s’est pour ainsi dire trop mouillé dans cette histoire de cinquième mandat et il aurait été moralement incorrect et politiquement inconfortable pour l’homme de changer subitement de tube.
Pour les autres chefs des partis de l’Alliance présidentielle, l’exercice est plus facile. Ils ont certes appelé le président à rester, mais sans trop suivre Ould Abbès dans sa surenchère. Mieux, certains, à l’image de Amara Benyounès, se sont même gardé de se prononcer. Ils peuvent donc aujourd’hui sans gêne faire la promotion d’autres alternatives et, à lire la déclaration qui a sanctionné la rencontre de l’Alliance présidentielle dimanche, il semble bien que c’est ce qu’ils sont en train de faire.
« Nous appuyons toutes les initiatives émises sur la scène politique et qui visent l’approfondissement des réformes ». La position du FLN, du RND, du MPA et de TAJ ne pouvait pas être plus claire : au pire, ils ne rejettent pas la proposition du président du MSP de reporter l’élection présidentielle d’avril 2019, au mieux ils la soutiennent. L’un des leurs, Amar Ghoul, a même fait une proposition quasi similaire en appelant à la tenue d’une « conférence nationale », et en se montrant ouvert à discuter du report de la présidentielle.
Si Abderrazak Makri avait émis son idée il y a seulement deux mois, il aurait eu droit à une volée de bois vert de la part des porte-voix du pouvoir qui avaient fait de la stabilité des institutions une ligne rouge à ne pas franchir.
Il est évident que quelque chose de fondamental a changé pour que le FLN, le RND, le MPA et TAJ se résignent à accepter de remettre en cause l’une des rares réussites incontestables du régime, à savoir le respect du calendrier électoral, immuable depuis les législatives de 1997 qui avaient suivi celles avortées de 1991. Il serait certes plus sage de rester prudent et de noter que la tenue d’une « conférence nationale » et encore moins le report de la présidentielle ne constituent pas une décision actée, mais le fait que les partis du pouvoir ne la rejettent pas est un signe qui ne trompe pas : un autre plan est en passe d’être mis à exécution.
Dimanche dernier, M. Makri a fait part sur TSA Direct d’ « échos favorables » émanant de parties au sein du pouvoir qu’il a pris le soin d’approcher.
Le président du MSP est aussi formel quant au consensus qui existerait autour de la question parmi les partis de l’opposition et au sein du pouvoir. En d’autres termes, la tenue du scrutin présidentiel à la date prévue n’arrange personne. Pour l’opposition, ses appréhensions sont compréhensibles. Elle juge –et le président du MSP le dit sans ambages- que les quatre mois qui nous séparent de l’élection sont insuffisants pour mettre en place les outils et mécanismes garantissant un scrutin libre.
Reste à percer le mystère de ce gros rétropédalage qui s’annonce du côté du pouvoir. Le souci de temporiser n’est pas à exclure là aussi si l’on admet que les décideurs aient changé d’avis pour des raisons inconnues. Une année supplémentaire pourrait permettre de régler en douceur la question de la succession qui, on comprend bien qu’elle ne pouvait être évoquée tant que Bouteflika paraissait en mesure de continuer.
Mais comme tout plan ficelé dans l’urgence, celui dont les contours se dessinent chaque jour un peu plus n’est pas sans porter des contradictions. Censé faire gagner du temps aux uns et aux autres, il risque lui-même d’être confronté à l’étroitesse du temps. Engager des pourparlers avec des dizaines de partis et peut être autant de personnalités nationales, réunir tout le monde dans une conférence, dégager un consensus et procéder à la révision de la constitution pour introduire une clause prévoyant le report, le tout en un peu plus de trois mois, ça risque de ne pas être frappé du sceau du bon sens et du sérieux…